Irlande

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Irlande
1 – Constitution et système institutionnel

La Constitution du 29 décembre 1937 fonde « The Irish Free State » et instaure une démocratie parlementaire. Toute modification de la Constitution doit se faire par référendum.

Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement (Oireachtas) qui comprend deux Chambres : the Dáil Éireann (la chambre des représentants) avec ses 166 représentants élus par le peuple pour cinq ans, et the Seanad Éireann (le Sénat) composé de 60 membres renouvelés tous les cinq ans après l’élection du Daìl Èireann; ces derniers représentent les intérêts sociaux et professionnels. Les fonctions des deux chambres qui composent le Oireachtas sont déterminées par la Constitution irlandaise. Certains partis politiques envisagent toutefois d’organiser un référendum aux fins d’abolir la deuxième chambre parlementaire (Seanad).

Par referendum du 4 octobre 2013 sur le projet d’abolition de cette deuxième chambre parlementaire, les irlandais se sont prononcés à plus de 50% contre la suppression du Seanad.

Le Président de l’Irlande est le chef de l’Etat et de l’armée mais il n’est pas le chef de l’exécutif. Il est élu directement par le peuple, au suffrage universel direct pour un mandat de 7 ans renouvelable une fois. La Constitution irlandaise prévoit une procédure de destitution du Président mais il n’y a pas de pratique. Tout citoyen de plus de 35 ans peut-être candidat au poste de Président. Le président peut soumettre à référendum un texte de loi adopté par les deux assemblées avant sa promulgation.

Le gouvernement exerce le pouvoir exécutif. Le Président nomme le Premier Ministre (Taoisearch) sur proposition de la Chambre des représentants, et les autres membres du Gouvernement sur proposition du Premier Ministre après approbation de la Chambre des représentants. Le gouvernement comprend entre sept et quinze membres. Ils sont collégialement responsables devant le Daìl Èireann.

Le mode de scrutin pour le Dáil Eireann est original : il s’agit du « single transferable vote », le vote unique transférable. Chaque électeur donne un ordre de préférence aux candidats dont le nom figure sur le bulletin de vote. Pour être déclaré élu, un candidat doit obtenir un certain nombre des suffrages exprimés, déterminé à l’avance. Les candidats qui obtiennent ce nombre de voix au moment du premier comptage sont déclarés élus et les voix qu’ils ont obtenues en sus du nombre fixé sont transférées au candidat que les électeurs ont indiqué comme choix suivant et ainsi de suite.

 2 – Système juridique

Le système juridique est fondé sur la Common Law. Contrairement au Royaume-Uni, l’Irlande s’est dotée d’une Constitution écrite.

Les Statutes approuvés par le Parlement Anglais avant 1921 ont force de loi, sauf s’ils ont été annulés ou déclarés inconstitutionnels.

Les infractions mineures sont jugées selon une procédure simplifiée. Les infractions les plus graves sont jugées par un jury.

Le gouvernement irlandais a récemment souligné que les dispositions du projet de directive sur l’accès à l’avocat imposeraient des réformes assez significatives dans son droit interne.

L’arbitrage est souvent utilisé pour la résolution des litiges en Irlande.

 3 – L’organisation judiciaire

Le système judiciaire irlandais ne comprend qu’un seul ordre juridictionnel.

Il existe quatre niveaux de juridictions en Irlande : District Court, Circuit Court, High Court et la Supreme Court. Il existe aussi une Court of Criminal Appeal et une Special Criminal Court.

L’Irlande n’a ni un organe général doté de la compétence de contrôler les fonctions ou décisions des organes administratifs, ni un système de juridictions administratives. Seule la High Court, susceptible d’appel devant la Cour Suprême, a compétence en matière de contrôle juridictionnel des actes administratifs. Le contrôle des actes administratifs se fait par le judicial review.[1]

Le contrôle des actes administratifs se fait par le judicial review.

– La Cour Suprême (The Supreme Court – An Chúirt Uachtaracht)

Elle a le pouvoir de contrôler la constitutionnalité des lois à posteriori mais aussi à priori (après l’adoption par les deux assemblées mais avant promulgation par le Président). Dans le cadre d’un contrôle à priori, si la cour suprême affirme la constitutionnalité d’un texte, celle-ci ne peut plus être examinée par la voie d’un contrôle à postériori.

