Japon

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Japon

1 – Constitution et système institutionnel

La Constitution japonaise, adoptée en 1947, instaure un régime parlementaire. Elle prévoit la stricte séparation des pouvoirs.

L’Empereur est « le symbole de l’Etat et de l’unité du Peuple ». Il nomme le Premier Ministre désigné par la Diète ainsi que le Président de la Cour Suprême. Il a un rôle de représentation.

Le pouvoir exécutif est exercé par le Premier ministre et le Cabinet. Le Premier ministre est désigné parmi les membres de la Diète. Il désigne les membres du Cabinet dont plus de la moitié doivent être membres de la Diète. Le Cabinet est solidairement responsable devant celle-ci.

Le pouvoir législatif est dévolu à la Diète (« Kokkai »). Celle-ci est constituée de la Chambre des Députés (480 membres élus pour 4 ans) et du Sénat (242 membres élus pour 6 ans).

Le pouvoir judiciaire est dévolu à la Cour Suprême et aux tribunaux inférieurs instaurés par la Loi. La plus haute juridiction du pays est la Cour Suprême.

 2 – Système juridique

Le Japon a un système juridique mixte de droit civil et de Common law.

Le code civil, qui sera prochainement réformé, est entré en vigueur en 1896. De façon générale, le code civil japonais n’est pas très volumineux. Il ne comporte que 1146 articles et adopte un style assez administratif. Il contient peu de définitions. Des grands principes y sont affirmés, comme l’autonomie de la volonté et la responsabilité civile fondée sur la faute. Les droits du consommateur sont protégés au moyen d’une obligation d’information à la charge du professionnel et de la possibilité pour le juge de déclarer nulles les clauses du contrat qui seraient abusives. Le droit de la responsabilité civile, et plus particulièrement la protection des victimes, ont étés modifiés par deux grandes lois. Une première loi de 1955 sur les accidents de la circulation a facilité la situation des victimes en introduisant un système de responsabilité pour faute présumée. Une seconde loi de 1994, directement inspirée de la Directive communautaire de 1985, a institué, concernant la responsabilité du fait des produits défectueux, un système d’indemnisation très favorable aux victimes.

Le droit des biens est directement inspiré du code civil allemand, et a subi l’influence des codes civils français et suisse. En 1947, le droit de la famille et le droit des successions ont été réformés conformément à la nouvelle Constitution.

Le code de procédure civile a été établi en 1890, modelé sur la procédure allemande. Deux grandes réformes ont eu lieu en 1926 et 1998. La réforme de 1998 a modernisé le droit de la procédure civile et des voies d’exécution. Plusieurs nouveautés ont été introduites :

-l’élargissement du champ d’application de la procédure de recherche des preuves

-la création d’une procédure simplifiée pour le recouvrement des petites créances (d’une valeur inférieure à 2200 euros environ)

-l’introduction d’une nouvelle procédure pour les actions de groupe

En 1999, une nouvelle procédure de conciliation a été créée afin de permettre d’améliorer les relations entre les débiteurs en faillite et leurs créanciers.

Devant les prétoires, le ministère de l’avocat n’est en principe pas obligatoire.

Un code pénal, établi en 1880, s’inspirait du code criminel français. A cette époque, le Japon avait adopté un code pénal moderne sur le modèle occidental. Le code pénal actuel a été établi en 1907 sous l’influence du code allemand. Le code de procédure pénale, également sous influence de la doctrine allemande, a été promulgué en 1922. Il a été entièrement réformé afin d’être conforme à la nouvelle Constitution de 1947.

Après sa suppression en 1943, le jury criminel a été réintroduit le 21 mai 2009. La loi adoptée par le Japon s’inspire beaucoup du système français et non de la procédure américaine du jury. En effet, trois juges professionnels et six citoyens tirés au sort statuent ensemble sur la culpabilité et la peine. La culpabilité est acquise à la majorité de cinq voix, dont une au moins d’un magistrat professionnel. Le verdict n’est pas susceptible d’appel, le seul recours ouvert étant une procédure de cassation devant la Cour suprême.

Le système est jugé satisfaisant, bien que la durée de certains procès (jusqu’à plusieurs mois, dans de rares cas) soit jugée trop longue. Le ministère de la justice a créé un comité pour la réflexion sur le système du jury populaire au mois de septembre 2009. Dans son rapport rendu au mois de juin 2013, ce comité a estimé souhaitable de réfléchir à la possibilité de créer des dispenses de participation pour certaines personnes, en raison de leur situation personnelle. Enfin, la Cour suprême et les parquets réfléchissent à des mesures psychologiques d’accompagnement des jurés confrontés à l’examen de faits graves.

Le contrôle de constitutionnalité des lois s’effectue à l’occasion d’un contentieux. Si la loi est jugée inconstitutionnelle, le gouvernement doit alors l’abroger.

 3 – Organisation judiciaire

La Cour Suprême est l’organe judiciaire le plus élevé au Japon. Existent également les instances inférieures suivantes : 8 Cours d’appel, 50 tribunaux de district, 50 tribunaux de famille et 438 tribunaux sommaires.

