Sommaire
1- Constitution et système institutionnel
Le Qatar est un émirat de monarchie héréditaire. Selon le droit coutumier local, repris aujourd’hui par les termes de la Constitution, le pouvoir se transmet de père en fils, au sein de la famille AL THANI qui est la dynastie régnante depuis 1868. Il n’y a pas de parti politique officiel mais il y a des tribus qui, de fait, obligent à un équilibre permanent entre les différentes tendances qu’elles représentent.
L’une des avancées politiques les plus remarquables du Qatar fut la première constitution qui, sous l’influence du père de l’Emir actuel, son Altesse Cheikh Hamad bin Khalifa AL THANI a été adoptée par la voie du référendum en avril 2003 par 96,6% des votants. Promulguée en 2004, elle est entrée en vigueur le 9 juin 2005. Le Cheikh Hamad, au pouvoir depuis 1995, a abdiqué le 25 juin 2013 en faveur de son fils qui est devenu le Cheikh Tamim ben Hamad AL-THANI. Il s’agit d’une première dans l’histoire du monde arabe, aucun souverain n’ayant jamais renoncé au pouvoir volontairement.
C’est ainsi que le Qatar dispose d’un système qui consacre le principe de la séparation des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire. A l’article 59, la constitution dispose que « le peuple est la source de tout pouvoir ». Elle garantit aussi la liberté d’association et de culte, de même que la liberté de la presse dont la chaîne de télévision « Al-Jaazira » a donné une expression jusqu’alors inconnue dans le monde arabe.
Le pouvoir législatif est exercé par une assemblée nommée « conseil consultatif » ou « Majilis Al-Choura », composé de 45 membres dont les deux tiers sont élus au suffrage universel direct pour quatre ans, comme le prévoit l’article 77 de la Constitution. Les 15 membres composant le tiers restant sont nommés par l’Emir. Il revient aussi à l’Emir de convoquer le corps électoral pour constituer le conseil consultatif. Les premières élections législatives devaient se dérouler en 2007. Elles n’ont jamais eu lieu, probablement en raison du fragile équilibre qui existe entre les différentes tribus composant les forces politiques du Qatar. En 2011, à la suite des « printemps arabes », la tenue de ces élections législatives qui avait toujours été repoussée, a été annoncée pour 2013. Néanmoins le Cheikh Hamad les a de nouveau repoussées sine die la veille de la transmission du pouvoir entre à son fils et a reconduit la totalité des membres du conseil consultatif dans leurs fonctions. Même s’il exerce un rôle purement consultatif, chacun s’accorde à reconnaître que ce conseil assume un vrai travail parlementaire. Il est force de proposition.
Selon l’article 62 de la Constitution, le pouvoir exécutif appartient à l’Emir qui élabore et conduit la politique générale du pays en concertation avec le Conseil des Ministres, composé de 12 ministres. L’Emir ratifie les lois et les décrets, nomme le Premier Ministre et les Ministres, de même que les hauts fonctionnaires civils et militaires. Il est le Chef de l’Etat du Qatar. Sa personne est inviolable. Il est aussi le chef suprême des armées qu’il supervise avec un conseil de défense.
Le pouvoir judiciaire est défini par le Titre V de la Constitution. La suprématie de la loi y est affirmée, ainsi que l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire, gardien de la sécurité, des droits et des libertés.
2- Système juridique
Le système juridique du Qatar affirme la primauté du droit musulman (Coran, Sunna, Fiqh), en particulier pour tout ce qui concerne le statut personnel, le droit de la famille ou bien encore le droit des affaires (qui prohibe le prêt à intérêt) ou le droit pénal chariatique (huddud). On observe toutefois que le Qatar a progressivement évolué vers un système mixte de droit musulman et de droit profane où la Common Law rivalise avec le droit civil.
En dépit de plusieurs décennies de protectorat britannique (1916-1971), le Qatar s’est doté d’un système de droit continental fondé sur le Code Napoléon qui s’est répandu dans la région sous l’influence Egyptienne après la Campagne d’Egypte. Il dispose à ce jour de plusieurs codes, et notamment un code civil et un code de procédure civile et commerciale, un code pénal et un code de procédure pénale qui ont été révisés en 2002.
