Sommaire
1 – Constitution et système institutionnel
Depuis son indépendance le 30 juin 1960, la République Démocratique du Congo (RDC) a connu des crises nombreuses et une véritable guerre civile de 1996 à 2003.
Pour tenter de remédier à cette instabilité, un accord « global et inclusif » a été signé à Pretoria (Afrique du Sud), le 17 décembre 2002, par des délégués de la classe politique et de la Société Civile avec pour objectif de mettre en place une nouvelle Constitution démocratique. Une Constitution « de transition » a été adoptée le 1er avril 2003 à Sun City (Afrique du Sud).
Le Sénat issu de cet accord global de transition a déposé un avant projet de constitution à l’Assemblée Nationale qui l’a adopté sous forme de projet. Les 18 et 19 décembre 2005, le peuple congolais se prononçait favorablement par référendum sur ce texte. La nouvelle Constitution est entrée en vigueur le 18 février 2006. Elle a été révisée par une loi du 20 janvier 2011, promulguée le 1er février 2011. Cette révision concerne 8 des 229 articles que compte la Constitution.
Celle-ci prévoit l’organisation et l’exercice du pouvoir de la manière suivante :
– Le Président de la République est dorénavant élu, à un seul tour, à la majorité simple des suffrages exprimés pour un mandat de 5 ans, renouvelable une seule fois. Il promulgue les lois et statue par voie d’ordonnance. Il peut dissoudre l’Assemblée Nationale en cas de crise persistante entre le Gouvernement et l’Assemblée. Il peut également dissoudre une Assemblée provinciale ou relever de ses fonctions un Gouverneur de province en cas de crise grave et persistante menaçant le fonctionnement régulier des institutions provinciales. Le président est le commandant suprême des Forces armées. Il dispose de l’initiative de la révision constitutionnelle.
– Le Parlement avec les deux Assemblées dont les membres sont élus pour 5 ans, l’une au suffrage direct (Assemblée Nationale) et l’autre au suffrage indirect (Sénat). Le Parlement peut voter une motion de censure contre le gouvernement ; en cas de majorité absolue, le gouvernement doit démissionner dans les 48 heures.
– Le Gouvernement : le Premier Ministre est nommé par le Président de la République au sein de la majorité parlementaire, il dirige le gouvernement et conduit la politique de la Nation décidée en concertation avec le Président. La défense, la sécurité et les Affaires étrangères ne sont plus décidées exclusivement par le Président.
– Les Cours et les Tribunaux : l’indépendance du pouvoir judiciaire est affirmée, la constitution prévoit également qu’il ne peut être créé aucun tribunal d’exception.
L’organisation administrative prévue dans la nouvelle Constitution est celle d’un régime fortement décentralisé : la ville de Kinshasa et 25 provinces avec une certaine autonomie, notamment financière (40% des recettes allouées aux provinces sont directement perçues par ces dernières). Chaque province est dotée d’une Assemblée provinciale et d’un Gouvernement provincial.
2 – Système juridique
Le système juridique congolais a toujours été partagé entre un système de droit moderne inspiré par le système belge (donc droit romano-germanique codifié) et un système de droit coutumier. Ce deuxième droit n’est quasiment pas écrit et une volonté de le valoriser et de le faire connaître a été affirmée.
En matière de poursuites pénales, contrairement à la plupart des pays d’Afrique francophone, les fonctions d’enquête ne sont pas séparées de celles de poursuite, c’est le Ministère Public qui dirige l’instruction et qui poursuit. Le Procureur et la Défense sont théoriquement sur un pied d’égalité, chacun enquête et présente les résultats de son investigation.
La garde à vue est réglementée dans ses grandes lignes par la Constitution en son article 18, lequel prévoit : « toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend. Elle doit être immédiatement informée de ses droits. La personne gardée à vue a le droit d’entrer immédiatement en contact avec sa famille ou avec son conseil. La garde à vue ne peut excéder 48h. A l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à disposition de l’autorité judiciaire compétente. Tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité ». Dans la pratique toutefois, les arrestations arbitraires et les exécutions sommaires rendent plutôt aléatoires cette disposition constitutionnelle.
La nouvelle Constitution a érigé en principe constitutionnel la parité homme /femme dans les institutions et les violences sexuelles (nombreuses pendant la guerre) ont été érigées en crime contre l’humanité.
