Lettonie

Lettonie

La République de Lettonie a été proclamée le 18 novembre 1918. Elle est entrée dans l’Union européenne le 1er mai 2004 et a rejoint l’espace Schengen le 21 décembre 2007.

1 – Constitution et système institutionnel

La Constitution

La Lettonie est une démocratie parlementaire.
La Constitution de la République de Lettonie a été adoptée en février 1922. Elle a été profondément remaniée en 1997 et 1998. Des modifications ont par la suite été apportées en 2002, à travers la consécration d’un catalogue de droits fondamentaux (Articles 89-116) et en 2003 et 2004, avec l’introduction d’adaptations vis-à-vis de l’adhésion de la Lettonie à l’Union Européenne (Article 68, Article 79 et Article 100). Un préambule faisant référence à l’évolution de l’Etat letton, ainsi qu’aux principales valeurs sur lesquelles se fonde l’Etat et la société lettons sera ajouté en 2014.

L’organisation du système judiciaire est prévue au Chapitre VI, articles 82 à 86 de la Constitution.
Le territoire de l’Etat letton est composé de la Livonie, la Latgale, la Courlande et la Semgale, dans les limites fixées par les traités internationaux.
La Lettonie est une République démocratique indépendante dont le pouvoir souverain appartient au peuple letton.

Le système institutionnel

Le pouvoir législatif

Le Parlement de la République de Lettonie (la Saeima) est composé de cent représentants du peuple, élus pour quatre ans, à bulletin secret, au scrutin universel, direct, à la représentation proportionnelle. La Lettonie étant divisée en circonscriptions électorales, le nombre de députés à élire doit être proportionnel au nombre des électeurs de chaque circonscription. La Saeima est administrée par un « bureau » qui se compose de cinq de ses membres, élus.
Elle adopte les projets de loi soumis par le Président de la République, le Conseil des Ministres, les différentes Commissions du parlement, par cinq députés au moins, et, par un dixième des électeurs conformément aux procédures et dans les cas prévus par la Constitution.

Le pouvoir exécutif

Agé d’au moins 40 ans, le Président de la République est élu par la Saeima pour quatre ans (art. 35 de la Constitution). Il est élu à bulletin secret à la majorité absolue (d’au moins 51 membres de la Saeima). Son mandat est renouvelable une fois (art. 39 de la Constitution).
Le Président de la République a l’initiative des lois. Il les promulgue. Il représente l’Etat letton sur la scène internationale. Il nomme les représentants diplomatiques lettons et accrédite les représentants diplomatiques des autres Etats. Il exécute les décisions de la Saeima concernant la ratification des traités et accords internationaux (art. 41 de la Constitution).

LA JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE (SATVERSMES TIESA)

La Cour constitutionnelle, créée en 1996, est une autorité judiciaire indépendante.
Composition
La nomination des juges de la Cour constitutionnelle est confirmée par la Saeima, pour une durée définie dans la loi, dans un scrutin secret à une majorité d’au moins 51 membres du parlement ;

Compétence (en vertu de l’art. 16 de la loi relative à la Constitution)
Elle vérifie :

  •  la conformité des lois avec la constitution;
  • la conformité des accords internationaux signés ou conclus par la Lettonie (également jusqu’à ce que ces accords soient ratifiés par la Saeima) avec la constitution;
  • la conformité d’autres actes normatifs, ou de parties de ces actes, avec des règles de droit (actes) de force juridique supérieure;
  • la conformité avec la loi d’autres actes (à l’exception des actes administratifs) adoptés par la Saeima, le Conseil des ministres, le président de la République, le président de la Saeima et le Premier ministre;
  • la conformité avec la loi de tout arrêté par lequel un ministre, habilité par le Conseil des ministres, a suspendu une décision adoptée par une autorité locale ou un conseil local;
  • la conformité de règles de droit national letton avec tout accord international conclu par la Lettonie qui n’est pas contraire à la constitution.

La Cour constitutionnelle ne peut agir de sa propre initiative. Elle doit être saisie par le président de la République, par la Saeima, par au moins vingt députés, par le Conseil des ministres, par le procureur général, par l’Office national d’audit, par l’Office national des droits de l’homme et par les autorités locales, ainsi que par les juridictions ordinaires statuant sur une affaire civile, pénale ou administrative, par les juges des départements du registre foncier procédant à l’inscription de biens immobiliers ou à l’enregistrement de droits y afférents, et par toute personne physique ou morale dont les droits fondamentaux, tels qu’ils sont définis par la Constitution, ont été violés.