Le droit des biens est assez éloigné des principes de droit continental. En particulier, le concept de propriété, comme droit absolu tel qu’il existe en droit français, est inexistant au Qatar pour les étrangers. Le démembrement de ce droit est très fréquent. Ainsi, la personne étrangère qui acquiert un bien immobilier ne peut en recueillir en réalité qu’un droit d’usage, ce qui peut rendre la réalisation de projets immobiliers très délicate. Une réforme du droit des biens est souhaitée. La réforme pourrait s’inspirer de notre système de la propriété foncière, et notamment de l’institution du notariat.
Le droit civil et le droit commercial sont appliqués par des chambres spécialisées à tous les niveaux de juridiction, en première instance comme en appel. Toutefois, la volonté affichée de modernisation ne s’est pas encore traduite dans les faits par des résultats tangibles. Des procédures d’arbitrage ont été récemment introduites au sein du Qatar Financial Center, sous l’influence des partisans du Common Law.
3- Organisation judiciaire
En 1916, à la chute de l’Empire Ottoman, la péninsule Qatarie a été placée sous un protectorat Britannique qui a pris fin avec l’indépendance du pays en 1971. Sous cette domination les étrangers non-musulmans relevaient de la juridiction de common-law qui siégeait auprès du consulat Britannique à Doha. Lorsque le Qatar est devenu un état indépendant en 1971, il a fallu remplacer la juridiction britannique par des juridictions civiles pour connaître des contentieux impliquant des non-musulmans. Ainsi dès la fin de l’année 1971 ont été créées les premières juridictions civiles puis par la suite des juridictions spécialisées en matière de circulation routière. L’Emir a longtemps conservé un pouvoir d’évocation des affaires traitées par les tribunaux.
Jusqu’en 2003, il a subsisté une dualité de systèmes entre les tribunaux de la charia qui relevaient du Ministère des Affaires Islamiques et Religieuses et les autres juridictions qui relevaient du Ministère de la Justice.
L’année 2003 a marqué le début de la refonte totale du système. L’organisation de la justice a été revue pour réunir toutes les juridictions dans un même appareil judiciaire, y compris les tribunaux de la charia qui continuent cependant d’exister en tant que chambre spécialisées au sein des juridictions civiles sous l’appellation de chambre de la famille. Ces chambres sont compétentes pour tout ce qui concerne le droit des personnes (mariage, divorce, répudiation, régime matrimoniaux..).
Les juridictions forment désormais un ensemble placé sous l’autorité du Conseil supérieur de la magistrature (Supreme Council for Judiciary), présidé par le Président de la Cour de Cassation. Destiné à rendre l’appareil judiciaire plus indépendant, ce conseil a pour fonction d’émettre des propositions sur la nomination des juges qui malgré l’indépendance constitutionnelle de la magistrature, sont tous nommés par l’Emir. Il faut souligner qu’il y a très peu de juges de nationalité qatarienne ; ils proviennent en grande majorité de l’Egypte mais aussi de l’Irak, du Maroc et du Soudan. La fragilité de leur condition de séjour, subordonnée à un titre délivré par le Ministère de l’Intérieur, pose le problème de l’effectivité de leur indépendance.
Le Conseil supérieur de la magistrature est par ailleurs compétent pour proposer les réformes législatives nécessaires au bon fonctionnement du système judiciaire.
La Loi n° 10 de 2003 détermine la compétence des différentes juridictions qui se trouvent réparties sur trois niveaux :
– Les tribunaux de première instance qui comprennent les juridictions civiles, commerciales et pénales ainsi que les chambres de la famille qui traitent du droit des personnes. Ces derniers, les tribunaux de la « charia » connaissent principalement des questions personnelles concernant les musulmans (mariage, divorce et héritage) et fondent leurs décisions sur les enseignements du Coran et de la Sunna et à défaut, sur les opinions des écoles de jurisprudence islamique. Les affaires concernant les non-musulmans et le droit civil non personnel relèvent des chambres civiles. Il existe enfin une chambre dédiée au droit administratif et une chambre prud’homale.
– La Cour d’appel est organisée par chambres, chacune dédiée à un contentieux spécialisé, jugé en première instance ;
– La Cour de cassation est composée de deux chambres : l’une pour les affaires de droit civil et commercial et l’autre pour les affaires criminelles ; elle est compétente pour les questions d’interprétation de la loi et du droit.
Avec plus de 300 juges (le nombre de femmes est très faible, moins de 5 à ce jour), les juridictions du Qatar se trouvent ainsi réparties entre les tribunaux de première instance, la cour d’appel et la cour de cassation. Leur siège se trouve à Doha où elles occupent une même tour. Un projet architectural de création d’une nouvelle citée judiciaire est en cours. Par ailleurs une réflexion existe pour créer des tribunaux de première instance en d’autres lieux et dans les principales villes comme Al Wakrah, Al Khawr, Al-Rayyan et Umm Salal. Ces tribunaux sont compétents pour connaître des affaires dont le montant encouru est inférieur à 100 000 Riyals, soit environ 20 000 Euros.