Elle comprend un président (Chief Justice – qui est juge supplémentaire à la High court) et sept juges ordinaires. Le président de la High court est juge supplémentaire d’office à la Cour suprême. Elle connaît des recours contre les décisions de la cour d’appel en matière pénale, lorsque celle-ci ou le procureur général estime que la décision en question porte sur un point de droit qui présente une importance exceptionnelle pour la société et qu’il est souhaitable, dans l’intérêt public, qu’un recours soit formé devant la Cour suprême. La cour peut aussi statuer sur un point de droit qui lui est soumis par le tribunal de district.

Elle est également compétente pour recevoir les appels contre les décisions de la High court, ce qui représente l’essentiel de son activité.

La Cour Suprême a enfin le pouvoir de statuer sur l’incapacité permanente du Président de la république.

– La Cour d’appel en matière pénale (Court of Criminal Appeal – An Chúirt Achomhairc Choiriúil)

Elle comprend le président ou un juge ordinaire de la Cour suprême, ainsi que deux juges ordinaires ou bien le président et un juge ordinaire de la High court.

La Cour d’appel en matière pénale connaît des recours formés par les personnes condamnées par un tribunal de circuit ou par le tribunal pénal central, lorsque celles-ci ont obtenu du juge compétent un certificat indiquant qu’un recours peut être formé en l’espèce, ou bien si le juge a refusé de donner un tel certificat, lorsqu’elles ont obtenu de la cour d’appel en matière pénale l’autorisation de former un recours, sur appel interjeté contre ce refus. La cour examine le recours et prend sa décision en se fondant sur le rapport officiel du procès vérifié par le juge de première instance. Elle est habilitée à entendre des preuves nouvelles ou supplémentaires ou à renvoyer tout aspect de l’affaire au juge de première instance pour examen.

Si le recours concerne la condamnation et la sentence, la cour peut confirmer ou annuler la condamnation en totalité ou en partie, ordonner un nouveau procès ou modifier la sentence. Si le recours ne vise que la condamnation ou la sentence, la cour ne peut s’occuper que de l’aspect qui fait l’objet de l’appel (par exemple, si le recours ne vise que la condamnation, la cour ne peut pas aggraver la sentence).

Il n’y a pas de recours possible sauf si l’intérêt de la société est en cause. Ce recours doit être formé devant la Cour suprême.

– La High Court (An Ard Chúirt)

La High court est composée d’un Président et de trente-six juges.

Elle est investie de la pleine juridiction en premier ressort et du pouvoir de trancher toutes les matières et tous les points de droit civil et pénal. La High court connaît tous les appels formés contre les décisions de la Circuit Court. Elle peut également examiner les décisions de toutes les juridictions inférieures en rendant des ordonnances, qui ne tranchent pas sur le fond mais contrôlent qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir. La High court peut aussi se prononcer sur tous les points de droit qui lui sont soumis et peut être saisie de recours dans certains cas prévus par la loi.

Elle a compétence exclusive en matière d’adoption et d’extradition.

Elle est également juge de la validité de toute loi au regard des dispositions de la Constitution. Elle est seule compétente pour contrôler la validité des actes administratifs. Elle a aussi compétence pour déclarer invalide un acte du Oireachtas (parlement national).

Elle est enfin compétente pour entendre des demandes de caution quand le prévenu a été inculpé pour meurtre ou quand le prévenu souhaite obtenir une modification des conditions imposées par le Tribunal de district.

Les affaires dont la High court est saisie sont normalement examinées par un seul juge, mais son président peut décider qu’une affaire sera examinée, en totalité ou en partie, par deux ou plusieurs juges (Divisional Court). Dans certaines affaires (testament, diffamation…) les affaires sont jugées par un juge et un jury de 12 non professionnels.

Elle siège à Dublin en Première instance. Mais elle peut également siéger dans des institutions provinciales en Première instance pour des actions en dommages et intérêts pour les accidents corporels mortels. Depuis 2004, la Cour siège en plus de Dublin à, Limerick, Sligo, Cork et Castlebar. La High court itinérante entend les appels formés contre les décisions rendues en matière civile et familiale des Circuit Court.

Le Tribunal pénal central (Central Criminal Court – An Phriómh-Chúirt Choiriúil) est le nom de la High court dans l’exercice de sa compétence en matière pénale. Elle comprend un ou plusieurs juges de la High court désignés en fonction des besoins, par le président de celle-ci. Ce tribunal siège aux dates et dans les lieux fixés par le président de la High court et juge les affaires pénales ne relevant pas de la compétence du tribunal de circuit.

