Sommaire
- 1 – Constitution et système institutionnel
- 2 – Système juridique
- 3 – Organisation judiciaire
- 4 – Formation des magistrats et des personnels de justice
- 5 – Le statut du juge d’instruction au Luxembourg
- 6 – Justice des mineurs
- 7 – Système pénitentiaire
- 8 – Actualité juridique
- 9 – Projets de réforme en matière de justice figurant dans le nouvel accord de coalition (2 décembre 2013)
1 – Constitution et système institutionnel
Le Luxembourg est une démocratie représentative sous la forme d’une monarchie constitutionnelle, avec une certaine place réservée à des éléments de démocratie semi-directe. La séparation des pouvoirs est souple : il existe de nombreux liens entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, mais le pouvoir judiciaire reste totalement indépendant ;
Au cours des dernières années, la loi fondamentale du Luxembourg a connu plusieurs modifications substantielles. Parmi celles-ci, figurent les changements suivants :
- Réunie en Constituante, la Chambre des Députés a, en 1996 et pour la première fois depuis le début du XXe siècle, créé de nouvelles institutions en instaurant une Cour Constitutionnelle, chargée de contrôler la constitutionnalité des lois, ainsi qu’un double niveau de juridictions administratives composées de magistrats professionnels.
- La révision du 13 juillet 2006 a inscrit dans la Constitution luxembourgeoise le principe d’égalité entre femmes et hommes.
- En 2007, sont désormais garanties la protection de la vie privée, les libertés syndicales, l’organisation du droit de grève, la lutte contre la pauvreté et l’intégration sociale des personnes atteintes d’un handicap. Un nouvel article prévoit également que « L’Etat garantit la protection de l’environnement humain et naturel, en œuvrant à l’établissement d’un équilibre durable entre la conservation de la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et la satisfaction des besoins des générations présentes et futures ».
- Suite à la révision de mars 2008, le pluralisme démocratique se voit garanti par une référence explicite aux partis politiques.
- En 2009, la loi du 12 mars a supprimé de la procédure législative le volet de la sanction des lois par le Grand-Duc. Ce dernier n’a donc désormais plus à marquer son accord aux textes législatifs adoptés par le Parlement, mais reste chargé de leur promulgation (mise en vigueur), leur publication au recueil de législation appelé « Mémorial » étant assurée par le Ministère d’Etat.
- Après les élections législatives de 2013, un nouveau gouvernement de coalition, se composant du parti libéral (DP), du parti socialiste (LSAP) et des Verts (Déi Greng), s’est formé et a pris ses fonctions le 4 décembre 2013. Dans l’accord de coalition, signé le 2 décembre 2013, une révision constitutionnelle est prévue (cf. 8 – Actualité juridique).
Le pouvoir législatif
Le pouvoir législatif repose sur l’action conjointe de la Chambre des députés, du gouvernement et du Conseil d’Etat. Les députés sont élus tous les cinq ans au suffrage universel pur et simple et à la proportionnelle.
La Chambre des députés a pour principale fonction de voter les projets de loi. Ses membres possèdent également un droit d’initiative parlementaire, qui demeure modérément utilisé.
Le Gouvernement a un droit d’initiative en matière législative, qui lui permet de présenter des projets de loi. Après consultation du Conseil d’Etat, les projets de loi sont soumis à la Chambre des députés, au sein de laquelle le gouvernement dispose normalement d’une majorité.
Le Conseil d’Etat est composé de 21 conseillers, formellement nommés par le Grand-Duc, suivant les propositions faites alternativement par le Gouvernement, la Chambre des Députés et le Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat est obligatoirement appelé à émettre son avis sur l’ensemble de la législation, c’est-à-dire sur tous les projets et propositions de loi présentés à la Chambre, ce préalablement au vote des députés. Son rôle est d’ordre consultatif. L’accord de coalition prévoit un examen de la procédure de nomination des membres du Conseil d’Etat et la réduction de la durée du mandat à 12 ans.