Le Japon a adopté un système de juridiction unitaire, il n’y a pas de séparation entre les juridictions administratives et judiciaires. Aucun tribunal d’exception ne peut être instauré.

La Cour Suprême concentre le pouvoir juridictionnel en matière constitutionnelle, judiciaire (civil et pénal) et administrative. Elle est en outre compétente pour la gestion administrative et financière des institutions, la formation des juges et la gestion de leur carrière.

L’Empereur nomme le Président de la Cour Suprême sur désignation du Cabinet, tandis que le Cabinet nomme directement les 14 autres juges de cette Cour. La nomination des juges de la Cour Suprême doit être ratifiée par le peuple lors des premières élections générales suivant leur nomination, et par la suite, tous les dix ans.

Les audiences et les jugements de la Cour Suprême ont lieu soit en grande Cour, en présence d’au moins neuf juges, soit dans l’une des trois petites Cours, chacune étant constituée de trois à cinq juges.

La Cour suprême juge de deux types de recours contre les deux types d’appel existant en droit japonais : les appels jokoku et les appels kokoku.

Les recours contre les appels jokoku correspondent aux cas suivants :

– les recours portés contre les arrêts pris en première ou deuxième instance par une cour d’appel,

– les recours portés contre les arrêts des cours spécialisées en droit de la famille et contre les jugements rendus dans les affaires criminelles par une cour de première instance.

– les recours portés contre les arrêts d’appel transférés directement à la Cour suprême.

La Cour suprême juge également des appels kokoku qui sont des demandes d’interprétation de la loi par rapport à la Constitution que les cours peuvent adresser à la Cour suprême dans certains cas.

Elle est enfin juge de premier et dernier ressort pour les procédures de destitution à l’encontre des hauts fonctionnaires de stature nationale.

En matière administrative, le tribunal de première instance est compétent puis l’appel revient à l’une des huit Cours d’appel. Les appels jokoku ne peuvent toutefois être adressés à la Cour suprême que sur le terrain de la violation de la Constitution et dans des cas de graves erreurs de procédure des cours inférieures.

Il existe deux formations de jugement au sein de la Cour suprême : la formation plénière rassemblant les 15 juges de la Cour, la formation restreinte de 5 juges. En formation plénière la majorité s’obtient par 9 voix et par 3 voix pour la formation restreinte.

La cour d’appel traite des appels intentés contre les décisions des tribunaux de district et de famille, ainsi que les décisions des tribunaux sommaires en matière pénale. Les audiences sont en général tenues par un collège de 3 juges.

Le Tribunal de district est une juridiction de premier degré en matière civile et pénale. Il statue à juge unique (il existe des exceptions, notamment lorsque la peine encourue est un emprisonnement à vie ou la peine de mort). A noter que la politique juridictionnelle favorise les modes alternatifs de règlement des litiges (80 à 90% des affaires sont réglées sous forme consensuelle). La médiation est confiée à des collèges comprenant un juge et deux assesseurs qui sont des professionnels ou des personnes disposant d’une bonne connaissance du secteur concerné. Devant les tribunaux de district, 20% des procédures se déroulent en l’absence d’avocats.

Le tribunal sommaire est une juridiction de premier degré en matière civile pour les litiges dont les enjeux sont mineurs et en matière pénale pour les infractions légères. Il s’agit d’une juridiction à juge unique qui ne peut condamner à des peines d’emprisonnement de plus de 3 ans. Devant les tribunaux sommaires, 90% des procédures se déroulent en l’absence d’avocats.

Le tribunal de famille a une compétence particulièrement large puisqu’elle comprend, outre le contentieux familial classique, la délinquance juvénile, l’enfance en danger et les tutelles. Il convient de relever qu’au Japon 95% des divorces sont réglés par l’accord des parties, directement constaté par le Juge.

En 2005 a été créé un tribunal spécialisé en matière de conflits relatifs à la propriété intellectuelle.

Pour l’année 2013, le nombre des juges professionnels est de 3.278 et celui des procureurs de 2.721.

Par ailleurs au Japon, il existe deux types de procureurs, le procureur magistrat « Kenji » (il y en a 1.822) et le procureur non-magistrat « Fuku-Kenji », équivalent du greffier au parquet (il y en a 899).

 4 – Formation des magistrats et des personnels de justice

Il existe au Japon un ministère de la justice mais la Cour suprême a, un peu à la manière du Conseil d’Etat français, un rôle d’organisation et de gestion des magistrats japonais. La Cour possède ainsi par sa conférence judiciaire composée des 15 juges de la Cour, le pouvoir d’établir les règles organisant la procédure judicaire et le métier d’avocat. Ces règles sont établies après avis d’un comité consultatif composé de juges, de procureurs et d’avocats.1) Site de la Cour Suprême du Japon : http://www.courts.go.jp/english/

Le Centre national d’études judiciaires, créé en 1949 et placé sous la tutelle de la Cour Suprême du Japon, assure une formation unique pour les futurs magistrats et avocats. A l’issue d’une même scolarité, les élèves optent pour la carrière du barreau, du parquet ou de juge. Les carrières de juge et de procureur sont néanmoins totalement séparées. Le Ministère public, qui dépend du Ministère de la Justice, dispose de sa propre administration, de ses propres crédits et de ses propres locaux.