Normalement, les débats sont dirigés par un seul juge siégeant avec un jury de douze personnes, mais le président de la High court peut décider d’appeler au moins deux juges supplémentaires à siéger pour une affaire particulière. Le verdict doit être adopté par la majorité du jury.

– Le Tribunal de circuit ou Tribunal d’arrondissement (Circuit Court – An Chúirt Chuarda)

En matière pénale, il a la même compétence que le tribunal pénal central pour tous les délits graves, excepté les meurtres, viols, viols avec violence, trahison, piraterie et délits connexes.

Au civil, il a une compétence limitée dans le montant (de 200 à 30.000 livres selon le type d’affaire soit entre 252,95 € et 38 092,), sauf en cas d’accord entre les parties au procès où elle aura une compétence illimitée. Il est également compétent pour les affaires relevant du domaine familial.

Le territoire irlandais est divisé en huit « circuits ».

– Le Tribunal de district (District Court – An Chúirt Dúiche)

Au civil, le Tribunal de district est compétent en matière contractuelle pour les litiges inférieurs à 5000 livres irlandaises (soit 6 348,69 €) et dans les actions fondées sur des accords de location-vente ou de vente à crédit, dans les cas d’actions intentées pour non paiement des loyers ou pour des actions relatives à la détention frauduleuse de biens.

Il a aussi compétence pour entendre des affaires en matière familiale pour rendre des ordonnances de pension alimentaire, d’interdiction, de garde, d’accès et de filiation.

Au pénal, il connaît des infractions légères pouvant être jugées suivant une procédure sommaire, des délits pouvant être jugés suivant une procédure sommaire d’après la loi, des délits (autres que le viol, l’attentat à la pudeur avec violence, le meurtre, la trahison et la piraterie) pour lesquels l’accusé plaide coupable.

Le territoire est divisé en vingt-quatre districts. Les Tribunaux de district siègent dans 248 localités (y compris Dublin) sur l’ensemble du territoire.

– Le système de droit administratif irlandais (Judicial Review)

La fonction du judicial review est de contrôler la légalité de l’administration publique en s’assurant que les organes administratifs n’excèdent pas leurs compétences. Il protège les droits des individus, y compris ceux garantis par la Constitution des actes illégaux. Il n’y a pas de règle unique, bien qu’une nouvelle série de procédures communes ait été établie par les Règles des Cours Supérieures en 1986.

L’Irlande ne possède pas d’organe général doté de la compétence de contrôler les fonctions ou décisions des organes administratifs. La constitution précise que la High Court a «pleine juridiction dans tous les différends eu égard au fait et au droit». La High court est seule compétente pour contrôler la validité des actes administratifs. Cependant, certains systèmes prévus par la loi prévoient un recours administratif interne d’un niveau administratif à un autre. Des exemples sont la planification et le développement, immigration et asile, différends en matière d’emploi.

– En dehors de ces tribunaux, la Constitution prévoit que peuvent être établis des tribunaux spéciaux en matière pénale (Special Criminal Court – En Chúirt Choiriúil Speisialta).

Ils sont compétents pour « juger des délits dans les cas où il peut être établi, conformément à la loi, que les tribunaux ordinaires ne sont pas aptes à assurer l’administration efficace de la justice et la préservation de la tranquillité de l’ordre public ». En raison de la crise en Irlande du Nord et des actes terroristes, la « Special Criminal Court » a été créée en 1972. Elle siège avec trois juges désignés par le gouvernement, sans jury. Il peut être fait appel de ses décisions devant la cour d’appel en matière pénale. Malgré l’apaisement du conflit en Irlande du Nord et des critiques récurrentes à son égard, elle continue à fonctionner.

D’autres personnes interviennent dans le système judiciaire irlandais. L’Attorney General est le conseiller du gouvernement en matière de droit et d’opinion juridique. Les poursuites contre les crimes les plus graves sont intentées par le « Directorat of Public Prosecution ».

 4 – Formation des magistrats et des personnels de justice

– Les avocats

Il y a deux professions d’avocat, celle de « barister » (inscrit au barreau) et celle de « solicitor ». La fonction principale du barister est la plaidoirie, la rédaction des pièces de procédure et le conseil juridique, alors que le solicitor s’occupe non seulement de tout le travail entrepris au cours des poursuites mais aussi du travail réalisé dans la perspective d’une poursuite ou d’un arbitrage, de même que des matières non contentieuses. Depuis 1971, les deux professions ont le droit de plaider devant toute juridiction. En pratique, les solicitors plaident rarement devant les juridictions supérieures et ne plaident que les affaires de moindre importance devant la Circuit Court. Il y a environ 2000 baristers inscrits au barreau et près de 7500 solicitors enregistrés auprès de la Law Society (l’ordre professionnel des solicitors).

