Kazakhstan
1 – Constitution et système institutionnel
La République du Kazakhstan est un Etat indépendant depuis 1991. Sa Constitution, adoptée par référendum le 30 août 1995, a institué un régime présidentiel avec un Parlement bicaméral. La Constitution a fait l’objet d’une importante réforme en mars 2017 (voir infra 8).
Le pouvoir exécutif est exercé par le Président de la République, élu pour une durée de cinq ans au suffrage universel direct. Il est seul compétent pour introduire des amendements constitutionnels, nommer et démettre les membres du gouvernement après consultation de la chambre basse du Parlement (dont le Premier Ministre, et sans consultation s’agissant du Ministre des affaires étrangères, de la défense et des affaires intérieures), dissoudre le Parlement, prendre l’initiative de référendums, nommer les responsables des administrations des régions et des trois villes à statut spécial. Il dispose d’un droit de veto sur les lois votées par le Parlement.
Le Président de la République du Kazakhstan est Noursoultan Nazarbaïev, qui exerce son cinquième mandat consécutif.
Le pouvoir législatif est confié à un parlement bicaméral. Le Sénat regroupe des députés élus par deux pour chaque région, grande ville et capitale de la République du Kazakhstan. Le président nomme également 15 sénateurs. La durée du mandat des députés est de six ans.
Le Majilis constitue la Chambre des députés (composée de 107 députés élus au suffrage universel ou élus par l’Assemblée du peuple pour 5 ans).
Le Parlement dispose de l’initiative législative, du droit d’amendement et du vote du budget. Il exerce un contrôle politique sur la nomination du Premier Ministre. Il dispose du vote de confiance sur le programme du gouvernement, et peut exercer un vote de défiance à l’initiative d’au moins 1/5ème de ses membres.
Le pouvoir judiciaire s’exerce au sein des tribunaux locaux et régionaux et de la Cour suprême.
Il existe également un Conseil constitutionnel, veillant au respect de la Constitution (dans le cadre des contentieux électoraux, référendums, de l’interprétation de la loi et du contrôle de la constitutionnalité des lois).
Le Conseil constitutionnel compte 7 membres, dont 3 sont nommés directement par le Président. Il ne peut être saisi que par les autorités politiques (Président de la République, Président du Sénat, de la Chambre des députés, 1/5ème des parlementaires et le Premier Ministre) et non par les citoyens.
2 – Système juridique
Le système juridique du Kazakhstan trouve ses origines dans la tradition romano-germanique.
Les traités internationaux régulièrement ratifiés par le Kazakhstan ont une valeur supérieure à la loi.
Le pays est doté d’un Code civil, entré en vigueur en 1994. Un Code du travail a été adopté le 15 mai 2007.
Le Code pénal et le Code de procédure pénale sont initialement entrés en vigueur en 1997. Un nouveau Code pénal a été adopté le 11 juin 2014.
En procédure pénale, le procureur déclenche l’action publique et applique le principe de légalité. Le Ministère public a le pouvoir de suspendre les décisions de justice et de lever le secret des correspondances ainsi que d’autoriser les perquisitions. Le parquet contrôle et surveille la police.
L’Etat kazakh n’a pas reconnu la compétence de la Cour Pénale Internationale.
3 – Organisation judiciaire
L’institution judiciaire est organisée en trois niveaux :
– Les tribunaux locaux sont compétents en matière civile, administrative, commerciale ainsi que pour la plupart des procédures pénales.
Les tribunaux régionaux sont compétents pour les crimes les plus graves, jugés depuis avril 2007 par un jury populaire (composé de 11 citoyens et de juges professionnels). Ces juridictions sont aussi juges en appels des litiges traités par les tribunaux locaux.
La Cour suprême, juge en appel des décisions rendues par les tribunaux régionaux. Elle constitue l’organe suprême du pouvoir judiciaire en toutes matières.
– Les juridictions militaires sont compétentes pour les contentieux qui impliquent les membres de l’armée. Elles appliquent le droit commun.
– Un tribunal spécial d’arbitrage est compétent pour les affaires concernant les entreprises d’Etat.
L’organisation du parquet est hiérarchique et centralisée. Il est dirigé par le Procureur général de la République qui est placé sous le contrôle direct du Président de la République.
4 – Formation et nomination des magistrats et des personnels de justice
Le système de nomination des juges est contrôlé par le Président de la République qui propose les candidatures au Sénat et les approuve après recommandation du Haut Conseil judiciaire de la République.
Tout citoyen de la République du Kazakhstan, ayant atteint l’âge de 25 ans, diplômé d’études juridiques supérieures, ayant une expérience professionnelle de deux ans au moins en matière juridique, peut devenir juge.
Les juges n’ont pas le droit d’être élus députés, ni d’exercer une activité rémunérée ou commerciale, à l’exception des activités pédagogique et scientifiques.
Le Président de la Cour suprême, les présidents des commissions et les juges de la Cour suprême de la République du Kazakhstan sont élus par le Sénat sur proposition du Président de la République, après recommandation du Haut Conseil judiciaire de la République.
Les présidents et les juges des tribunaux locaux et régionaux sont nommés par le Président de la République sur recommandation du Haut Conseil judiciaire de la République.
Le Haut Conseil judiciaire est dirigé par un Président, nommé par le Président de la République et comprend le Président du Conseil Constitutionnel, le Président de la Cour Suprême, le Procureur général, le ministre de la Justice, des sénateurs et d’autres personnes nommées par le Président de la République.