Le pouvoir exécutif
Le Grand-Duc est le Chef de l’Etat. La Constitution lui confère un statut d’inviolabilité. L’irresponsabilité politique du Grand-Duc est complète et implique la responsabilité des ministres. En effet, toute mesure prise par le Grand-Duc dans l’exercice de ses pouvoirs politiques doit être contresignée par un membre du gouvernement, qui en assume l’entière responsabilité. En outre, tout acte qui acquiert la signature du Grand-Duc doit au préalable avoir été soumis à la délibération du gouvernement.
Formellement, la Constitution accorde au Grand-Duc le droit d’organiser librement son gouvernement. Selon le texte constitutionnel, le pouvoir exécutif est donc seul compétent pour pourvoir à sa propre organisation, sans ingérence du pouvoir législatif.
Dans la pratique, le Grand-Duc choisit son Premier ministre en fonction du résultat des élections. Celui-ci présente au Grand-Duc l’équipe des membres du gouvernement. Il s’agit en général de personnalités marquantes, faisant partie des groupes politiques représentés à la Chambre des députés. Le Grand-Duc procède alors à la nomination et à l’assermentation des membres du gouvernement. Le Gouvernement nommé présente son programme politique devant la Chambre des Députés qui, par un vote positif, lui exprime sa confiance. Le Gouvernement dispose ainsi d’une majorité au Parlement sur laquelle il peut s’appuyer.
En vertu de la Constitution, le Grand-Duc a le droit de révoquer à tout moment un membre du gouvernement, mais, en pratique, la démission d’un ministre ou du gouvernement entier est présentée par le Premier ministre.
Le pouvoir judiciaire
Les organes du pouvoir judiciaire comprennent les juridictions de l’ordre judiciaire, les juridictions de l’ordre administratif ainsi que la Cour constitutionnelle. Ils sont appelés à statuer sur les contestations qui intéressent la personne, les biens et la liberté des citoyens.
Les cours et tribunaux sont chargés par la Constitution d’exercer le pouvoir judiciaire et de n’appliquer les arrêtés et règlements généraux et locaux que pour autant qu’ils soient conformes aux lois. En particulier, la Cour constitutionnelle est habilitée à statuer, à titre préjudiciel, sur la conformité des lois à la Constitution.
Le statut personnel des juges est déterminé par les règles constitutionnelles concernant leur nomination, leur inamovibilité ainsi que les incompatibilités relatives à leurs fonctions.
Tous les juges, quel que soit le degré qu’ils occupent dans la hiérarchie judiciaire, sont nommés par arrêté grand-ducal. Les juges de paix et les juges des tribunaux sont directement nommés par le Grand-Duc. Les conseillers de la Cour supérieure de justice, ceux de la Cour administrative ainsi que les présidents et vice-présidents des tribunaux d’arrondissement et des tribunaux administratifs, sont nommés par le Grand-Duc sur avis de la cour respective.
La Constitution garantit l’indépendance des membres de la magistrature du siège par rapport au pouvoir politique. Les juges de paix, les juges des tribunaux d’arrondissement et les conseillers de la Cour sont inamovibles. Aucun d’entre eux ne peut être privé de sa place ni être suspendu que par un jugement. Leur déplacement ne peut avoir lieu que par une nomination nouvelle et de leur consentement. Toutefois, en cas d’infirmité ou d’inconduite, ils peuvent être suspendus, révoqués ou déplacés, suivant les conditions déterminées par la loi (article 91 de la Constitution).
2 – Système juridique
Le Luxembourg est un pays de tradition romano-germanique. L’influence du code civil français a été considérable au XIXe siècle. Comme la Belgique, le Luxembourg a conservé le code civil français.
Les grands principes du droit pénal luxembourgeois dérivent par voie de filiation des travaux à la base du Code belge de 1867, lui même inspiré de certains principes du droit français. Les spécificités des solutions luxembourgeoises sont souvent inspirées de la pratique étrangère, qui sert ainsi de guide au législateur et au juge luxembourgeois.
3 – Organisation judiciaire
Le système juridictionnel du Grand-Duché de Luxembourg est divisé en un ordre judiciaire et un ordre administratif. A ces deux ordres s’ajoute la Cour constitutionnelle.
La Cour constitutionnelle
La Cour constitutionnelle statue, par voie d’arrêt, sur la conformité des lois à la Constitution, à l’exception de celles qui portent approbation de traités. Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, celle-ci est, sauf exceptions, tenue de saisir la Cour constitutionnelle.
