Irlande du Nord (R-U)
Le système juridique du Royaume Uni n’est pas unifié. L’Angleterre et le pays de Galles, l’Écosse, l’Irlande du Nord ont chacun leur système. La nouvelle Cour Suprême chapeaute toutefois les trois systèmes.
1 – Constitution et système institutionnel
L’Irlande du Nord, également appelée province d’Ulster, fait partie du Royaume-Uni et a été créée par un traité de 1921 qui établit officiellement la séparation politique du nord et du sud de l’Irlande.
L’Irlande du Nord a eu son propre système de gouvernement local dès 1998 grâce à l’accord de Belfast (ou accord du vendredi Saint) qui a permis la création d’un parlement autonome. En 1999 des pouvoirs décentralisés ont ainsi été transférés à l’exécutif et à l’assemblée d’Irlande du Nord (« devolution »). Après une interruption du fonctionnement du parlement nord irlandais de 2002 à 2006, l’Irlande du Nord a retrouvé une forme d’autonomie locale en 2006 grâce aux accords de Saint-Andrews qui ont annoncé la reprise de fonctions de l’assemblée, puis la formation du gouvernement nord irlandais.
Le pouvoir exécutif est représenté par un premier ministre, un vice-premier ministre (« deputy first minister ») ainsi que par dix autres ministres (agriculture, culture, éducation, emploi, économie, environnement, finance, santé, développement régional et développement social). Le premier ministre est compétent en matière de maintien de l’ordre, de justice et de sécurité. Le premier ministre et le vice-premier ministre ne peuvent faire partie du même groupe politique: le groupe catholique/républicain et le groupe protestant/unioniste doivent tous deux être représentés. Le cabinet ministériel émet des propositions de loi à destination de l’Assemblée parlementaire (« executive bill »).
Les intérêts de l’Irlande du Nord sont représentés à Londres par le secrétaire d’Etat pour l’Irlande du Nord qui siège au cabinet du Royaume-Uni. Ce dernier est nommé par le gouvernement londonien et est responsable devant le parlement du Royaume-Uni, mais pas devant l’assemblée nord irlandaise.
Il existe un Conseil des ministres nord/sud permettant une coopération entre l’Irlande du Nord et le reste de l’Irlande, ainsi qu’un Conseil anglo-irlandais élaborant de la même manière une coopération entre l’Irlande du Nord et les autres nations du Royaume-Uni.
Le pouvoir législatif est exercé par l’Assemblée parlementaire d’Irlande du Nord qui est compétente pour produire des lois dans les domaines qui lui sont propres, à condition que celles-ci ne soient pas discriminatoires, et soient compatibles avec le droit de l’Union européenne et la Convention européenne des droits de l’homme. L’Assemblée a ainsi pleine compétence dans le domaine des matières transférées (éducation, agriculture, santé…) alors qu’elle devra obtenir l’accord du secrétaire d’Etat pour l’Irlande du Nord pour toutes les matières dites « réservées » (politique criminelle…). A contrario, les matières dites « d’exception » (politique étrangère et de défense, impôts…) relèvent de la compétence exclusive du parlement de Westminster.
L’Assemblée, présidée par un « speaker », est composée de 108 députés élus tous les 5 ans au scrutin proportionnel plurinominal. Ces derniers désignent le conseil des ministres sur une base intercommunautaire très stricte.
Les citoyens d’Irlande du Nord élisent également 18 députés pour les représenter au parlement de Westminster, à raison de 1 par circonscription, sur la base d’un scrutin uninominal majoritaire à un tour. Ils élisent en outre 3 députés pour les représenter au sein du parlement européen.
Le pouvoir judiciaire est exercé par les County courts, les Magistrates courts, la Cour Suprême et la Chambre des Lords.
2 – Système juridique
L’Irlande du Nord a un système juridique propre, fondé sur un droit de Common Law très similaire au droit anglais.
En droit de l’immigration toutefois, le tribunal de l’immigration et des demandes d’asile est compétent pour l’ensemble du Royaume-Uni.
3 – Organisation judiciaire
Le premier degré de juridiction est formé par les Magistrates courts (21) et par les County courts (7).
- Les Magistrates courts sont compétentes en matière pénale, du début à la fin pour les infractions et uniquement pour les audiences préliminaires lorsqu’il s’agit d’un délit ou d’un crime.
- Les County courts sont compétentes en matière civile. Elles reçoivent également les appels formés contre les décisions des Magistrates courts.
Le second degré de juridiction est représenté par la Cour Suprême (« Supreme Court of Judicature ») qui comprend elle-même trois niveaux de juridiction.
- La Crown court est compétente en matière pénale pour les délits et pour les crimes.
- La High court, copiée sur le modèle anglais, se compose de la Queen’s bench division (pour le droit des obligations), de la Chancery division (pour le droit des affaires) et de la Family division (pour le droit de la famille). La High court est aussi compétente pour se prononcer sur les appels intentés contre les décisions des County courts.
- La cour d’appel (« Her Majesty’s Court of Appeal in Northern Ireland ») reçoit les appels provenant de toutes les cours inférieures. C’est le plus haut degré de juridiction en Irlande du Nord.
Le dernier degré de juridiction est la Chambre des Lords du Royaume-Uni (Westminster) qui se prononce sur les appels intentés contre les décisions de la cour d’appel d’Irlande du Nord.
La Chambre des lords deviendra la Cour Suprême du Royaume-uni à partir d’octobre 2009. Elle aura compétence comme instance suprême en matière civile sur l’ensemble du Royaume Uni et en matière pénale sur l’Angleterre, le Pays de Galle et l’Irlande du Nord, elle exercera à l’occasion d’appels dans des affaires de principe un contrôle de la conformité des textes législatifs aux grands principes constitutionnels et aux conventions internationales.