– Les juges

Avant 1994, les juges étaient choisis parmi les représentants des professions juridiques ayant une certaine ancienneté : baristers et solicitors ayant entre 8 et 10 ans d’ancienneté. Ainsi, une analyse de 1969 a montré qu’il existait une homogénéité culturelle, raciale, sexuelle et politique entre les juges irlandais. La création en 1995 du Judicial Appointments Advisory Board, tente d’apporter plus d’indépendance et d’équité dans le processus de nomination des juges.

Le Judicial Appointments Advisory Board est un organe dont la fonction est d’identifier les candidats potentiels aux fonctions de juge et d’informer le Gouvernement de la qualité de leur candidature. Annuellement, ce Comité publie les postes à pourvoir et recueille les candidatures éventuelles. Il établit ensuite une sélection. Les juges sont nommés par le Président, mais choisis par le gouvernement (article 13.9°i de la Constitution d’Irlande).

Le JAA Board est composé de dix membres dont sept professionnels du droit ; y sont notamment présents le Chief Justice ainsi que les présidents des différentes Cours, l’Attorney General et un membre du barreau ainsi que trois « lay members » (des non-juristes).

Malgré la mise en place du Judicial Appointments Advisory Board, les critiques sont nombreuses sur ce mode de désignation des juges qui demeurent essentiellement entre les mains du pouvoir exécutif. En outre, l’objectif de démocratisation de l’accès à la fonction de juge n’est que partiellement rempli. En effet, une enquête de 2004 montre que le panel des juges irlandais possède encore le même visage qu’en 1969. Les critiques viennent aussi du fait que les critères de sélections sont flous (« character », « temperament », « otherwise suitable »), en outre, la liste de sept noms donnés par ce Comité n’est qu’indicative. Ainsi, le pouvoir exécutif garde un choix discrétionnaire. Enfin, le choix de refus d’un nom n’a pas besoin d’être motivé.

Une réforme est en cours afin de rendre plus transparente la procédure de désignation.

Les nouveaux juges doivent suivre la formation prévue par le Ministre de la Justice ou leur Chef de Cour. Il existe notamment pour cela un Judicial Studies Institute.

L’indépendance des Tribunaux et des juges est garantie par la Constitution. Les juges ne peuvent être démis de leur fonction que pour incapacité ou faute, par une résolution votée par les deux Chambres du Parlement.

Un referendum du 27 Octobre 2011 a entrainé la modification de la Constitution qui interdisait auparavant de modifier le salaire des juges pendant leur mandat. Approuvée à près de 80%, cette réforme revient sur un principe qui avait pour but de garantir l’indépendance des magistrats mais qui était perçue comme une faveur faite aux juges dans un contexte de crise financière et de coupes budgétaires. Néanmoins une diminution de la rémunération des juges n’est possible que si les autres fonctionnaires percevant une rémunération similaire voient aussi leur salaire diminué.

– Le parquet

Il n’y a pas de corps unifié de magistrats composant le Parquet. Il y a l’Attorney General et ses services qui sont les conseils juridiques du gouvernement, et le Director of Public Prosecution et ses services qui organisent les poursuites.

L’Attorney General est le premier conseiller juridique au Gouvernement, choisi parmi les avocats du barreau par le Gouvernement lui-même. L’Attorney General ne fait pas partie du Cabinet mais assiste aux réunions. Il fonctionne comme une chancellerie.

Les services de l’Attorney General sont divisés en quatre bureaux principaux : L’Advisory Council qui donne des conseils juridiques à l’Attorney General et au Gouvernement ; l’Office of Parliamentary Counsel to the Government qui rédige la législation ; le Statute Law Revision Unit qui veille à l’évolution et l’adaptation de la loi ; le Chief State Solicitors Office, composé des avocats qui représentent l’Etat et l’Attorney General, gèrent les litiges, les transferts et les autres services de transaction.

L’Attorney General joue aussi un rôle dans l’évolution constitutionnelle. Son rôle est double : de conseiller le Gouvernement sur la constitutionnalité des projets de loi et des traités et aussi de représenter le Gouvernement dans les questions de constitutionnalité devant le Cour Suprême.

Depuis la mise en vigueur du Prosecution of Offences Act 1974 l’Attorney General ne s’occupe plus, sauf exceptions, des poursuites criminelles, ces actions étant maintenant de la responsabilité du Director of Public Prosecutions.