La Cour Constitutionnelle est composée du Président de la Cour Supérieure de Justice, du Président de la Cour administrative, de deux conseillers à la Cour de Cassation et de cinq magistrats nommés par le Grand-Duc, sur l’avis conjoint de la Cour Supérieure de Justice et de la Cour administrative. La Cour Constitutionnelle comprend une chambre siégeant au nombre de cinq magistrats.
Les juridictions de l’ordre judiciaire
- La Cour supérieure de justice
Au sommet de la hiérarchie de l’ordre judiciaire se trouve la Cour supérieure de justice qui comprend une Cour de cassation et une Cour d’appel, ainsi qu’un parquet général composé d’un procureur général d’état et d’un procureur général adjoint, outre des avocats généraux.
Sont principalement portés devant la Cour de cassation, les affaires en annulation ou en cassation des arrêts rendus par les différentes chambres de la Cour d’appel et des jugements rendus en dernier ressort.
La Cour d’appel comprend neuf chambres qui siègent au nombre de trois conseillers. Elle connaît des affaires civiles, commerciales, criminelles et correctionnelles, ainsi que des affaires jugées par les tribunaux du travail dans les deux arrondissements judiciaires du pays. La chambre criminelle de la cour d’appel connaît de l’appel des jugements de la chambre criminelle du tribunal d’arrondissement.
- Les tribunaux d’arrondissement
Le pays est divisé en deux arrondissements judiciaires, qui comptent chacun un tribunal d’arrondissement (Luxembourg et Diekirch).
Il existe, auprès de chaque tribunal d’arrondissement, un parquet composé d’un procureur d’Etat et de substituts. Des juges d’instructions auprès de chaque tribunal d’arrondissement sont chargés d’instruire les affaires criminelles et, s’il y a lieu, les affaires correctionnelles.
En matière civile et commerciale, le tribunal d’arrondissement est juge de droit commun et connaît de toutes les affaires pour lesquelles compétence n’est pas attribuée expressément à une autre juridiction en raison de la nature ou du montant de la demande.
Il a compétence ratione valoris pour des demandes supérieures à 10.000 euros.
Il a compétence exclusive pour connaître des affaires qui, à raison de leur nature, lui sont expressément attribuées par la loi. Il connaît exclusivement des demandes en exequatur des jugements rendus par les tribunaux étrangers et des actes reçus par les officiers publics étrangers. Il exerce aussi une juridiction gracieuse, par exemple en matière d’adoption, de tutelle, d’émancipation, etc.
Il connaît en appel des jugements rendus en premier ressort par les justices de paix qui ont leur siège dans l’arrondissement judiciaire du tribunal.
Les tribunaux d’arrondissement exercent la juridiction répressive comme tribunaux correctionnels et criminels. Ils sont compétents pour juger tous les délits et les crimes, qui sont renvoyés devant eux par la chambre du conseil ou la chambre du conseil de la cour d’appel.
- Les justices de paix
Il y a trois Justices de Paix (une à Luxembourg, une à Esch-sur-Alzette et une à Diekirch).
En matière civile et commerciale, le juge de paix connaît de toutes les affaires pour lesquelles il a compétence en application du nouveau code de procédure civile ou d’autres dispositions légales; il est compétent en dernier ressort jusqu’à la valeur de 1250 euros, et à charge d’appel jusqu’à la valeur de 10.000 euros.
Il connaît de certaines matières comme par exemple des saisies-arrêts des rémunérations de travail, des pensions et rentes.
En matière répressive, le juge de paix remplit les fonctions de juge de police. En cette qualité il est appelé à juger les contraventions ou infractions à la loi que celle-ci punit d’une peine emportant une amende de 25 à 250 euros, ainsi que les infractions, qualifiées délits par la loi, que la chambre du conseil renvoie devant les tribunaux de police.
Il juge en outre les infractions punies de peines dépassant le taux des peines de police dont la connaissance lui est attribuée par la loi.
Il existe auprès de chaque justice de paix une juridiction du travail. L’appel est porté devant la Cour supérieure de justice.