2 – Système juridique

La Lettonie est un pays de droit d’inspiration romano-germanique. Le droit letton est codifié (Code civil, Code de procédure civile adopté en 1998, nouveau Code pénal en vigueur depuis avril 1999, Code de procédure pénale). Il existe également un Code d’éthique à l’attention des juges depuis 1995 et un Code d’éthique des Procureurs depuis 1998. Les autorités ont ratifié un grand nombre de textes internationaux.

Le système judiciaire letton est régi par la loi du 15 décembre 1992 modifiée, portant sur l’organisation judiciaire (likums par tiesu varu). Il reprend les principes et procédures d’examen des affaires par les juridictions, définis dans la constitution et dans les codes de procédure civile, pénale et administrative.

Le Code de procédure pénale letton ne limite ni la durée ni la fréquence des entretiens avec l’avocat. Il ne fait aucune différence quant à la valeur probatoire d’aveux prononcés en présence ou non d’un avocat. Il ne prévoit pas d’exceptions à la présence de l’avocat en fonction du type d’infraction dans une procédure pénale.

3 – Organisation judiciaire

Conformément à la loi de 1992, le système judiciaire letton comporte 3 niveaux de juridictions.

  •  Les 34 tribunaux de districts (arrondissements – rajona ou pilsētas tiesas) sont les juridictions du premier degré pour les affaires civiles et pénales ainsi que celles qui relèvent du droit administratif.
  •  Les 6 tribunaux régionaux (apgabaltiesas) peuvent être à la fois des juridictions de premier et second degré.
    Ils jugent en première instance les affaires civiles et pénales particulièrement complexes ou de portée plus grande, relevant légalement de leur compétence (art.36 §. 1 de la loi sur le pouvoir judiciaire). Ils constituent l’instance d’appel pour les affaires traitées par les tribunaux de districts.
  • La Cour suprême de Lettonie (Augstākā tiesa) est composée d’un Senāts composé de 24 juges et de 2 chambres composées de 21 juges (la Chambre des affaires civiles et la Chambre des affaires pénales). Ces chambres sont l’instance d’appel pour les affaires jugées en première instance par les tribunaux régionaux.
    Le Senāts, composé de 3 départements (affaires civiles, affaires criminelles, affaires administratives), est l’instance de cassation pour toutes les décisions rendues par les tribunaux de districts et par les tribunaux régionaux. Il n’y a pas d’instance administrative séparée au niveau de la cour suprême ; par contre, il y a des tribunaux régionaux et locaux administratifs.

En état de guerre ou d’urgence, des tribunaux militaires sont également prévus.

Les juges sont indépendants et ne sont soumis qu’à la Loi (art. 83 de la Constitution). Ils sont nommés par le Parlement, sur recommandation du ministre de la Justice, et sont inamovibles (art. 84 de la Constitution). Au 1er janvier 2009, il y avait 529 magistrats.

L’art. 11 de la loi sur le pouvoir judiciaire oblige toute personne et tout organisme, public ou privé, à respecter l’indépendance et l’immunité des juges sous peine de sanctions pénales. En vertu du Code pénal (réformé en 1999), l’ingérence dans l’examen d’une affaire, la pression sur un juge ou l’atteinte à son honneur et à sa réputation sont passibles d’une amende ou d’un emprisonnement pour une durée allant jusqu’à 3 ans.

L’autorité disciplinaire est exercée par le Comité judiciaire disciplinaire présidé par le président de la Cour suprême et composé de juges élus pour 4 ans par la conférence des juges.

Le Ministère Public
Depuis 1994, le Ministère public est organisé sous la forme d’un bureau («Bureau des Poursuites») à la tête duquel se trouve le Procureur Général. Il existe un Parquet auprès de chaque tribunal et auprès de chaque juridiction régionale. Le Ministère Public est chargé de missions traditionnelles de poursuites devant les juridictions.

4 – Formation des magistrats et des personnels de justice

Concernant les règles de nomination des magistrats, seuls les citoyens lettons ayant les diplômes requis et des qualités éthiques peuvent prétendre à devenir magistrats (art. 51 de la loi sur le pouvoir judiciaire).

La sélection ne peut être fondée sur une discrimination basée sur l’origine, le statut social et financier, la race, le sexe, la religion, la profession ou les opinions politiques ou autres. L’exigence selon laquelle un juge doit être un citoyen letton n’est pas considérée comme discriminatoire.

