Sommaire
1 – Constitution et système institutionnel
Le Malawi a accédé à l’indépendance complète en 1964 et est devenu une république en 1966. De 1964 à 1994, le pays a vécu sous un régime constitutionnel de parti unique, le pouvoir absolu ayant été conféré au Président en 1971. Le référendum de 1993 a abouti à l’institution d’un régime pluraliste aux élections de 1994.
La Constitution de la République du Malawi du 16 mai 1994 a été promulguée le 18 mai 1995. Elle proclame la séparation des pouvoirs.
Le Président est à la fois chef d’Etat, chef de gouvernement et commandant en chef des forces armées (article 78 de la Constitution). Il est élu au suffrage universel pour une durée de cinq ans. Il est assisté d’un vice-Président qui le remplace en cas de vacance et nomme les membres du Cabinet. Le Président et le vice-Président ne peuvent assurer que deux mandats consécutifs.
Le pouvoir législatif appartient au Parlement, qui comprend l’Assemblée Nationale, le Sénat et le Président en tant que Chef de l’Etat (article 49 de la Constitution).
L’Assemblée Nationale est composée de 193 députés élus au suffrage universel pour une durée de cinq ans. Les élections sont organisées sur le modèle britannique.
Le Sénat est composé de 80 sénateurs, soit un sénateur élu par le conseil de district pour chacun des 27 districts, un sénateur pour chaque district élu par les chefs du district, 32 membres nommés par les sénateurs à la majorité des deux tiers sur la base des propositions d’un comité représentant les groupes d’intérêts, la société civile et les représentants des diverses religions. Un sénateur peut être élu ou nommé pour un nombre illimité de mandats.
Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour Suprême (Supreme Court of Appeal), la Haute Cour (High Court) et les tribunaux spéciaux créés par la loi, notamment les tribunaux coutumiers. Le Président de la Cour Suprême (Chief Justice) est nommé par le Président et sa nomination est ratifiée par l’Assemblée Nationale, à la majorité des deux tiers. Tous les autres juges sont nommés par le Président sur proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature (Judicial Service Commission). La Constitution garantit l’indépendance du pouvoir judiciaire (article 9).
La Constitution institue en outre la Commission des droits de l’homme, le Bureau du Médiateur et la Commission juridique, désormais pleinement opérationnels et actifs au Malawi.
2 – Système juridique
Le Malawi est un pays dont le droit est basé sur le common law en raison du passé colonial du pays, et sur la coutume.
Comme la plupart des pays africains anglophones, le Malawi a conservé une grande partie des doubles structures juridiques créées pendant l’époque coloniale, tout en s’efforçant de réformer et d’adapter le droit coutumier à des notions de droit anglais
3 – Organisation judiciaire
Le Malawi a un double système judiciaire : tribunaux de type occidental et tribunaux coutumiers statutaires. Les tribunaux coutumiers statutaires ont été spécifiquement créés pour vérifier et appliquer le droit coutumier exclusivement, tandis que les tribunaux généraux peuvent vérifier et appliquer le droit coutumier en plus du droit commun. Les pratiques et procédures des tribunaux généraux, et dans une moindre mesure celles des tribunaux coutumiers statutaires, sont calquées sur celles des tribunaux anglais.
La Cour d’appel suprême (Supreme Court of Appeal) du Malawi est la juridiction suprême. Elle statue en appel des décisions de la Haute Cour et des tribunaux spéciaux. Elle est composée du Chief Justice et d’au moins trois autres juges. Elle statue collégialement (trois juges au moins). En cas de vacance, la Cour peut être complétée par son Président, sur proposition de la Judicial Service Commission, par des juges de la Haute Cour (Acting Justices of Appeal).
La Haute Cour (High Court) a une compétence générale en matière civile et pénale et statue sur la conformité des lois à la Constitution. La Haute Cour est en outre la juridiction d’appel contre les décisions des tribunaux de paix et de recours contre toute mesure ou décision de l’État. Elle est composée d’au moins trois juges.
Le Parlement peut créer des tribunaux spéciaux, présidés par des juges professionnels ou non professionnels. Il existe un tribunal spécialisé en matière de droit du travail ainsi que des tribunaux locaux coutumiers, présidés par des non professionnels ou par des chefs, dont la compétence est limitée aux affaires civiles en droit coutumier et aux affaires de faible importance en common law définies par la loi.
