Palestine

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Palestine
1- Constitution et système institutionnel

La Palestine est régie par la loi fondamentale palestinienne (promulguée en 2002, amendée en 2003 et 2005) qui établit une démocratie parlementaire basée sur la séparation des pouvoirs. Sa structure institutionnelle repose sur trois types de pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire.
Le pouvoir exécutif : Le Président est élu directement par le peuple. Il est commandant en chef des forces armées. Depuis un amendement de 2003 à la loi fondamentale voulu par les membres du « Quartet » (Etats-Unis, Nations-Unies, Russie, Union Européenne), le Président nomme un Premier ministre. Celui-ci a la charge de former et diriger le gouvernement. Il est également le chef des services de sécurité.
Le ministre de la Justice en Palestine est grandement dépossédé de son autorité au profit du Président de la cour suprême, qui est également Président du conseil supérieur de la magistrature et qui a rang de ministre.
Le pouvoir législatif : le Conseil Législatif Palestinien (CLP) a été créé par les arrangements intérimaires issus des accords d’Oslo de 1993. Il est élu en même temps que le Président de l’Autorité Palestinienne par le peuple. Il est composé de 132 membres depuis les élections législatives de janvier 2006. Le CLP est doté, selon l’accord du 28 septembre 1995 (Oslo II), de « pouvoirs législatifs et exécutifs ». Cependant, la compétence du CLP se limite aux domaines de l’éducation, de la culture, de la santé, de la protection sociale, des impôts directs et du tourisme. Il ne doit pas intervenir dans les domaines réservés à la phase finale des négociations (Jérusalem, réfugiés, implantations…). La nomination du Premier ministre et la constitution du gouvernement doivent être approuvées par le CLP.
Le pouvoir judiciaire : Le pouvoir judiciaire se hiérarchise de la façon suivante : tribunaux d’instance (‘magistrate court’ et ‘district court’) et Cour d’appel. La Cour suprême est composée de la Haute cour constitutionnelle, d’une cour de cassation et d’une Haute cour de justice pour régler les différends administratifs. La loi fondamentale garantit l’indépendance de la justice.

2 – Système juridique

Selon la loi fondamentale, les principes islamiques de la Shari’a sont la source principale du droit.
Influencé par les droits jordanien et égyptien, le droit palestinien s’apparente à la famille romano-germanique avec référence au droit musulman pour le statut personnel.
Des textes jordaniens pour la Cisjordanie, ou égyptiens pour Gaza, sont susceptibles d’être appliqués devant les juridictions palestiniennes. Cependant, depuis la mise en place du Conseil Législatif Palestinien, cette situation aurait considérablement évolué : aujourd’hui, le système juridique palestinien serait unifié à 80%.
Le droit pénal en vigueur provient pour l’essentiel du code pénal jordanien. Un projet de loi tendant à l’unification du droit pénal a été présenté en 2010/2011 mais n’a pas encore été adopté. Le code de procédure pénale palestinien est applicable dans l’ensemble de la Palestine
Le droit de la famille et la réforme du statut personnel : les questions touchant au droit de la famille sont réglementées par le statut personnel d’origine confessionnel. (statut personnel des chrétiens orthodoxes, statut personnel des chrétiens coptes et pour les musulmans, statut personnel jordanien pour la Cisjordanie et loi égyptienne sur les droits familiaux pour Gaza). Les cours religieuses sont compétentes et supervisées par le Chief Justice des Cours de la Charia. Bien qu’à l’ordre du jour du Parlement depuis plusieurs années, cette réforme n’a pu aboutir pour des raisons politiques et des divergences entre tenants d’une interprétation stricte (qui est celle du Chief Justice) ou libérale de la Charia

3- Système judiciaire

Le pouvoir judiciaire se hiérarchise de la façon suivante :

  • les ‘magistrate courts’ : il y en a 20 au sein desquelles travaillent 31 magistrats,
  • les ‘district courts’: il y en a 11 au sein desquelles travaillent 51 magistrats.
  • les magistrate courts et les district courts constituent le premier niveau de juridiction.
  • les cours d’appel : il y en a deux au sein desquelles travaillent 16 juges.
    Elles constituent le second niveau de juridiction.