Les magistrats sont généralement titulaires d’une simple maîtrise en droit. Les juges doivent avoir 25 ans, 2 ans d’expérience dans le domaine juridique et passer un examen. Un centre de formation continue dispense des cours dans le domaine du droit européen et des droits de l’homme notamment. En pratique, les juges lettons manquent de spécialisation. Les besoins en matière de formation sont très importants.

Depuis 2009, de nouvelles dispositions prévoient un système de sélection des futurs magistrats basé sur l’apprentissage et l’organisation d’un examen. Cette sélection qui se déroule en deux étapes, a pour but d’évaluer chaque candidat à la fois sur ses connaissances professionnelles et ses compétences personnelles.

5 – Justice des mineurs

L’âge de la responsabilité pénale est fixé à 14 ans. Les mineurs peuvent être placés en détention provisoire. Pour un mineur, la durée de détention ne peut excéder la moitié de la durée maximale de détention prévue pour un majeur.

Dans le cadre d’une procédure pénale, l’interrogatoire d’un mineur ne peut pas dépasser six heures sans son consentement. S’il est âgé de moins de 14 ans, la présence d’un psychologue est requise (Art. 152 du Code de procédure pénale letton).

Une loi de 1992 a institué une prison pour mineurs. Les mineurs détenus sont pris en charge par des « éducateurs ».
Il n’y a pas de juge des enfants. Les cas impliquant des mineurs sont dévolus à un juge du siège et non à un juge spécialisé. Il existe cependant des règles de procédure spécifiques aux mineurs comme la séparation des mineurs et des majeurs, l’obligation d’aviser le Procureur en cas de garde à vue de mineurs.
Il n’existe aucune structure spécialisée dans la prise en charge des mineurs du type Protection Judiciaire de la Jeunesse ou centre éducatif renforcé. Cependant, les mineurs de moins de 14 ans semblent être pris en charge dans des foyers éducatifs.

6 – Réforme de la procédure pénale

1. L’enquête

La Lettonie a adopté un nouveau code de procédure pénale en octobre 2005. Ce code apporte de nombreux changement à la procédure judiciaire.

Parmi les évolutions apportées :

  • création d’un juge de l’enquête :
    Désigné par le président du tribunal pour une période donnée, ce juge dispose de pouvoirs :

    – aux cours de l’enquête : il peut prendre des mesures coercitives ou les suspendre, examiner les plaintes pour atteinte au secret de l’instruction, statuer sur une demande d’aide judiciaire, etc.
    – relatifs aux poursuites pénales : il peut demander des informations complémentaires à l’autorité qui mène l’enquête.
    – au stade du procès : il tranche notamment trancher les demandes du parquet concernant le choix ou la modification d’une mesure de sûreté.

Il ne peut pas être amené à remplacer la personne qui instruit la procédure, ni un procureur qui supervise les enquêtes préliminaires, en donnant des instruction tant pour l’orientation d’une enquête que pour l’exécution des mesures d’enquête.

  • La nouvelle loi pénale le prévoit la possibilité d’exercer une action civile devant le juge répressif.

Le Ministère Public supervise l’action de la police. Toutefois, les relations entre les deux services restent floues. Le travail de la police est lui-même entravé par l’état actuel de la procédure qui établit une distinction entre le service qui mène l’enquête initiale et celui qui procède à l’interpellation et aux interrogatoires. Environ ¾ des dossiers transmis au Ministère Public ne font pas l’objet de poursuites. De multiples interrogations se posent quant au nombre élevé de décisions de non-lieu fondés sur un manque de preuve, notamment pour les affaires criminelles graves ou financières.

2. La détention provisoire

Le code de procédure pénale définit les motifs de détention dont la durée varie en fonction de la faute commise et selon une durée initiale correspondant à la phase préliminaire et une durée totale incluant la période d’instruction (Art. 273 et ss. ; voir particulièrement art. 277).
Si la juridiction compétente de jugement n’a pas fixé de date d’audience dans les 14 jours, à réception de l’acte final d’accusation du Parquet, la personne en détention dispose alors d’un délai de 3 jours ouvrables pour présenter une réclamation à la juridiction supérieure (art. 286 CPP letton).

7 – L’application des peines et le système pénitentiaire :

Depuis le 31 décembre 1999, l’administration pénitentiaire est rattachée au ministère de la Justice.