Le ministère de la justice exerce en outre des fonctions administratives comme par exemple, donner un avis juridique sur un engagement international, représenter les intérêts de l’Etat devant les juridictions, authentifier certains documents, administrer tout ce qui relève du droit de la propriété ou de la répartition des terres.
La dernière réforme conduite au cours de l’année 2007 a institué une Cour Constitutionnelle (issue de la Cour de Cassation) et des juridictions administratives (organisées sous forme de chambres spécialisées à tous les degrés de juridiction : première instance, appel et cassation).
Bien que la loi prévoyant l’entrée en vigueur de la Cour Constitutionnelle soit entrée en vigueur le 1er octobre 2008, c’est seulement dans la presse du 28 septembre 2009 que cette Cour a été officiellement annoncée en état de fonctionner. Si les parties à un procès estiment qu’elles ont été jugées sur la base d’un texte qui viole la Constitution, elles disposeront d’un délai de 60 jours pour saisir la Cour Constitutionnelle. A titre d’exemple, le système du « sponsorship » qui place le travailleur migrant sous la tutelle légale de son sponsor, risque d’être remis en cause au regard de la liberté d’aller et venir, garantie par la Constitution. De même, les différences de traitement introduites sur la base de l’appartenance ou non à la religion musulmane, risquent de se heurter au principe constitutionnel de l’égalité de traitement des citoyens devant la loi.
Avant la création du parquet en tant qu’entité administrative distincte, les lois du Qatar étaient imprécises concernant l’accusation publique. Les différents textes en vigueur ne s’accordaient pas sur le nom et l’exercice de cette fonction. L’adoption de la loi n°6 en 1998 à clairement attribué cette compétence au Ministère de l’Intérieur.
Dans sa forme actuelle, la création du Ministère public résulte de la loi n° 10 adoptée le 18 juin 2002, modifiée l’année suivante par la loi n° 40 d’août 2003 qui a posé le principe de la séparation des instances d’investigations et de poursuite.
Cette loi affirme le principe d’un Ministère public indépendant doté d’un budget propre. Au terme de l’article 11 de cette loi, le Procureur Général nommé par l’Emir a rang de ministre, (badarajet wazir) ; tous les autres membres du Ministère public sont nommés par décret de l’Emir, sur proposition du Procureur Général.
Le Ministère public en qualité d’organe judiciaire indépendant représente devant les juridictions les intérêts de la société. Il supervise les procédures judiciaires et assure l’application des lois. A l’exception des cas prévus par la loi, il exerce l’opportunité des poursuites.
À ce jour, il y a environ 95 magistrats du parquet dont près de 80 % de Qataris. Trois femmes sont procureurs à ce jour.
La garde à vue y est de 24 heures sous la direction de la police puis de 4 jours éventuellement renouvelables, sous la direction du parquet, de telle sorte que la personne mise en cause doit au terme d’un délai maximal de 9 jours, soit être libérée, soit être présentée à un juge. Pour les questions de terrorisme « State Security Matters », le délai peut atteindre 6 mois (renouvelables sur autorisation de l’Emir) ; le trafic de drogue international peut-être assimilé à une atteinte à la sécurité de l’Etat.
Le parquet conduit l’action publique et assure l’application de la loi. Les poursuites sont exercées au nom du peuple et les jugements sont rendus au nom de l’Emir. Les membres du ministère public sont hiérarchisés, sous l’autorité du Procureur Général. Autour de lui, la hiérarchie s’établit comme suit :
- Procureur Général du Qatar
- Premier Avocat Général
- Avocats Généraux
- Procureurs répartis au sein des différents secteurs géographiques de Doha et du reste du pays
- Procureurs Adjoints
- Vice Procureurs
- Substituts
- Auditeurs du Parquet
Au mois de septembre de chaque année, est adopté la « judicial table » qui est un acte officiel de nomination des procureurs et de leurs subordonnés. Ce document précise leur compétence géographique et leur compétence matérielle (par exemple, parquet des mineurs, parquet chargé de la protection de l’environnement,…etc.)