- Le Conseil arbitral et le Conseil supérieur des assurances sociales
La plupart des contestations en matière de sécurité sociale sont jugées par le Conseil arbitral et, en appel, par le Conseil supérieur des assurances sociales. Les décisions rendues en dernier ressort par le Conseil arbitral ainsi que les arrêts du Conseil supérieur sont susceptibles d’un recours en cassation.
Les juridictions de l’ordre administratif
- La Cour administrative
Sauf disposition contraire de la loi, appel peut être interjeté devant la Cour administrative, siégeant à Luxembourg, contre les décisions rendues par le tribunal administratif statuant comme juge d’annulation, et contre les décisions rendues en matière d’actes administratifs à caractère réglementaire. La Cour administrative statue encore en appel et comme juge de fond sur les recours dirigés contre les décisions d’autres juridictions administratives ayant statué sur des recours en réformation dont les lois spéciales attribuent compétence à ces juridictions.
- Le tribunal administratif
Le tribunal administratif, siégeant à Luxembourg, statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements et contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent. Il connaît aussi en principe des contestations relatives aux impôts directs et aux impôts et taxes communaux.
4 – Formation des magistrats et des personnels de justice
Magistrats
Pour devenir magistrat, la nationalité luxembourgeoise et une connaissance adéquate des trois langues administratives du pays (français, allemand et luxembourgeois) sont obligatoires. En outre, il faut accomplir avec succès un cycle universitaire complet d’études en droit, d’au moins quatre années, ainsi que les cours complémentaires en droit luxembourgeois. De surcroît, le candidat doit détenir le diplôme de l’examen de fin de stage judiciaire. Le stage judiciaire dure deux ans et doit être accompli dans un cabinet d’avocats.
Pour ce qui est de l’ordre judiciaire, l’accomplissement d’un stage est prévu. Les magistrats stagiaires sont nommés par arrêté grand-ducal, à titre provisoire et pour une durée d’une année. Ceux-ci suivent une formation théorique à l’Ecole Nationale de la Magistrature française. Ensuite, ils suivent une formation pratique au Luxembourg auprès des tribunaux, des parquets, des services de police, des établissements pénitentiaires, etc. Une nomination à titre définitif est possible après la fin du stage et en fonction des vacances de postes.
La formation initiale et continue des magistrats incombe au Ministère de la Justice. Elle est assurée par une commission composée de hauts magistrats et fonctionnaires.
S’agissant de la formation continue, le Luxembourg est membre du Réseau européen de formation judiciaire.
Au Luxembourg, les magistrats des parquets sont indépendants dans leur statut, mais leurs fonctions s’exercent sous la responsabilité hiérarchique du Procureur Général d’Etat, ce dernier étant soumis par la même voie au Ministre de la Justice.
Avocats
Pour être inscrit sur le tableau d’un Ordre des avocats au Luxembourg il faut remplir les conditions suivantes: présenter la garantie nécessaire d’honorabilité, justifier de sa capacité professionnelle, maîtriser la langue de la législation (français) et les langues administratives et judiciaires (luxembourgeois, français et allemand) au sens de la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues, être de nationalité luxembourgeoise ou être ressortissant d’un Etat membre des Communautés Européennes.
L’inscription au tableau d’un Ordre est liée à une prestation de serment.
L’accès à la formation d’avocat, qui est règlementé par le règlement grand-ducal du 10 juin 2009 portant organisation du stage judiciaire et réglementant l’accès au notariat, passe par un stage professionnel composé d’une période de cours complémentaires en droit luxembourgeois suivie d’un stage pratique.
Les candidats à l’inscription aux cours complémentaires doivent préalablement être détenteurs soit d’un grade de master en droit émis par l’Université du Luxembourg, soit d’un diplôme universitaire étranger en droit répondant aux critères d’homologation tels que fixés par le règlement grand-ducal du 10 septembre 2004.
Après l’obtention du certificat de formation complémentaire en droit luxembourgeois, les stagiaires sont admis à l’inscription sur la liste 2 de l’un des Barreaux du Luxembourg. Cette inscription se fait directement auprès des Barreaux. Le stage pratique d’une durée de 2 ans au moins s’achève par un examen de fin de stage. Après la réussite à cet examen, le postulant est inscrit sur la liste 1. Seuls les avocats inscrits à cette liste sont autorisés à porter le titre d’avocat à la Cour.