Le Malawi donne compétence aux tribunaux traditionnels pour juger des différends liés au droit coutumier et dans des affaires criminelles simples. Le Malawi conserve une hiérarchie très nette des tribunaux traditionnels composée des différents degrés, tribunaux traditionnels au niveau le plus bas, puis tribunaux traditionnels de district, cours d’appel traditionnelles de district, tribunaux traditionnels régionaux et Cour d’appel traditionnelle nationale. Tous ces tribunaux traditionnels exercent une compétence à la fois au civil et au pénal, à l’exception des tribunaux traditionnels régionaux qui n’ont à connaître que des affaires criminelles. Dans l’ensemble, la compétence des tribunaux traditionnels s’exerce dans les cas où les parties sont africaines, mais le ministre chargé des tribunaux traditionnels peut étendre la juridiction de tout tribunal traditionnel à des non-Africains. L’audience d’un procès au civil est menée conformément au droit coutumier en vigueur dans la zone de compétence du tribunal.
En 2003, lors d’une conférence régionale sur “La séparation des pouvoirs dans une démocratie constitutionnelle” en présence du Chief Justice du Malawi et avec le soutien financier de USAID, a été adopté le Communiqué de Blantyre, qui fixe un cadre de suivi et de contrôle du processus de réforme en cours. Un rapport sur l’état de la justice, qui permet d’évaluer sa qualité et son indépendance, est désormais publié annuellement.
4 – Formation des magistrats et des personnels de justice
L’appareil judiciaire proprement dit se compose des tribunaux de paix, présidés par des juristes non professionnels ou professionnels.
Conformément à l’article 112 de la Constitution, les juges professionnels doivent :
- être, ou avoir été, juges d’un tribunal ayant une compétence générale en matière pénale ou civile, ou
- être habilités à exercer comme juriste ou avocat, avec une expérience professionnelle de dix ans au moins.
5 – Justice des mineurs
La Constitution donne certains droits aux mineurs (de moins de 16 ans) délinquants, dont celui d’être séparés des adultes en détention, d’être traités de manière conforme à leur âge et à leurs perspectives de réhabilitation, et de ne pas se voir condamnés à une peine de prison à vie. Toutefois, cette protection conférée par la Constitution n’est pas toujours appliquée en pratique et de nombreux mineurs sont incarcérés avec des adultes.
Lorsqu’un enfant se trouve en conflit avec la loi, il est présenté à la police et la justice suit son cours. Néanmoins, le système judiciaire s’efforce de bien comprendre les circonstances particulières qui ont accompagné chaque infraction imputable à un mineur. Les autorités indiquent privilégier le traitement des délinquants au sein de leur communauté plutôt que leur emprisonnement. D’une manière générale, l’intervention des services sociaux est toujours privilégiée au détriment des mesures d’internement.
En janvier 2002, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a indiqué que le Malawi devrait revoir l’âge retenu par la Constitution pour la définition de l’enfant, soit 16 ans, ainsi que l’âge de la responsabilité pénale, fixé à sept ans. Enfin, le système de justice pour mineurs devrait se fonder sur de nouvelles règles.
6- Système pénitentiaire
Le système pénitentiaire, conçu pour 6000 détenus, devait en 2010 accueillir une population carcérale de 13.000 selon le rapport annuel 2011 d’Amnesty international sur la situation des droits humains dans le monde. Des peines alternatives à la détention sont mises en place dans le cadre de Community service programs.
Les conditions de détention sont difficiles et dangereuses : surpopulation carcérale, nourriture insuffisante, sanitaires inférieurs aux normes, et soins médiaux insuffisants … Dans son rapport d’avril 2006, Amnesty International décrivait comme très dangereuses les conditions de détention, avec plus de 280 décès en prison par an, soit 23 détenus par mois sur une population carcérale de 10.000 détenus. Beaucoup de ces décès étaient liés au virus HIV.
Il n’existe pas de prisons pour femmes, celles-ci sont détenues dans des quartiers séparés et sont surveillées par des gardiennes.
Dans les quatre prisons offrant le degré maximal de sécurité, il existe des quartiers séparés pour les mineurs. Toutefois, la séparation n’est pas adéquate et des cas d’abus sexuels et de violences physiques sur mineurs ont été rapportés. Dans les autres prisons, les mineurs sont incarcérés avec les adultes.