Le fonctionnement de cet ensemble est assuré par le Procureur général, nommé par l’Emir. Il n’existe selon les textes aucun lien hiérarchique entre les trois entités en charge de la justice au Qatar : Ministère de la Justice, Conseil suprême du judiciaire et Parquet général. Chaque entité est hébergée dans une tour distincte de Doha. Toutefois, ils ont en commun un organisme de formation des magistrats, procureurs, fonctionnaires et avocats, qui relève du vice-ministre de la justice, chargé essentiellement de la formation, sous le nom de « Centre d’études juridiques et judiciaires ».
4- Formation des magistrats et des personnels de justice
Les magistrats et les procureurs sont formés par le Centre d’études juridiques et judiciaires du Qatar qui les prépare à leur future carrière. Cette structure forme également les personnels et auxiliaires de justice, assure la diffusion de publications professionnelles et judiciaires.
Le centre existe depuis 2001. Il occupe le 15ème étage du bâtiment du Ministère de la Justice. Il comprend 3 salles de cours équipées chacune de 25 pupitres, un amphithéâtre de 70 personnes, une petite bibliothèque et un secrétariat d’une dizaine de personnes. On ne compte pas moins de 94 professeurs associés qui exercent par ailleurs des fonctions universitaires ou professionnelles.
Le centre accueille entre 6 et 20 stagiaires par an. A raison de 4 heures de formation par jour, les enseignements se déroulent d’octobre à avril. Après un examen qui clôture la partie théorique, les stagiaires sont admis à suivre une formation pratique : études de cas, médecine légale, suivi des audiences, de mi-avril à fin juin. Il s’agit d’une formation essentiellement théorique qui ne comprend pas d’exercices pratiques de mise en situation.
Chaque stagiaire rédige un mémoire de recherches de 50 pages minimum, sur un sujet qu’il choisit en accord avec les enseignants. Après la nomination en juridiction, le statut de « stagiaire » se poursuit encore pendant deux années au cours desquelles les jeunes magistrats ne sont pas autonomes.
Quant à la formation continue, elle est effectivement prévue dans les statuts mais elle est de fait quasi-inexistante, car les magistrats du siège n’y sont pas tenus et souvent n’en ressentent pas la nécessité.
Les procureurs sont aussi astreints à une obligation annuelle de formation continue. Celle-ci est souvent réalisée sous la forme de stages à l’étranger, ce qui accroît notablement son attractivité. La formation continue leur permet en outre de motiver auprès du Procureur général leurs demandes de mutations au sein des services. Cette formation peut prendre une forme plus active et consister, notamment pour les jeunes magistrats, à exposer devant leurs collègues un dossier ou un cas particulier traité lors de l’année écoulée.
La formation de formateurs n’existe pas.
Pour ce qui concerne les avocats, il n’existe pas de barreau indépendant au Qatar. Un Comité présidé par le ministre de la Justice réglemente l’admission à la profession d’avocats. Les nationaux diplômés de droit ayant deux ans d’expérience sont inscrits sur une liste d’avocat en exercice, tandis que les autres sont inscrits sur une liste d’avocats stagiaires. Il existe des exceptions pour l’exercice de la profession par des non qataris. Les avocats non qataris ne sont pas autorisés à plaider devant les tribunaux du Qatar. Une dérogation légale existe pour le résident qui justifie d’un travail depuis plus de cinq années au sein d’un cabinet qatari. Un seul étranger par cabinet peut prétendre à cette dérogation.
5- Justice des mineurs
Au Qatar la majorité légale est fixée à 16 ans. Des projets existent pour repousser cet âge à 18 ans. Quant à l’âge de la responsabilité pénale, il est fixé à seulement 7 ans. Le Comité contre la torture dans un rapport de janvier 2013 a encouragé le Qatar à élever cet âge à un niveau conforme au droit international. Des projets existent notamment pour relever l’âge à 15 ans.
Le Qatar a ratifié la Convention sur les droits de l’enfant le 3 avril 1995, tout en faisant des réserves générales sur la compatibilité avec le droit islamique.
La loi sur la jeunesse de 1994 contient des dispositions pénales en contradiction avec les principes de la convention internationale. En effet, le droit qatari autorise au titre des sanctions à l’encontre des mineurs, la peine de mort, l’emprisonnement à vie ou l’usage du fouet.
Cette loi contient les spécificités attachées à la qualité de mineur, notamment la prise en compte de la personnalité du mineur délinquant, l’intervention d’éducateurs et la possibilité de placement dans des établissements spécialisés.
6- Application des peines et système pénitentiaire
algré de nombreux efforts, des difficultés subsistent en termes de libérations conditionnelles, de surpopulation et de nourriture.