4 – Formation des magistrats et des personnels de justice
La profession de juge est gérée par le bureau du Lord Chief Justice. Les juges professionnels sont des juristes expérimentés qui ont proposé leur candidature à la Commission des nominations judiciaires (« Judicial Appointments Commission »), créée en 2005 pour tout le Royaume-Uni. Cette commission ne fait que recommander les candidats au Lord Chancellor d’Angleterre. Il est cependant prévu, lorsque l’Irlande du Nord aura retrouvé l’intégralité de ses compétences, que ces recommandations soient adressées au Premier ministre et au vice-premier ministre nord-irlandais. Depuis la création de la commission en 2005, 150 juges ont été nommés.
Il existe également des juges non professionnels (« lay magistrates ») recrutés à un échelon régional.
Le Judicial Studies Board, qui est en relation avec l’Angleterre, assure la formation continue des juges.
Le Solicitors (Northern Ireland) Order de 1976 réglemente la profession d’avocat.
L’autorité régulatrice de cette profession est la Law Society of Northern Ireland. Composée de trente membres élus, cette institution est chargée de la formation, de la tarification, de l’éthique, de l’indépendance de la profession d’avocats.
Plusieurs voies mènent au métier d’avocat. Les candidats doivent être titulaires d’un diplôme en droit ou posséder de très bonnes connaissances dans les matières juridiques s’ils sont titulaires d’un diplôme d’une autre discipline que le droit, puis ils doivent se présenter au concours d’entrée à l’école des avocats (« Institute of Professional Legal Studies »). Ils devront ensuite effectuer deux ans de stage.
Les personnes âgées d’au moins 29 ans qui ont été clercs ou qui ont travaillé pour un avocat pendant une période minimale de sept ans peuvent également présenter le concours d’avocat. Ils doivent ensuite effectuer un stage d’une durée de 4 ans.
Enfin, les personnes âgées d’au moins 30 ans qui démontrent une expérience et des connaissances juridiques suffisantes, peuvent également passer le concours. La durée du stage sera déterminée par la Law Society.
Tous les avocats doivent se contenter du statut de collaborateur pendant les trois premières années d’exercice.
Le parquet est représenté par le Public Prosecution Service for Northern Ireland (PPSNI), présidé par un procureur général (« Director of Public Prosecutions for Northern Ireland »). Le PPSNT travaille en étroite collaboration avec la police d’Irlande du Nord compétente pour les crimes (« Police Service of Northern Ireland ») en les informant des poursuites éventuelles, des charges et des procédures en cours. Depuis le Justice (Northern Ireland) Act de 2002, la police n’exerce plus la fonction de poursuite elle-même.
5 – Justice des mineurs
L’Irlande du Nord, comme l’Angleterre et le Pays de Galles, fixe l’âge de la responsabilité pénale 10 ans.
Le Justice (Northern Ireland) Act 2002 prévoit des mesures novatrices s’appliquant aux mineurs. Ainsi, la mesure la plus significative est celle de « youth conferencing ». Cette mesure alternative aux poursuites est mise en oeuvre à l’initiative du parquet, si le mineur est d’accord et s’il s’est déclaré coupable de l’infraction qui lui est reprochée. Cela consiste en une rencontre entre le mineur, un adulte l’accompagnant, un officier de police, un coordinateur de la conférence et éventuellement la victime, le but étant de sensibiliser l’enfant à la gravité de l’acte commis et à ses conséquences.
Cette mesure peut aussi être proposée par le juge lorsque l’enfant est poursuivi.
L’agence pour la justice des mineurs (« Youth Justice Agency ») est une agence gouvernementale créée par le Criminal justice Review 2000 intervenant de différentes manières pour lutter contre la délinquance des mineurs. Par exemple, cette agence organise les youth conferences ainsi que la détention de mineurs les plus dangereux.
Il existe une cour spécifique pour mineurs.
6 – Application des peines et système pénitentiaire
L’Irlande du Nord compte trois établissements pénitentiaires. L’établissement de Maghaberry est une prison de haute sécurité destinée aux adultes récidivistes ou condamnés à une longue peine d’emprisonnement. Il y existe une section réservée aux clandestins. La prison de Magillian, moyennement sécurisée, accueille les adultes devant effectuer une peine d’emprisonnement courte ainsi que les prisonniers en fin de peine dans une section moins sécurisée. Enfin, le site de Hydebank Wood comprend une prison et un centre de détention destinés aux mineurs ou jeunes adultes et aux femmes.
Le Northern Ireland Prison and Young Offenders Rules de 1995 pose les standards minimums requis pour le fonctionnement des prisons. En conséquence, l’administration pénitentiaire de l’Irlande du Nord a mis en place des mesures afin de respecter ces standards. Les administrateurs de prison s’efforcent ainsi de lutter contre la circulation de drogues, d’offrir des formations professionnelles et des services de réinsertion ainsi que des services en matière de santé et de sport.
7 – Appréciation sur la réalité de l’Etat de droit
Le Human Rights Act de 1998 qui a incorporé la Convention européenne des droits de l’homme et du citoyen dans le droit du Royaume-Uni, impose à l’Irlande du Nord le respect des droits contenus dans cette convention.
The Northern Ireland Human Rights Commission, créée le 1er mars 1999 dans le cadre de l’accord du Vendredi Saint, est une institution non gouvernementale reconnue au plan international. Son rôle est de sensibiliser la population d’Irlande du Nord au nécessaire respect des droits de l’homme et d’encourager la révision de toute loi ou pratique contraire au respect des droits humains en en informant directement le secrétaire d’Etat pour l’Irlande du Nord ou le cabinet ministériel.