Le système légal de la RDC est « moniste » ce qui signifie que les dispositions des traités internationaux sont directement applicables et peuvent être invoquées dans des décisions judiciaires.
3 – Organisation judiciaire
La Constitution prévoit un ordre judiciaire et un ordre administratif. La Cour de sûreté de l’Etat disparaît tandis que la Cour suprême de justice, selon l’article 157 de la Constitution, est éclatée en trois juridictions distinctes, à savoir : la Cour Constitutionnelle (installation en vertu d’une loi promulguée le 15 octobre 2013), la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat.
– La Cour constitutionnelle : Selon la Constitution, elle comprend neuf membres nommés par le Président de la République dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le Parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature. Les deux tiers des membres de la Cour Constitutionnelle doivent être des juristes provenant de la magistrature, du barreau ou de l’enseignement universitaire. Le mandat des membres de la Cour constitutionnelle est de neuf ans non renouvelable. Elle est renouvelée par tiers tous les trois ans. Son Président est élu par ses pairs pour une durée de trois ans renouvelable une seule fois. Il est investi par ordonnance du Président de la République.
La Cour constitutionnelle est chargée du contrôle de la constitutionnalité des lois.
Elle juge du contentieux des élections présidentielles et législatives ainsi que du référendum. Elle connaît des conflits de compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ainsi qu’entre l’Etat et les provinces. Elle connaît des recours contre les arrêts rendus par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, uniquement en tant qu’ils se prononcent sur l’attribution du litige aux juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif. Ce recours n’est recevable que si un déclinatoire de juridiction a été soulevé par ou devant la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat.
Toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire. La Cour constitutionnelle est le juge pénal du Président de la République et du Premier ministre pour des infractions politiques de haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité ainsi que pour les délits d’initié et pour les autres infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
L’ordre judiciaire est composé des cours et tribunaux civils et militaires placés sous le contrôle de la Cour de Cassation
La Cour de cassation connaît des pourvois en cassation formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les cours et tribunaux civils et militaires. Elle connaît en premier et dernier ressort des infractions commises notamment par les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, les membres du Gouvernement autres que le Premier ministre, les membres de la Cour constitutionnelle, les magistrats de la Cour de cassation ainsi que du parquet près cette Cour, les membres du Conseil d’Etat et les membres du Parquet près ce Conseil, les membres de la Cour des Comptes et les membres du parquet près cette Cour.
Les juridictions militaires connaissent des infractions commises par les membres des Forces armées et de la Police nationale. La Cour d’Ordre Militaire qui avait été très critiquée a été remplacée par la Haute Cour Militaire.
L’ordre administratif est composé du Conseil d’Etat et des Cours et tribunaux administratifs
Le Conseil d’Etat connaît, en premier et dernier ressort, des recours pour violation de la loi, formés contre les actes, règlements et décisions des autorités administratives centrales. Il connaît en appel des recours contre les décisions des Cours administratives d’appel. Il connaît, dans les cas où il n’existe pas d’autres juridictions compétentes, de demandes d’indemnités relatives à la réparation d’un dommage exceptionnel, matériel ou moral résultant d’une mesure prise ou ordonnée par les autorités de la République. Il se prononce en équité en tenant compte de toutes les circonstances d’intérêt public ou privé.
La loi du 3 juillet 2001 a créé des Tribunaux de commerce avec des magistrats consulaires et professionnels et la création de « tribunaux du travail ».
– La cour des comptes : Elle contrôle la gestion des finances de l’Etat, des biens publics ainsi que les comptes des provinces, des entités territoriales décentralisées ainsi que des organismes publics.
4 – Formation des magistrats et des personnels de justice
Avant l’indépendance en 1960, il n’y avait pas un seul juriste congolais diplômé qui exerçait la profession d’avocat et le gouvernement a recruté des juges étrangers. Une Ecole Nationale de Droit et d’Administration avait été créée au début des années 60, mais cet institut n’a fonctionné que quelques années. En raison de la guerre civile aucune formation sérieuse n’a pu être dispensée depuis des années et les 8.000 étudiants qui fréquentent la faculté de droit de l’université de Kinshasa n’avaient quasiment pas de documents écrits à leur disposition. De nombreuses organisations non gouvernementales (notamment de défense des droits de l’homme) ont tenté d’assurer la fourniture de documents et d’enseignement.