L’administration pénitentiaire dépend du Ministère de l’Intérieur.
Le texte de référence en matière pénitentiaire est la loi no 3 de l’année 1995, qui organise la gestion et le fonctionnement administratif des prisons. En préambule cette loi met l’accent sur les efforts nécessaires de réadaptation sociale des détenus. Le but affiché de ce texte est de réinsérer les condamnés pour qu’ils redeviennent des membres utiles et responsables de la communauté.
Les lieux de construction des établissements pénitentiaires sont déterminés par décision du Ministre de l’intérieur. Ils sont administrés par le directeur des services pénitentiaires qui dépend du Ministère de l’intérieur.
La typologie administrative classe ces établissements en :
– prisons centrales, (une seule au Qatar)
– prisons décentralisées (situées au sein des principaux postes de police)
– prisons spéciales (pour les détenus relevant de la sécurité d’état).
Il convient au sein de cette classification de distinguer entre les établissements pour homme, femmes et mineurs selon leur sexe.
La loi rappelle que conformément à la constitution, nul ne peut être emprisonné autrement qu’en application d’un mandat écrit délivré par l’autorité compétente en la matière et que nul ne peut être maintenu en prison au-delà de la date indiquée dans un mandat.
Le Ministère public du Qatar exerce un pouvoir de contrôle sur les établissements pénitentiaires. Il peut dans ce cadre décider de visites inopinées pour s’assurer du respect pratique de ces dispositions légales.
La loi nº 10 de 2002 relative au Ministère public dispose en son article 7 alinéa 6, que les membres du Ministère public sont habilités à inspecter en coopération et coordination avec les autorités compétentes, les centres pour mineurs délinquants, les établissements pénitentiaires et autres lieux de détention lors de visites régulières et inopinées, à contrôler les registres, à vérifier les mandats d’arrêt et les ordonnances de mise en détention, à recevoir des plaintes et à prendre toute mesure qu’ils jugent appropriée.
En 2008 le taux de détention s’établissait à 41 pour 100 000 avec un pourcentage de prévenus de 5,3 % (chiffres ONU-CTS au 31-12-2008). La tendance globale est à la baisse, pour mémoire le taux d’incarcération est passé de 76 pour 100 000 en 2002 à 37 pour 100 000 en 2007.
Ce taux correspond à l’un des taux les plus faibles du Moyen-Orient et classe le Qatar parmi les Etats qui incarcèrent le moins dans le monde. Dans un pays où la sécurité est l’une des priorités de l’état, ce constat, étonnant de prime abord, s’explique notamment par une utilisation massive des procédures d’expulsions des étrangers impliqués dans la commission d’infractions, avant ou après jugement.
Il ressort en outre de ces chiffres une très forte proportion de femmes, au regard des moyennes internationales, parmi les prisonniers (14,7 % selon les chiffres des Nations Unies de 2008). Ce chiffre s’explique par le nombre important d’affaires concernant les employées domestiques et place le Qatar parmi les 6 pays au monde avec un taux d’incarcération de femmes de plus de 10 % de la population pénale.
Les détenus étrangers représentaient 73,3 % de la population carcérale en 2008. Ce chiffre très élevé s’explique par la structure démographique du pays et les conditions précaires de leur accueil.
7- Appréciation sur la réalité de l’État de droit
• Droits fondamentaux
La nouvelle Constitution consacre les droits fondamentaux : l’égalité homme/femme, la liberté de la presse, la liberté d’expression, la liberté d’association, la liberté d’aller et venir etc. Elle interdit la torture et toute forme de traitement dégradant.
Pour preuve de cet intérêt porté aux Droits de l’Homme, le Qatar a institué un Comité National des Droits de l’Homme chargé de surveiller la situation des droits humains, d’examiner les plaintes et de répondre aux questions soulevées par des organisations internationales de défense des droits humains.
Le Haut Commissariat des Droits de l’Homme, vient d’installer en mai 2009, à Doha, un centre de documentation qui a été créé par une décision de l’Assemblée Générale des Nations Unies (publiée en janvier 2006). Le Haut Commissariat n’étant pas une agence spécialisée de l’ONU, cette unité relève directement du Secrétaire Général des Nations Unies.
Le centre de Doha a reçu pour compétence géographique les 21 Etats de la Ligue Arabe y compris l’Afghanistan, l’Iran et le Pakistan, en y associant le Conseil de Coopération du Golfe et la Conférence islamique.