La Cour suprême est la plus haute autorité judiciaire : elle est composée de la Haute cour qui a l’autorité pour réviser les lois et les règlements et veiller à la conformité de celles-ci par rapport à la constitution, une cour de cassation pour traiter des affaires civiles, criminelles et commerciales et d’autre part d’une Haute cour de justice administrative pour régler les différends administratifs (il n’y a pas de tribunaux administratifs de première instance mais leur instauration est envisagée). Il y a 21 juges de la Cour Suprême en Cisjordanie et 14 juges à Gaza.
L’article 94 de la loi fondamentale de 2006 prévoit la création d’une Cour suprême constitutionnelle, mais faute de volonté politique, la Cour n’a pas été établie à ce jour.La haute Cour en exerce pour l’instant partiellement les prérogatives.
Il existe en outre des tribunaux militaires. Il n’existe pas de juridictions spécialisées pour les mineurs.

4- Les professions du droit

Le Haut Conseil Judiciaire exerce son autorité sur le système judiciaire dans son ensemble, notamment quant à l’administration des juridictions, la nomination, la sélection, l’inspection, la promotion et la formation des juges. Il est composé d’un président (le Chief Justice) et de huit autres membres issus du corps judiciaire.
Les magistrats palestiniens sont au nombre de 190 environ, ce chiffre incluant les magistrats du siège et du parquet. Pour les plus anciens, ils sont diplômés des facultés de droit jordaniennes ou égyptiennes, les plus jeunes sortent des facultés de droit palestiniennes. Aucun n’a reçu de formation spécifique, en revanche, certains d’entre eux ont une expérience professionnelle déjà longue, pour avoir exercé sous l’administration jordanienne en Cisjordanie ou égyptienne à Gaza.
Ponctuellement, des programmes de formation ont été organisés à leur intention au cours des dernières années soit en Égypte, soit en Jordanie, soit sur place, notamment par l’Institut de droit de Bir Zeit.
Un institut de formation (continue, la formation initiale restant de la compétence des institutions d’enseignement supérieur palestiniennes) des juges a été mis en place au courant de l’année 2009. Un conflit opposant son directeur au précédent chief justice (qui a quitté son poste en juin 2009) en a cependant bloqué l’activité. De nombreux efforts sont déployés en ce moment par les bailleurs de fonds pour asseoir l’autorité de cet institut et en faire le point focal de la formation continue des magistrats.
Du point de vue disciplinaire, les magistrats du siège sont placés sous l’autorité du chef de juridiction et, en dernière instance, du Haut Conseil Judiciaire. Les magistrats du parquet relèvent de leur hiérarchie.

Les avocats seraient au nombre de 2350 dont 25 pourcent de femmes, répartis entre la Cisjordanie et Gaza. Ce chiffre élevé s’explique par des conditions d’accès à la profession relativement faciles : pour s’inscrire au barreau, il suffit d’avoir une licence de droit (4 années d’études) et d’avoir accompli un stage de deux années dans un cabinet d’avocat. Le manque de formation est un problème chronique qui ne touche pas seulement les professions libérales.
Depuis deux ans, le barreau palestinien est unifié, il a conclu des accords de coopération avec certains barreaux étrangers, notamment depuis 1997, date de sa création, avec le barreau de Paris. Ce barreau a entamé une réflexion sur l’accès à la profession et sur la formation. Un diplôme de formation au métier d’avocat est proposé à l’Institut de droit de Bir Zeit, et constitue un plus pour l’accès au marché du travail. Cette offre de formation reste toutefois destinée à une minorité d’avocats.
Le renforcement du rôle du Barreau est un enjeu important pour l’Etat de Droit dans les territoires palestiniens, car les avocats sont les acteurs-clés de la protection des droits individuels.
Les notaires, qui remplissent également la fonction d’huissier, sont organisés en syndicats professionnels et ont généralement une formation juridique. Le futur Institut de formation devrait s’adresser également à ces deux professions.
La mise en place du programme SEYADA par l’Union Européenne pour renforcer le système judiciaire palestinien a pour objectif d’améliorer l’équipement et le professionnalisme du personnel judiciaire palestinien. La seconde phase du projet (SEYADA II) durera en principe jusqu’à la fin 2012.

5- Système carcéral

Des situations variées coexistent selon que les palestiniens sont détenus par la police ou les services de sécurité en Cisjordanie et selon qu’ils sont détenus en Cisjordanie ou à Gaza.

 Les centres de détention et de réhabilitation de Cisjordanie

Sept centres de détention placés sous l’autorité de la police accueillent plus de 1000 prisonniers, pour moitié condamnés, pour une capacité de près de 830 places aux standards internationaux.
Pour la plupart détruits ou endommagés pendant la seconde Intifada, ils ont été reconstruits (Jéricho), rénovés (Ramallah) ou sont installés dans des bâtiments temporaires en attendant les livraisons de nouveaux centres prévus entre 2013 et 2015.
Les conditions de vie des détenus sont dans l’ensemble d’un niveau acceptable et parfois comparable à certaines prisons européennes. Le respect des droits de l’Homme, qu’il concerne le respect de la procédure légale ou l’absence de torture ou de mauvais traitements, a beaucoup progressé depuis la crise interne Fatah/Hamas de 2006-2007 et est aujourd’hui globalement satisfaisant.