Les avocats sont seuls à être admis à assister ou représenter les parties, postuler et plaider pour elles devant les juridictions de quelque nature qu’elles soient, recevoir leurs pièces et titres afin de les présenter aux juges, faire et signer les actes nécessaires pour la régularité de la procédure et mettre l’affaire en état de recevoir jugement.
Seuls les avocats peuvent donner, à titre habituel et contre rémunération des consultations juridiques, ou rédiger pour autrui des actes sous seing privé.
5 – Le statut du juge d’instruction au Luxembourg
La procédure pénale luxembourgeoise est très proche de la procédure française, dans son état actuel. Elle connaît donc l’institution du juge d’instruction et le rôle joué par celui-ci ne semble pas, pour l’heure, remis en cause.
Au plan législatif, une loi du 12 août 2003 a renforcé les effectifs du cabinet des juges d’instruction et permis une redistribution des dossiers entre les juges d’instruction suivant leur spécialisation. Par ailleurs, une loi du 6 mars 2006 a contribué à réduire la charge de travail des juges d’instruction en instituant une procédure d’instruction simplifiée qui autorise le Parquet à procéder à certains actes d’instruction sans qu’il soit nécessaire d’ouvrir une instruction préparatoire.
6 – Justice des mineurs
Le système de protection des mineurs au Luxembourg repose essentiellement sur une loi du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse (LPJ). Cette loi confère au tribunal de la jeunesse la compétence de prendre des mesures dans l’intérêt de l’enfant. Celui-ci prend à l’égard du mineur des mesures de garde, d’éducation et de préservation.
Le droit pénal luxembourgeois considère par principe les mineurs comme irresponsables pénalement. Un mineur âgé de moins de 18 ans au moment des faits qui a commis une infraction pénale n’est pas déféré à la juridiction répressive, mais au tribunal de la jeunesse. En conséquence, le juge de la jeunesse peut ordonner des mesures de placement sans pour autant que le mineur soit condamné pour les faits reprochés constitutifs d’un délit. Mais la loi prévoit également que le juge peut prendre le même type de décision à « l’égard des mineurs qui se soustraient habituellement à l’obligation scolaire, qui se livrent à la débauche, […] dont la santé physique ou mentale, l’éducation ou le développement social ou moral se trouvent compromis ». Il s’ensuit que les délinquants et les mineurs en difficulté peuvent éventuellement être placés dans les mêmes structures.
Le Comité contre la torture dans un rapport en date de 2007, a demandé avec insistance à ce que les mineurs ne soient pas placés dans des prisons pour adulte à des fins disciplinaires.
Le Comité a également insisté sur la nécessité de la construction rapide de l’unité de sécurité de Dreiborn (réservée aux mineurs), et a demandé à ce que des mesures soient prises afin que les mineurs soient strictement séparés des détenus adultes tant que l’unité de sécurité de Dreiborn ne serait pas opérationnelle. Enfin, le comité a recommandé aux autorités luxembourgeoises de veiller à ce que les mineurs en situation de conflit avec la loi soient séparés des mineurs présentant des problèmes sociaux et des troubles comportementaux.
Aux termes de la loi du 16 juin 2004, le centre socio-éducatif de l’Etat est obligé d’accueillir le mineurs qui lui sont confiés par décision des autorités judiciaires pour une durée indéterminée et en règle générale jusqu’à l’âge de 18 ans accomplis. Si les pensionnaires le désirent, l’action du centre peut être continuée au-delà de cette limite d’âge.
Le centre est chargé des missions d’accueil socio-éducatif, d’assistance thérapeutique, d’enseignement socio-éducatif, de préservation et de garde. Le centre comprend les unités suivantes:
- les internats socio-éducatifs de Dreiborn et de Schrassig,
- l’unité de sécurité de Dreiborn (qui constitue une section fermée vers l’extérieur, où les pensionnaires sont isolés dans un espace limité),
- des logements externes encadrés,
- le service psychosocial,
- l’institut d’enseignement socio-éducatif,
- l’unité de formation socio-pédagogique,
- le service de gestion administrative, les services technique et d’économie domestique.