Son objectif est d’améliorer la connaissance et l’accès aux normes internationales en matière de droits de l’homme. Cette action recouvre de nombreux domaines : par exemple, rendre des comptes publics, consulter les populations concernées par un projet, organiser des élections libres, favoriser l’action des ONG,… etc.
Son action se traduira notamment par des sessions de formation à l’intention de policiers, fonctionnaires, magistrats. Il y aura aussi des cycles de conférences publiques, des activités dans les écoles, l’ouverture d’un site internet. Mais le centre de documentation n’a pas vocation à recevoir des plaintes qui relèvent de la Commission Nationale des Droits de l’Homme du Qatar et qui seront ensuite traitées à Genève, selon la procédure habituelle.
Le Qatar a inauguré solennellement le 12 décembre 2011 un centre des Nations Unies « pour la promotion de l’Etat de droit et la lutte contre la corruption », dont la création avait été décidée lors de la 3ème session de la Conférence des Etats parties à la Convention des Nations Unies contre la corruption qui s’était tenue à Doha en novembre 2009. Le secrétaire général des Nations Unies a salué le rôle moteur du Qatar dans cette initiative et rappelle l’importance de cette lutte pour le développement durable. Il a souhaité que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) s’associe au fonctionnement de ce centre. Dans un premier temps, des actions d’échanges et de formation à destination des pays arabes seront privilégiées.
L’article 35 de la Constitution du Qatar prohibe toute discrimination « fondée sur le sexe, la race, la langue ou la religion ». Dans la pratique toutefois, les femmes continuent d’être victimes de discrimination en vertu de conceptions islamiques dogmatiques ou de pratiques issues de la tradition. La législation relative aux contrats de mariage favorise les hommes ; ainsi, les femmes doivent-elles obtenir l’autorisation de leur mari ou de leur tuteur avant d’entreprendre un voyage. D’une manière générale, les activités des femmes se trouvent restreintes par la Charia.
• Droits de la défense
Le principe de la légalité des délits est consacré à l’article 36 de la Constitution selon lequel une personne ne peut être arrêtée ni détenue, ni voir sa liberté de résidence et de mouvement restreinte, qu’en vertu des dispositions de la loi.
Pour ce qui est des garanties dont disposent les personnes arrêtées, le code de procédure pénale garantit le droit de tout prévenu de contacter un avocat dès l’instant où il est arrêté. Il garantit aussi le droit du prévenu de contacter un proche. De plus, il n’est pas possible d’interroger, ni de confronter un accusé en dehors de la présence de son avocat. Les personnes arrêtées et détenues doivent être traitées d’une manière qui respecte leur dignité humaine et ne doivent pas être soumise à une souffrance physique ou mentale. Il convient d’ajouter que l’institution du parquet n’existe que depuis 2002 au Qatar et les fonctionnaires de police n’ont pas encore totalement abandonné leurs anciennes habitudes de fonctionnement. Ils peuvent ainsi avoir tendance à se comporter comme s’ils étaient sous la seule autorité du Ministère de l’Intérieur et sans aucun contrôle judiciaire.
En matière d’atteinte à la sécurité nationale, des suspects peuvent être détenus à l’initiative du Ministère de l’Intérieur pendant une période de 6 mois, période qui peut se renouveler sans limite, sans contrôle de la justice. Il existe des projets de réforme de cette loi pour encadrer judiciairement les pouvoirs du Ministère de l’Intérieur en matière de sécurité d’état et assurer au pays une image internationale plus conforme aux standards internationaux.
• Peine de mort
La peine de mort est maintenue au Qatar. Plusieurs personnes, condamnées à la peine capitale, sont encore en attente d’exécution. Sauf pour les crimes de sang qui relèvent du droit pénal chariatique (huddud) et pour lesquels l’Emir ne peut s’opposer à l’application de la peine de mort demandée par la famille du défunt au titre du droit de vengeance reconnu par la Charia, il exerce volontiers son droit de grâce pour commuer la peine capitale en réclusion criminelle à perpétuité.
8- Actualité judiciaire
Une réforme de la fiscalité vient d’intervenir au Qatar, et ce dans un contexte de concurrence entre les différents pays du golfe pour attirer l’investissement étranger. Une nouvelle loi entrée en vigueur le 1er janvier 2010 introduit un taux uniforme d’imposition sur les sociétés de 10%. De nouveaux instruments de contrôle fiscal ont été mis en œuvre afin de permettre au Qatar de lutter plus efficacement contre la corruption et le blanchiment.