Le Director of Public Prosecutions (DPP) est un organe indépendant qui prend la décision d’engager les poursuites en justice en matière criminelle. Le DPP est compétent pour les infractions sérieuses (indictable offences). La police (Garda Siochana) peut décider de poursuivre ou pas les infractions moins sérieuses (summary offences). Le DPP agit au nom du peuple d’Irlande, au nom de l’Etat, et pour les victimes. La décision de poursuivre une action en justice est prise à la suite du dépôt d’un rapport policier, fondé soit sur l’expérience d’un policier soit sur la plainte d’une victime.

Le bureau du DPP est divisé en trois divisions : la Directing Division, composée des avocats qui examinent les rapports afin de décider si une action peut être poursuivie. La Solicitors Division composée des avocats et professionnels juridiques qui mènent l’action devant le juge pour le compte du DPP. L’Administrative Division qui fonctionne comme un soutien administratif aux autres divisions. Le bureau du DPP est hiérarchisé avec, en tête, le DPP, ensuite le Chief Prosecuting Solicitor, puis le Solicitors Division, située à Dublin et finalement, les avocats d’Etat locaux en dehors de Dublin.

Le Parquet est censé être politiquement indépendant, même si le dernier mot dans sa désignation appartient au gouvernement ; une fois qu’il est institué ses décisions sont indiscutables. Pour assurer l’indépendance politique, le DPP est choisi sur une liste de candidats fournie par un conseil collégial de 5 membres composé du Président du Cour Suprême, du Président du Barreau, du Président de la Société d’Avocats, de l’Adjoint du Procureur Général et du Secrétaire du Gouvernement.

La victime et ses proches (membre de famille, médecin, avocat ou travailleur social) ou la personne accusée et ses proches ont le droit de demander que le DPP réexamine sa décision.

Le DPP a le droit de faire appel devant la Cour d’Appel Pénale (Court of Criminal Appeal) s’il considère que la peine infligée est « exagérément légère » (unduly lenient).

Pour protéger l’intégrité et les sources de l’information dans le rapport policier, et pour que les décisions du DPP soient indiscutables, le DPP ne doit pas fournir des explications ou de motivation sur son refus de poursuivre une action en justice. Suite à une décision de la CEDH en 2003, la motivation du DPP pourrait désormais être donné aux membres de famille dans des conditions très strictes.

 5 – Justice des mineurs

Le Children Act de 2001 a réformé le système de justice des mineurs en Irlande, mais la question toujours en jeu est la capacité du mineur. L’âge de la responsabilité pénale est fixé à 12 ans. Aucun mineur de moins de 12 ans ne peut être poursuivi. Il y a néanmoins une exception pour les mineurs de 10 et 11 ans qui auraient commis des actes très graves (meurtre, viol, agressions sexuelles). En outre, le Director of Public Prosecutions doit toujours donner son accord pour qu’un mineur de moins de 14 ans soit poursuivi.

Si un policier a des motifs raisonnables de penser qu’un mineur de moins de 12 ans a commis ce qui pourrait être qualifié d’infraction, il a l’obligation de raccompagner le mineur à son parent ou à son gardien. En cas de manque d’attention ou de nécessité de protection du mineur, les services sociaux doivent être contactés.

Pour protéger les mineurs de l’emprise des majeurs, il est prévu qu’un majeur qui aide, conseille ou oblige un mineur de moins de 14 ans à commettre une infraction sera coupable de cette infraction.

En 2006 le Criminal Justice Act a essayé de préciser la question de la capacité avec l’idée de la « capacité de compréhension ». Désormais la Cour peut rejeter les poursuites contre un mineur de moins de 14 ans si elle « considère que compte tenu de l’âge et du niveau de maturité du mineur, le mineur n’avait pas une compréhension suffisante des éléments et des conséquences de l’infraction. »

Les Tribunaux pour mineurs (Children Courts) sont des juridictions spécialisées compétentes pour juger les mineurs délinquants, pour toutes les infractions sauf le meurtre. S’il s’agit d’une infraction sérieuse (indictable) le mineur doit être informé de son droit d’un procès avec jury. Les cours sont situées dans les District Courts, à l’exception de Dublin où il existe un tribunal pour mineurs séparé.

Selon la loi de 2001, la détention des mineurs ne doit intervenir qu’en dernier ressort. Les sanctions alternatives (community sanctions) sont ainsi privilégiées. La justice restaurative (« restorative justice conference ») a été instaurée dans le système irlandais par la loi de 2001 qui prévoit également des sanctions telles que les travaux d’intérêt général ou les ‘supervision orders’, qui ont tous pour but d’éviter la détention des mineurs.