La loi prévoit que les détenus en détention provisoire sont séparés des condamnés : le nombre des détenus en attente de jugement représentait jusqu’à 20 % de la population carcérale en 2010. Toutefois de nombreuses prisons ne se conforment pas aux conditions fixées par la loi, en raison de locaux trop exigus et inadaptés.
Le gouvernement du Malawi permet à l’Inspecteur général des prisons, aux organisations non gouvernementales et aux ONG internationales de visiter les prisons pour contrôler les conditions de détention.
7 – Actualité judiciaire
La Constitution du Malawi prévoit la peine de mort pour la trahison, le meurtre, le viol, le cambriolage et le vol à main armée. Le nombre de condamnés à mort en attente d’exécution a été significativement réduit lorsque leur peine a été commuée en réclusion à perpétuité par un décret présidentiel d’avril 2004.
Par un jugement du 27 avril 2007, inspiré du droit de l’Ouganda, la High Court a déclaré que l’article 210 du code pénal du Malawi (qui dispose que la seule sanction applicable par les juges en cas de meurtre est la mort par pendaison) ne pouvait valablement imposer aux juges de prononcer la peine de mort. Cette décision, qui ne vise que le caractère obligatoire de la condamnation à mort en cas de meurtre, conduit à réexaminer les condamnations de 30 condamnés dans le couloir de la mort.
8 – Appréciation sur la réalité de l’Etat de droit
Le Malawi est partie à divers instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme :
- le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 19 septembre 2002,
- le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 17 mars 2005,
- Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique, le 20 mai 2005.
Les droits de l’homme sont généralement respectés au Malawi, mais il existe certaines difficultés : usage excessif de la force par la police, conditions de détention difficiles, arrestations et détentions arbitraires, détentions provisoires trop longues … Ont été également dénoncés des violences contre les femmes, des abus sur enfants, des cas de traite d’êtres humains, des restrictions aux droits des travailleurs, et du travail forcé par les enfants.
En 2010, une décision de justice ayant condamné un couple homosexuel à 14 ans de prison pour avoir voulu célébrer leur mariage avait provoqué une levée de boucliers dans le monde et des appels pressants de l’ONU, de l’Union Européenne et des États-Unis au gouvernement du Malawi pour qu’il adopte une attitude plus tolérante. Le président les a finalement gracié le 29 mai, à la suite de la visite du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon.
Le Malawi a déclaré à l’occasion de l’examen périodique universel qu’il ne prévoyait pas de légaliser l’homosexualité.
Depuis sa création, la Commission Malawienne des droits de l’homme mène des campagnes de sensibilisation de la population au moyen de réunions publiques, d’affiches, de brochures et de revues en anglais, et en langues locales telles que le chichewa et parfois en tumbuka.
Le Chapitre IV de la Constitution de la République du Malawi consiste en une Déclaration générale des droits garantissant à chaque individu l’accès à la justice et la protection juridique en saisissant toutes juridictions légalement constituées. Les hommes et les femmes, sans considération de leur statut civil, sont égaux en droits et en devoirs. L’accès à la justice peut cependant poser difficulté dans la mesure où le nombre de juristes au Malawi est relativement faible (300 juristes qualifiés pour 11 millions d’habitants) et leur rémunération très élevée. La majorité des citoyens ne peut s’offrir les services d’un avocat et doit se défendre elle même. Le Gouvernement sait que l’accès à la justice demeure un problème.
En 2010, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes de l’ONU a réitéré ses préoccupations concernant les pratiques et coutumes qui justifient et perpétuent la discrimination contre les femmes, la violence et les pratiques traditionnelles néfastes à leur encontre dont les mariages précoces et forcés.
Le Comité recommande à l’État de renforcer le Ministère de l’égalité des sexes, de l’enfance et du développement local et de lui fournir les ressources humaines et financières nécessaires pour coordonner efficacement l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Par ailleurs, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a félicité le Malawi pour l’adoption de lois, politiques nationales et plans visant à promouvoir et protéger les droits de l’enfant (la loi sur la prévention de la violence familiale (2006); le Plan d’action national en faveur des orphelins et autres enfants vulnérables (2005-2009); et la politique nationale en faveur du développement de la petite enfance (2004). Cependant, de nombreux efforts restent encore à fournir.
Le plus récent rapport sur l’épidémie de SIDA, publié par le Programme conjoint des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) et l’Organisation mondiale de la santé, estime qu’il y avait 91.000 enfants de moins de 15 ans vivant avec le VIH en 2007, au Malawi.