Par ailleurs, la loi du 4 juillet 2008 sur la jeunesse a institué le Service National de la Jeunesse (SNJ), qui est une administration publique, placée sous l’autorité du ministre ayant la Jeunesse dans ses attributions. Il a pour mission de contribuer à la mise en œuvre de la politique de la jeunesse et de constituer un organisme de contact, d’information, de conseil et de soutien pour les jeunes et les acteurs du travail avec les jeunes.
Le « parquet protection de la jeunesse » est compétent pour tous les dossiers dans lesquels un mineur est victime d’une infraction pénale, notamment pour tous les cas de maltraitance et d’abus sexuels. Il est en charge de la poursuite des auteurs de ces infractions. Parallèlement, le parquet examine s’il n’y a pas lieu, en sus du volet pénal de l’affaire, de veiller à la protection du mineur victime de l’infraction. Dans les dossiers où il y a des victimes mineures, le parquet travaille en étroite relation avec la section « protection de la jeunesse » de la police judiciaire.
7 – Système pénitentiaire
Selon les statistiques du rapport Space du Conseil de l’Europe, la population carcérale était en 2011 de 615 détenus, soit un taux de 120.2 détenus pour 100.000 habitants.
La direction générale et la surveillance des établissements destinés à l’exécution des mesures privatives de liberté ordonnées par les juridictions répressives, sont exercées par le procureur général d’Etat. Le procureur général d’Etat est également chargé de l’exécution des peines et du traitement des détenus.
Actuellement, il existe deux établissements pénitentiaires au Luxembourg: le Centre pénitentiaire de Givenich et le Centre pénitentiaire de Luxembourg.
Le Centre pénitentiaire de Givenich (CPG), qui est d’une capacité d’une centaine de lits et fonctionne en régime semi-ouvert, est l’unique prison ouverte sur le sol luxembourgeois. Bénéficiant du régime de la semi-liberté, le détenu est autorisé à exercer une activité professionnelle à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire. Il n’y retourne qu’en dehors de ses heures de travail. 80 détenues y purgent des peines allant de 1 à 3 ans de réclusion, pour des délits mineurs. Le CPG propose de préparer leur réintégration dans la société à leur sortie et a fait de cet objectif un allié de la non récidive.
Quand au Centre pénitentiaire de Luxembourg, il est d’une capacité de six cents lits et constitue la seule prison fermée du Luxembourg. Dans l’enceinte de ce centre se trouve également situé un centre de rétention pour étrangers en situation irrégulière pour 35 personnes ainsi que la section disciplinaire pour mineurs.
Le Gouvernement luxembourgeois a également prévu la construction d’une maison d’arrêt dans le sud du pays pour un maximum de 400 détenus prévenus. En effet, le nombre total de détenus dépasse régulièrement la capacité d’accueil des deux établissements (à la fin de l’année 2008, il se situait autour de 700 détenus).
Concernant l’organisation des soins de santé, l’administration pénitentiaire a conclu des conventions avec des établissements publics hospitaliers : le Centre Hospitalier de Luxembourg est responsable de l’organisation des soins de santé somatiques et le Centre Hospitalier neuropsychiatrique d’Ettelbruck est responsable de l’organisation de la prise en charge psychiatrique des détenus. Les frais relatifs aux soins de santé sont tous couverts par l’Etat.
Le ministre de la Justice luxembourgeois a lancé au mois de mars 2010 un projet de nouveau concept pénitentiaire avec la mise en service pour l’année 2017 du centre pénitentiaire Ueschterhaff qui recueillera les personnes en détention préventive. Il s’agit d’une approche proactive de la prison qui vise d’abord à limiter les peines privatives de liberté au strict nécessaire et à remplacer des peines de prison par des alternatives telles que les travaux d’intérêt général ou la surveillance électronique. Pour les cas nécessitant une peine privative de liberté, l’objectif recherché est de préparer dès le départ et activement le condamné à sa réintégration en société. En ce sens, un contrat volontaire « individuel et dynamique » de resocialisation sera proposé au détenu. Dans le cadre d’un accompagnement et d’un suivi de qualité poussé en dehors de la prison, l’intervention d’externes non-étatiques tels que des ONG actives dans la mise au travail et dans l’hébergement sera sollicitée.