Les irlandais ont voté par référendum le 10 novembre 2012 un projet initié en 2007, en faveur d’un renforcement des droits constitutionnels des enfants, octroyant à l’Etat de plus grands moyens d’intervention en cas de maltraitance d’enfants.

 6 – Institution policière et criminalité

M. Shatter, Ministre de la Défense, est également Ministre de la Justice et de l’égalité. Sous ce portefeuille, il encadre les forces de police, le personnel des prisons et le système judiciaire. Ce Ministère a un budget d’environ 2,2 milliards d’euros, dont 1,4 pour « An Garda Siochána », la police irlandaise. Le pays compte environ 13 500 policiers en juillet 2012, soit un policier pour 340 habitants.

Une récente étude du CSO (Bureau National des Statistiques) laisse apparaître une baisse de la plupart des indicateurs de criminalité depuis le début de la crise en 2008 (-13%). Cette baisse a été constatée dans presque toutes les catégories (sauf les cambriolages et les vols). Il convient cependant de minimiser la portée de ces chiffres et raison notamment d’une récente réforme des procédures d’enregistrement des crimes et délits (centralisation des données) et de la baisse sensible du volume d’heures supplémentaires effectuées par la Garda (-65% depuis 2007). La baisse de la plupart des taux/indicateurs pourrait ainsi être due en grande partie à la diminution de l’enregistrement du nombre de crimes et délits. Le Ministre Alan Shatter devrait néanmoins mettre en avant ces chiffres pour justifier une nouvelle rationalisation des services de police et la fermeture d’une trentaine de postes de police au cours des prochains mois, malgré l’opposition des principaux syndicats.

 7 – Système pénitentiaire

Le Irish Prison Service, avec à sa tête un directeur général et un conseil de 12 membres, a la gestion quotidienne de l’administration pénitentiaire. Cette agence indépendante des prisons à la responsabilité de 14 prisons et lieux de détention, disposant d’un budget annuel de 300 millions d’euros et de 3400 personnels. Au 20 mars 2014, le système carcéral comptait un total de 4 175 lits permanents et accueillait 4 084 détenus, ce qui représentait un taux d’occupation de 98%.

Le texte réglementaire S. I. n ° 252. de 2007 « Prison Rules, 2007 » définit les Règles pénitentiaires.

Il existe en Irlande 14 prisons dont 6 maisons carcérales (une recevant les hommes en détention provisoire), 3 prisons dont une pour les détentions de haute sécurité, 2 centres ouverts, une institution pour mineurs, et un établissement « semi-ouvert ». La majorité des femmes détenues sont à la prison de « Dóchas » et le reste sont situés dans une partie séparée de la prison de Limerick.
Les services pénitentiaires irlandais (organe exécutif relevant du Ministère de la justice, de l’égalité et de la réforme législative) exécutent actuellement un vaste programme d’investissement dans l’infrastructure carcérale visant à la fois à moderniser les établissements existants et à augmenter la capacité du système pénitentiaire. Le futur établissement pénitentiaire de Thornton Hall devrait à terme disposer de 1400 cellules pour 2200 prisonniers. D’ici 4 ans, les 400 premières cellules seront construites pour accueillir 700 détenus. Le 16 janvier 2014, le ministre de la justice a signé un contrat de 35 millions d’euros pour la construction d’une nouvelle prison à Cork, dont la durée estimée d’exécution est de 18 mois. Les nouvelles installations offriront environ 275 places pour des prisonniers en cellule double et seront équipées de toilettes et de douches.

A noter qu’il existe des ‘comités visitant’ qui assurent une « surveillance » indépendante des prisons et qui ont pour but de contrôler les conditions de détention. Chaque prisonnier a libre accès à ces comités et peut déposer une plainte : chaque comité rédige un rapport annuel au Ministre compétent.

Depuis, 2002, l’Irlande s’est dotée d’un « Service d’inspection des prisons ». L’« Inspector of prisons» nommé pour cinq ans par le Ministre de la Justice, il est en charge de procéder sur instruction du gouvernement, à la vérification du fonctionnement des lieux de détention administrés par l’Irish Prison Service, notamment sous l’angle du respect de la dignité de la personne humaine.


[1] Site de l’ACA Europe : http://www.aca-europe.eu/index.php/fr/tour-d-europe?page=detail&countryid=14

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