Est en projet la création d’un Institut national de formation judiciaire qui dispenserait une formation initiale et continue aux magistrats et greffiers, sous la responsabilité du ministère de la justice et du CSM.
Les Juges et les Procureurs sont nommés directement lorsqu’ils sortent de l’école de droit sans avoir besoin d’exercer auparavant les fonctions d’avocat. Ils entrent dans une structure hiérarchique et dépendent de leurs supérieurs pour leur affectation et leur promotion.
Selon l’article 82 de la Constitution, le président de la République nomme, relève de leurs fonctions et le cas échéant, révoque, par ordonnance, les magistrats du siège et du parquet sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Le CSM est composé notamment du président et du procureur général près la Cour constitutionnelle, du premier président et du procureur général près la Cour de cassation, du premier président et du procureur général près le Conseil d’Etat. Il est l’organe de gestion du pouvoir judiciaire. Il exerce le pouvoir disciplinaire sur les magistrats.
5 – Justice des mineurs
La protection légale, judiciaire et sociale des enfants est extrêmement faible et ce, alors même que la RDC a ratifié les principaux traités internationaux qui protègent les droits de l’enfant. Un certain nombre d’infractions commises à l’encontre des enfants sont incriminées dans le Code pénal. Aucun texte n’établit clairement l’âge au dessous duquel l’enfant ne peut être responsable pénalement. Les mineurs entre 16 et 18 ans sont traités comme les majeurs dans le cadre des mesures procédurales et des dispositions de fond.
En RDC, des tribunaux pour enfants sont prévus pour chaque ville et chaque territoire du pays. Les juges pour enfants reçoivent désormais une formation spécifique pour entendre les enfants. Les interrogatoires par les OPJ se font encore pour la majorité des cas en l’absence des parents ou tuteurs, d’assistants sociaux et rarement avec l’assistance des avocats.
Il convient de relever que le problème des « enfants soldats » est un sujet grave et relevé par toutes les organisations internationales traitant des problèmes de droits de l’homme en RDC.
Le 4 octobre 2012, le gouvernement congolais a signé un plan d’action, adopté dans le cadre des résolutions 1612 (2005) et 1882 (2009) du Conseil de sécurité des Nations unies, pour mettre fin au recrutement de mineurs. Ce texte présentait des mesures spécifiques à mettre en œuvre pour libérer et réinsérer les enfants associés aux forces de sécurité gouvernementales, et pour empêcher qu’ils ne soient de nouveau recrutés.
6 –Actualité judiciaire
L’administration pénitentiaire fait l’objet d’une réforme. Une inspection générale des services pénitentiaires est en cours de création, ainsi qu’un cycle de formation à l’administration pénitentiaire.
Est également en cours de création une école de formation des OPJ et la mise en place d’un fichier des empreintes digitales. La professionnalisation des forces de polices spécialisées dans la criminalité organisée fait l’objet d’une attention toute particulière.
La République démocratique du Congo a promulgué en juillet 2011 une loi criminalisant la torture
En avril 2013 a eu lieu la promulgation de la loi organique portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judicaire, qui confère aux cours d’appel la compétence pour connaître des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ( précédemment, la justice militaire congolaise, fondamentalement viciée, conservait une compétence exclusive en matière de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, y compris dans les affaires où des civils étaient jugés)
En mars 2015, le Conseil de sécurité a prorogé d’un an le mandat de la MONUSCO (mission de l’ONU pour la stabilisation de la RDC) tout en réduisant ses effectifs. Parmi les missions de la MONUSCO figurent : la protection des civils, la neutralisation des groupes armés, la mise en œuvre de l’embargo sur les armes, et la stabilisation de l’Est de la RDC.
Vote en 2015 de la loi de révision du Code de la famille. Si cette loi contient des avancées non négligeables, elle maintiendrait quelques inégalités hommes/femmes.
Du 27 avril au 2 mai 2015, le ministère de la justice et des droits humains a organisé les « Etats généraux de la justice ». Près de 300 recommandations ont été formulées parmi lesquelles :
-la création d’une politique nationale de réforme de la justice
-une nouvelle stratégie nationale sur l’aide juridictionnelle
– la promotion de la médiation et des modes alternatifs des conflits
– la mise en œuvre rapide de l’Institut de formation judiciaire
– la création d’une nouvelle carte judiciaire
– vote d’une loi encadrant la sanction des magistrats