 Les centres de détention des agences de sécurité de Cisjordanie

La Sécurité préventive, les Renseignements généraux et les Renseignements militaires détiennent quelque 200 personnes dans leurs centres et dans les prisons militaires.
Ces trois principales agences de sécurité responsables de la lutte contre les menaces à la sûreté de l’Etat possèdent leurs propres centres d’interrogation et de détention répartis sur la Cisjordanie, soit une quarantaine.
Les conditions de détention sont souvent plus précaires que dans les prisons de la police.
Le respect des droits de l’Homme a progressé depuis 2006-2007, mais les agences de sécurité demeurent cependant la principale cible des accusations de mauvais traitements et de torture – accusations qui ont conduit la Président Abbas à formuler le 14 mai 2013 des directives enjoignant à tout le personnel de sécurité de respecter la Loi fondamentale (Basic law) et les autres lois palestiniennes encadrant ce domaine d’activités.

 Les prisons de la bande de Gaza

Les lieux de détention de la bande de Gaza (prisons, cellules des commissariats, centres des agences de sécurité) ont subi des dommages plus ou moins importants lors des opérations militaires israéliennes de 2008-2009 et 2012 et sont aujourd’hui en cours de reconstruction partielle.
Début 2013, 2000 prisonniers étaient détenus dans la bande de Gaza.
Les conditions de détention dans la bande de Gaza pâtissent principalement des conséquences de la surpopulation carcérale, dans l’attente de l’achèvement de nouveaux centres. Les cas apparemment fréquents de violation des Droits de l’Homme en détention sont utilisés par le Hamas pour maintenir une forme « d’équilibre de la terreur » avec la situation politique qui prévaut en Cisjordanie. Le respect des Droits de l’Homme est en outre fragilisé par la prononciation et l’application encore active de la peine de mort ainsi que par le recours abusif aux juridictions militaires, notamment pour les prisonniers politiques.

6 – Etat de droit

Accès au droit : La lenteur des procédures (de deux à trois ans en première instance et en appel), les soupçons de corruption qui pèsent sur les magistrats ainsi que l’insuffisance de moyens matériels, financiers et humains (formation inadéquate), décrédibilisent fortement l’institution mais cette tendance évolue en effet selon un sondage récent, 77 pourcents de la population aurait confiance dans les juges et 61 pourcents pour les avocats selon « Arab World Center for Research and Development ».

Le fonctionnement des tribunaux est, par ailleurs, tributaire de la situation intérieure : dans les périodes de fermeture des territoires, les juges ne peuvent pas rejoindre leur juridiction ou, s’ils sont présents au tribunal, c’est le plaideur ou son avocat qui sont absents. Il en résulterait une réactivation des modes de règlements alternatifs des litiges : règlement amiable entre parties, recours à des juridictions islamiques traditionnelles ou à l’arbitrage de notables ou d’avocats. Une autre difficulté est celle de l’exécution des décisions de justice dans un contexte où la police peut difficilement agir et où les prisons ont été détruites et ne devraient pas être réhabilitées faute de moyens. Néanmoins, les tribunaux sont assez bien répartis sur l’ensemble des territoires. Le souci d’une bonne répartition des juridictions a conduit en octobre 2003 à la création de deux tribunaux dans les villes de Tubas et Hahloul.

Peine de mort : La peine de mort est maintenue dans les territoires palestiniens.

En 2011, les tribunaux civils et militaires de Gaza ont prononcé au moins huit condamnations à mort, notamment pour « collaboration » avec Israël. Trois hommes au moins ont été exécutés. Tous avaient été condamnés à l’issue de procès inéquitables. En Cisjordanie, un homme a été condamné à mort par un tribunal militaire, entre autres pour meurtre. Il n’y a eu aucune exécution. En 2012, les tribunaux civils et militaires de Gaza ont prononcé au moins cinq condamnations à mort pour « collaboration avec Israël », entre autres chefs d’accusation. Six exécutions ont eu lieu. En Cisjordanie, un homme a été condamné à mort ; il n’y a eu aucune exécution. Des exécutions continuent à avoir lieu. Pour 2013, on en dénombrait 6, la dernière en date remontant au 2 octobre 2013.