Le Procureur général est nommé par le Président de la République, sur autorisation du Sénat. Il ne peut pas, au cours de son mandat, être arrêté, poursuivi ou soumis à des sanctions administratives imposées dans le cadre une procédure judiciaire, ni jugé en matière criminelle ou correctionnelle sans autorisation du Sénat, sauf en cas de flagrant délit ou de crime grave. Le mandat du Procureur général est de 5 ans.
S’agissant de la formation, le Kazakhstan a institué en 2004 une « Judicial academy » (académie de Justice) offrant un cursus de formation spécifique pour les juges.
5 – Justice des mineurs
En février 2010, le Sénat a permis d’achever le processus de ratification par le parlement kazakh de la Convention de la Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption.
Depuis lors, le système de justice pour mineurs est en cours de réforme.
Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, dans son rapport du 30 octobre 2015, a constaté le net recul du recours à la privation de liberté à l’égard des enfants et la création de 19 tribunaux pour mineurs, de même que la création de pièces réservées aux interrogatoires des mineurs.
6 – Application des peines et système pénitentiaire
Les établissements pénitentiaires sont sous la responsabilité du ministère de la Justice. Seuls les centres de détention temporaire (IVS) et les centres de détention pour les détenus en attente de jugement (SIZO) relèvent du ministère de l’intérieur.
Le 3 octobre 2016, le chef de la délégation du Sous-comité des Nations Unies pour la prévention de la torture avait appelé le Kazakhstan à se concentrer sur la réinsertion des détenus, tout en notant la réduction du « nombre de personnes privées de liberté » et « l’amélioration des conditions de détention ».
Au 10 janvier 2017, le Kazakhstan comptait 36343 détenus (source : International center for prison studies), soit un taux de détention de 202 pour 100.000 habitants. Ces chiffres connaissent une baisse notable depuis 2010.
8 – Actualité juridique et judiciaire : la réforme constitutionnelle
Le 10 mars 2017, le Président de la République a promulgué la loi introduisant 26 amendements à la Constitution.
Le Président a présenté cette réforme constitutionnelle comme permettant au système politique « d’acquérir un plus grand degré de démocratie et de stabilité », tout en conservant la forme présidentielle du régime.
La séparation des pouvoirs
S’agissant de la répartition des pouvoirs entre le Président, le Parlement et le gouvernement, la réforme vise à instaurer un système dit de checks and balances (poids et contrepoids). Le rôle du Parlement est renforcé et le gouvernement gagne en indépendance.
Ainsi, le Premier ministre doit-il désormais consulter le Parlement avant de soumettre au Président la formation d’un nouveau gouvernement (sauf en ce qui concerne la nomination du Ministre des affaires étrangères et de la défense, qui continue de relever du Président).
Par ailleurs, le gouvernement peut désormais « former, réorganiser et abolir les organes exécutifs » alors qu’il ne pouvait jusqu’alors que nommer leurs responsables.
Le gouvernement est désormais responsable non seulement devant le Président, mais également devant le Parlement. Par ailleurs, le Premier ministre doit faire un rapport de l’activité du gouvernement tant au Président qu’au Parlement.
Les pouvoirs du Président ont été restreints par cette réforme. Ainsi, le Président ne peut plus ordonner au gouvernement de préparer des lois et de les soumettre à la chambre basse. Il ne peut plus suspendre les actes du gouvernement et du Premier ministre.
Cette réforme marque également la fin de la possibilité pour le Président de prendre des décrets qui ont force de loi et pour le Parlement de déléguer ses pouvoirs législatifs au Président pour une période ne pouvant excéder un an.
Cependant, il doit être souligné que le Président continue de jouer un rôle central au sein de ce régime. Il conserve notamment le droit de mettre fin, de sa propre initiative, aux pouvoirs du gouvernement, indépendamment de la procédure d’une motion de censure votée par le Parlement.
Il peut toujours désigner les projets de loi qui doivent être examinés en priorité par le Parlement.
La réforme des attributions de la Cour suprême et du Conseil constitutionnel
Aux termes de la réforme, la Cour suprême n’exerce plus la supervision des autres juridictions.
Surtout, le Conseil constitutionnel a désormais le pouvoir d’examiner la conformité à la Constitution, et plus précisément aux valeurs constitutionnelles définies par celle-ci (l’intégrité et l’unité territoriales, la forme du gouvernement, l’indépendance de l’Etat) de tous les amendements constitutionnels et des questions qui pourraient être soumises au peuple par la voie du référendum.
Par ailleurs, le Président a désormais le droit de demander l’opinion du Conseil Constitutionnel sur la conformité d’une loi ou de tout autre acte administratif à la Constitution.
Enfin, la réforme supprime le pouvoir du Président d’opposer son veto aux décisions du Conseil Constitutionnel, ce qui, en pratique, limitait l’effet du contrôle de constitutionnalité.
Dans son avis des 10 et 11 mars 2017, la Commission de Venise du Conseil de l’Europe a relevé que cette réforme constituait un progrès certain dans le sens d’une démocratisation, et que ses effets devraient être évalués en pratique.
La Commission a notamment souligné que les pouvoirs du Président avaient effectivement été restreints au profit du Parlement et que l’élargissement de la compétence du Conseil constitutionnel constituait une avancée en termes de protection des droits et libertés issus de la Constitution.