8 – Actualité juridique
- Victimes
Le Parlement du Grand-Duché de Luxembourg a adopté la loi du 6 octobre 2009 renforçant les droits des victimes d’infractions pénales. Ce texte consacre le statut de victime et garantit une information plus complète de la victime sur ses droits. Ainsi les services répressifs doivent informer toute personne lésée : de son droit de porter plainte, de son droit de recevoir une copie de la plainte, de son droit de demander réparation du préjudice subi, de la possibilité d’être aidée par un avocat ou assistée par les services d’aide aux victimes.
Il améliore les conditions d’indemnisation de certaines victimes de la part de l’État, lorsque l’auteur de l’infraction est insolvable ou introuvable. Il modifie ainsi le texte du 12 mars 1984 qui a mis en place un système d’indemnisation des victimes de la part de l’État lorsque l’auteur de l’infraction n’est pas en mesure, pour une raison ou une autre, de réparer le préjudice subi. Dans une même optique, l’accord de coalition entend renforcer les droits des victimes d’infractions pénales.
- Droit pénal
– La loi du 4 février 2010 introduit la responsabilité pénale des personnes morales dans le Code pénal et dans le Code d’instruction criminelle, ce qui rapproche ainsi la législation luxembourgeoise des standards internationaux en la matière.
– La loi du 10 juillet 2011 portant incrimination des entraves à l’exercice de la justice et portant modification du Code pénal et du Code d’instruction criminelle a été adoptée.
– Lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (prise en charge par la Cellule du Renseignement Financier (CRF) du parquet économique et financier de Luxembourg) :
En 2010, le Groupe d’Action Financière (GAFI) a émis, dans un rapport d’évaluation, de sévères critiques à l’encontre du dispositif législatif anti-blanchiment luxembourgeois. Le rapport indiquait notamment que le blanchiment de capitaux était « très insuffisamment puni » et que la législation contre le financement du terrorisme ne couvrait pas toute les normes internationales. La chambre a donc adopté en octobre 2010, des lois portant sur la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme.
Ces lois prévoient notamment le renforcement des moyens procéduraux pour la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ainsi que l’approbation d’une convention sur la répression d’actes de piraterie ou de terrorisme.
- Intégration
En 2010, le plan d’action national pluriannuel d’intégration et de lutte contre les discriminations 2010-2014 a été adopté. Ce plan fixe la stratégie pour les années à venir en termes de politique d’intégration. Guidé par deux principes novateurs que sont la réciprocité et la responsabilité partagée, le plan d’action, qui repose sur les onze principes directeurs de la politique d’intégration européenne (PBC), prévoit une série de mesures et de priorités stratégiques annuelles tendant à favoriser une intégration harmonieuse et à assurer une meilleure participation des étrangers au sein de la société luxembourgeoise. Le nouveau gouvernement a déclaré son intention de poursuivre les initiatives entreprises à cet effet.
- Projet de réforme du Code civil
Le législateur luxembourgeois avait décidé de réunir en une seule loi trois projets de loi portant réforme du Code civil. Ceux-ci sont en discussion depuis juillet 2010 sans avoir été définitivement adoptés: modification de l’âge légal pour se marier, ouverture du mariage aux couples de même sexe et ouverture de l’adoption dite simple aux couples de même sexe (mariés ou non). Suite à l’introduction dans l’un des projets de loi, par la commission juridique de la Chambre, d’une clause ouvrant l’adoption simple aux couples homosexuels, le Conseil d’Etat a estimé le 5 juin 2013 que cet amendement introduisait une différence de traitement non justifiée entre couples hétérosexuels et couples homosexuels, en réservant l’adoption plénière aux premiers. La loi n’ayant pas pu être adoptée sous la législature précédente, le nouveau gouvernement a inscrit la réforme comme une priorité sur son agenda législatif. Selon l’accord de coalition, la loi autorisant le mariage aux couples de même sexe devrait être adoptée au courant du premier trimestre 2014. Or, aucune référence explicite au droit de l’adoption simple des couples de même sexe n’est faite dans l’accord de coalition. Différentes propositions législatives, relatives à la lutte contre les mariages et partenariats forcés, sont soumises au débat parlementaire depuis juillet 2008 (la Commission des Droits de l’Homme de la Chambre a rendu son avis sur la loi relative le 19 janvier 2011).