Exécutions sommaires :
En novembre 2012, sept hommes accusés de « collaboration » avec Israël et détenus par les services de la sécurité intérieure dans la bande de Gaza ont été emmenés par des membres de la branche militaire du Hamas et sommairement exécutés. Les autorités du Hamas se sont engagées à ouvrir une enquête sur ces homicides, mais, à la connaissance d’Amnesty International, aucune mesure n’avait encore été prise contre les responsables à la fin de l’année

Situation des droits de l’Homme dans les Territoires palestiniens : Tant l’occupation israélienne que les violences politiques entre factions palestiniennes conduisent à une situation humanitaire dramatique dans les territoires palestiniens et à des violations graves et récurrentes des droits humains. Il existe deux institutions distinctes pour le contrôle des lieux de privation de liberté, l’une chargée des prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, sous forme d’un « ministère aux affaires des prisonniers et libérés », dont le siège est à Gaza, mais qui dispose de peu de moyens de pression sur Israël, l’autre chargée du contrôle des détenus dans les prisons palestiniennes, constituée par une commission indépendante pour les droits des citoyens (PICCR).

Arrestations et détentions arbitraires :
En 2010, les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie ont arrêté et placé en détention de manière arbitraire des sympathisants présumés du Hamas, et celles du Hamas dans la bande de Gaza ont fait de même avec des sympathisants présumés du Fatah. Dans les deux territoires, les autorités ont accordé de vastes pouvoirs aux forces de sécurité, notamment celui d’arrêter et de placer en détention des suspects en dehors du cadre légal, et de les torturer et maltraiter en toute impunité. La Commission indépendante pour les droits humains a indiqué avoir reçu plus de 1 400 plaintes concernant des arrestations arbitraires menées en Cisjordanie, et plus de 300 autres pour des arrestations arbitraires opérées à Gaza.
En 2012, les chiffres relatifs aux plaintes pour des arrestations arbitraires s’élevaient encore à plus de 685 en Cisjordanie et plus de 470 à Gaza.

Conditions de détention, torture et autres mauvais traitements:
En 2011, La Commission indépendante des droits humains a indiqué avoir reçu plus de 120 plaintes pour la Cisjordanie et plus de 100 pour Gaza. Parmi les méthodes signalées figuraient les coups, la suspension par les poignets ou les chevilles et le maintien prolongé debout ou assis dans des positions douloureuses (shabeh). La Commission a également reçu des plaintes pour torture ou mauvais traitements infligés à des suspects par la police : plus de 50 en Cisjordanie et 100 à Gaza. Quatre hommes sont morts en détention à Gaza dans des circonstances peu claires. En 2012, ces faits continuaient et La Commission indépendante des droits humains a indiqué avoir reçu 142 plaintes pour torture et mauvais traitements en Cisjordanie et 129 à Gaza.

Détention – Justice :
En 2012 encore, les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont maintenu des personnes en détention prolongée sans inculpation ni procès, ou n’ont pas respecté les décisions de justice ordonnant la remise en liberté de détenus. Les tribunaux militaires continuaient de juger des civils contre lesquels des poursuites avaient été engagées avant qu’il ne soit décidé, en janvier 2011, de mettre fin au renvoi des civils devant la justice militaire. À Gaza, le Hamas maintenait des personnes en détention sans inculpation ni procès et continuait de déférer des civils devant des tribunaux militaires. En Cisjordanie, l’Autorité palestinienne interdisait aux représentants de la Commission indépendante des droits humains l’accès aux centres de détention gérés par les services de la sécurité préventive. Des prisonniers ont observé des grèves de la faim pour protester contre la pénibilité de leurs conditions de vie et contre le fait qu’ils étaient maintenus en détention alors que des tribunaux avaient ordonné leur remise en liberté. En 2012, à Gaza, pour la première fois depuis cinq ans, le Hamas a autorisé la Commission à visiter les centres de détention gérés par les services de la sécurité intérieure.

Violences faites aux femmes et aux filles :
Les femmes et les filles continuent d’être en butte à la discrimination, dans la législation et dans la pratique. En 2012, l’argument de la « préservation de l’honneur de la famille » a été suspendu par décret présidentiel comme circonstance atténuante dans les affaires de meurtre jugées par les tribunaux de Cisjordanie. Toutefois, la police ne protégeait pas les femmes qui dénonçaient des violences domestiques et des menaces. À Gaza, l’excuse de l’« honneur » permettait de bénéficier d’une peine très faible – moins de deux ans – dans les rares cas où une condamnation était prononcée.

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