Il existe par ailleurs un Centre National de formation pour le personnel des tribunaux qui forme les greffiers et les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse.

Une réforme du statut des magistrats est en cours. Elle vise à favoriser une plus grande mobilité de carrière entre juges, procureurs et autres professionnels du droit, et à attirer vers les tribunaux des professionnels disposant de connaissances techniques spécialisées (ingénieurs, médecins…). Cette réforme doit s’accompagner d’une plus grande transparence dans la gestion des carrières des magistrats (gérée respectivement par le ministère de la justice pour les procureurs, et par la Cour suprême pour les juges).

Les juges peuvent être révoqués par la procédure d’accusation. La Constitution autorise la Diète à « créer un Tribunal de mise en accusation » composé de membres des deux Chambres, afin de juger les magistrats contre lesquels une « action en destitution a été intentée».

 5 – Justice des mineurs

Au Japon, les jeunes délinquants de moins de 20 ans comparaissent devant un tribunal de famille et non devant une juridiction spécialisée en matière de délinquance juvénile.

Le tribunal de famille est également compétent en matière de tutelle des mineurs et de mineurs en danger.

Afin d’éviter des mauvais traitements sur enfants, une loi du 27 mai 2011 a élargi l’étendue du retrait de l’autorité parentale, en créant la possibilité d’ordonner des mesures de suspension de l’autorité parentale.

 6 – Application des peines et système pénitentiaire

Les tribunaux japonais peuvent prononcer des peines d’emprisonnement assorties, partiellement ou en totalité, d’un sursis simple ou d’un sursis avec mise à l’épreuve. Le sursis accompagné de l’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général n’existe pas au Japon.

Il n’existe pas non plus de juge d’application des peines.

Au stade de l’exécution des peines, la personne condamnée est incarcérée dès que sa peine d’emprisonnement est devenue définitive. Les aménagements de peine tels que la semi-liberté, le placement à l’extérieur ou le placement sous surveillance électronique, n’existent pas.

En revanche, la libération conditionnelle peut être prononcée par la décision du Comité régional de la réinsertion, organisation relevant du ministère de la justice.

L’organisation du système pénitentiaire japonais présente de nombreuses similitudes avec la France. L’administration centrale du ministère de la justice comprend la Direction de l’administration pénitentiaire (« Correction Bureau »), chargée de la gestion des établissements pénitentiaires, et la Direction de l’administration de la réinsertion et de la probation (« Probation Bureau »), responsable des missions des Bureaux de probation (équivalents aux Services de probation et d’insertion français).

Ces Bureaux, au nombre de 50, font largement appel à des bénévoles (les « Hogo-shi ») pour le suivi des personnes condamnées. Ces « Hogo-shi » sont au nombre de 47 990.

Le Japon comprend 77 établissements pénitentiaires et 111 antennes de ces établissements, 52 établissements pénitentiaires pour mineurs. On compte 68 285 détenus (dont 133 condamnés à mort, 7 personnes ayant été exécutées en 2012 et trois autres en février 2013), soit un taux de détention de 54 personnes incarcérées pour 100 000 habitants.

La population pénitentiaire japonaise a été marquée par un net vieillissement au cours de la décennie 2000-2010 : le nombre de détenus âgés de plus de 60 ans a augmenté de 30% en dix ans, atteignant plus de 10 000 personnes.

7 – Actualité juridique

Projet de réforme du Code civil : le Code civil de 1896 a connu peu de modifications jusqu’à ce jour. Une grande partie du droit positif a été le fruit de la jurisprudence, afin d’adapter les dispositions légales aux évolutions de la société. Mais une refonte du Code civil était devenue nécessaire afin d’uniformiser et de sécuriser les interprétations textuelles.

Le 1er avril 2013 le ministère de la Justice japonais a publié un rapport sur l’avant projet de réforme du Code civil. Ce projet, toujours en discussion au Conseil législatif du ministère de la justice, n’a pas encore été soumis à la diète. Il est envisagé de modifier profondément le droit des obligations, le droit de la famille et le droit des successions. Le projet de réforme a également pour objet de renforcer les droits des consommateurs, de moderniser les clauses relatives aux dommages et intérêts et de réaffirmer le principe fondamental de la liberté contractuelle.

Adhésion du Japon à la Convention de La Haye :

Adoption le 22 mai 2013 par le Parlement japonais de la loi autorisant la ratification de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Prévention de la récidive

Le ministère de la justice japonais a engagé une réflexion sur les axes suivants :

– la prévention de la récidive des détenus, notamment par l’introduction d’un système de surveillance électronique des auteurs d’infractions sexuelles,

– la prévention de la récidive des personnes âgées (auteurs de nombreux vols en raison de la précarité financière qui touche cette catégorie de la population),

– la prévention de la récidive des femmes et des jeunes,

– l’amélioration des fichiers de données en matière pénale.

 


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Notes   [ + ]

1. Site de la Cour Suprême du Japon : http://www.courts.go.jp/english/
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