La peine s’exécute en fonction de la situation du condamné, du régime pénitentiaire auquel sa peine le rattache, du temps passé en prison, du crime commis et des condamnations antérieures.
Ainsi, la peine peut s’exécuter en milieu fermé, semi-fermé ou ouvert. Il existe 12 prisons et un établissement correctionnel pour mineur.

La majorité des 12 prisons existantes datent du XIXème siècle et sont dans un état assez préoccupant. Une réorganisation progressive du système des établissements pénitenciers est prévue, avec la construction de 5 nouvelles prisons. La rénovation de la maison d’arrêt pour mineurs, quant à elle, vient d’être achevée.

La fonction de Juge d’application des peines n’existe pas en Lettonie. Même si le Procureur Général exerce une surveillance générale sur l’exécution des peines et doit être entendu en cas de réaménagement de la peine, l’application des peines est concrètement assurée par un magistrat non spécialisé. La politique actuelle consiste à développer les aménagements de peine et notamment le bracelet électronique.

L’autorité compétente pour la mise en œuvre de la condamnation change en fonction de la nature de la sanction de base :

  •  condamnation privative de liberté : l’administration pénitentiaire
  •  arrestation privative de liberté : les services d’Etat de la police
  •  amendes et confiscation de biens : les huissiers de justice
  •  «service communautaire » (travaux d’intérêt général) : le service d’Etat de probation

Les peines complémentaires sont exécutées par les huissiers et par les autorités habilitées à cet effet.
L’exécution des peines avec sursis ou les libérations conditionnelles sont supervisées par le service d’Etat de probation. (art. 5 du code de l’exécution des peines).

8 – Actualité judiciaire

La procédure pénale de ce pays a connu de nombreuses réformes ces dernières années.

Peine de mort :
La peine de mort a été abolie, sauf pour les crimes commis en temps de guerre. Elle n’est pas applicable aux femmes, ni aux personnes de moins de 18 ans.

Projet d’amendement du Code pénal :
Le 27 mars 2014 un projet de loi amendant le Code Pénal a été adopté en deuxième lecture. Un certain nombre de changements y sont proposés:
Incrimination de la négation; justification, approbation ou mise en doute publiques des agressions commises contre la République de Lettonie par l’URSS et l’Allemagne nazie. Les condamnés peuvent encourir des peines privatives de liberté de trois ans maximum, des peines privatives de liberté de courte durée, des peines de travail d’intérêt général ou des amendes;
Incrimination du recours à la prostitution d’une personne mineure, punie d’une privation de liberté pouvant aller jusqu’à cinq ans, d’une peine d’emprisonnement de courte durée, d’une peine de travail d’intérêt général ou d’une amende;
Révision des articles portant sur les sanctions des délits et des crimes en matière d’atteinte à l’inviolabilité sexuelle, et élargissement de la définition juridique du viol pour inclure les actes de pénétration sexuelle obtenus par abus de confiance, par abus de position d’autorité ou toute autre influence ;
Introduction des peines privatives de liberté pour les nouvelles infractions en matière de circulation autorisée de substances psycho actives ;
Extension de la durée de suspension du permis de conduire jusqu’à dix ans en cas de conduite en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants ayant entraîné des blessures graves ou la mort.
Le projet sera encore révisé en troisième lecture.

9 – Appréciation sur la réalité de l’état de droit

Indépendance de la Justice :
Si l’indépendance des magistrats proclamée par les textes semble mise à mal par l’importance du crime organisé dans le pays, -l’assassinat en octobre 2001, du président de la formation pénale de la Cour de Riga, en est une illustration-, la loi sur « le pouvoir judiciaire », dans ses articles 10 à 16 notamment, a été profondément modifiée en juillet 2009 pour réaffirmer l’indépendance de la Justice et l’obligation de l’Etat de la garantir.

Dans le contexte de réformes actuelles, le système judiciaire rencontre d’importantes difficultés :

  •  faiblesse des moyens budgétaires alloués.
  • difficultés de recrutement des juges (faible rémunération, …)
  • poids de la corruption (avec des soupçons qui semblent se porter surtout vers le Ministère Public et le personnel des juridictions );
  • formation et spécialisation insuffisantes
  • délais de procédure et difficultés d’exécution des jugements.

Discrimination des minorités sexuelles :
La Lettonie a interdit le mariage homosexuel dans la Constitution en 2005. Cependant le ministère de la Justice examinerait depuis 2012 la possibilité de reconnaître les unions de couples de même sexe, que ce soit par la cohabitation non enregistrée ou par le partenariat enregistré.