- Révision de la constitution
Le 21 avril 2009, une proposition de révision de la Constitution luxembourgeoise a été déposée à la Chambre des députés afin de moderniser la terminologie « désuète », « d’adapter les textes à l’exercice réel des pouvoirs » et d’inscrire « dans la Constitution des dispositions relevant d’une pratique coutumière et inscrites dans d’autres textes échappant à l’intervention du législateur », ainsi que de nouveaux droits fondamentaux. Le projet de réforme constitutionnelle a été repris par le nouveau gouvernement s’engageant dans l’accord de coalition à « finaliser l’adoption d’une nouvelle constitution, axée sur la modernisation des institutions et le renforcement des droits et libertés fondamentaux ». Après une discussion sur des questions essentielles de la réforme (droits politiques des concitoyens non luxembourgeois, participation des jeunes dès l’âge de 16 ans au processus politique, etc.) ouverte à la participation des citoyens luxembourgeois, programmée pour 2014, le projet d’une nouvelle Constitution sera soumis à une première consultation populaire en 2015. Il est prévu, pour fin 2015, de procéder à un second vote d’approbation par référendum.
9 – Projets de réforme en matière de justice figurant dans le nouvel accord de coalition (2 décembre 2013)
- Projets de réforme relatifs à la modernisation de l’Etat de droit:
Création d’un Institut de formation continue en droit européen pour magistrats ; poursuite des discussions sur les avant-projets de lois prévoyant l’introduction d’une Cour suprême et d’un Conseil National de la Justice (CNJ) ayant pour mission de veiller à l’indépendance des autorités judiciaires et à une bonne administration de la Justice ; réforme du Ministère public afin de le rendre plus indépendant du pouvoir politique ; poursuite de la réforme engagée de l’organisation des juridictions administratives afin de permettre la mutabilité des magistrats entre les deux ordres judiciaires.
- Projets de réforme relatifs à la famille :
Mise en place d’un juge aux affaires familiales (en charge de tous les aspects contentieux du droit civil concernant la famille) ; révision de la loi de 1975 sur l’accouchement anonyme ; adoption de la réforme de loi sur le divorce (supprimant la notion de divorce par faute) ; transfert de la législation relative à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) du code pénal dans la loi du 15 novembre 1978 relative à l’information sexuelle, à la prévention de l’avortement clandestin et à la réglementation de l’IVG ; poursuite des travaux parlementaires sur le projet de la loi sur la responsabilité parentale (introduisant le principe de l’autorité conjointe).
- Projets de réforme relatifs au régime pénitentiaire :
Création d’un juge de l’application des peines; poursuite de la réforme du recrutement de la direction des établissements pénitentiaires (le personnel ne sera plus recruté exclusivement via les carrières de l’armée afin de permettre le recrutement des compétences plus diversifiées) ; opérationnalisation des structures spécialisées pour la prise en charge adéquate de délinquants mineurs.
- Projets de réforme relatifs à la protection des données :
Poursuite des réflexions sur le droit à l’autodétermination informationnelle et un droit à l’oubli sur Internet à l’échelle internationale ; renforcement des standards de protection des données personnelles et révision de la Directive européenne 2006/24/CE sur la conservation des données.
- Projets de réforme relatifs à la prostitution :
Elaboration d’un cadre légal pour la prostitution non forcée (mettant l’accent sur l’aide aux prostitué(e)s afin de les sauvegarder de l’illégalité) ; ratification de la Convention du Conseil de l’Europe, dite Convention d’Istanbul, sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes (mariages forcés, les crimes d’honneur, mutilations génitales).
*Pour consulter la version intégrale de l’accord de coalition :
http://www.gouvernement.lu/3322796/Programme-gouvernemental.pdf
http://www.luxembourg.public.lu/fr/actualites/2013/12/04-assermentation/index.html