Grèce

Grèce 1 – Constitution et système institutionnel

 

Le régime politique de la Grèce est celui d’une République parlementaire. La Constitution actuelle a été promulguée en juin 1975, après la chute de la dictature, et à la suite du rétablissement d’un gouvernement démocratique. La Grèce est une démocratie représentative, fondée sur le principe de la souveraineté populaire. Le système actuel repose sur la liberté de constituer des partis politiques, garantie par la Constitution. Le parti de gauche Syriza a remporté les élections législatives du 25 janvier 2015, sans obtenir toutefois la majorité absolue. M. Tsipras, nommé premier ministre, a formé une coalition avec le parti de droite souverainiste ANEL/Grecs indépendants.

L’article 26 de la Constitution prévoit la division de l’autorité de l’Etat entre les trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

La fonction exécutive est exercée par le Président de la République et le gouvernement. Le Président est le régulateur du régime politique. Il est élu par la Chambre des Députés pour une période de cinq ans. Il nomme le Premier ministre et, sur proposition de ce dernier, nomme et révoque les autres membres du gouvernement. C’est en réalité le premier ministre qui se trouve au cœur du pouvoir effectif.

Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement (la Chambre des Députés) ; le rôle du Président de la République se limite à la promulgation et à la publication des lois. Les membres du Parlement sont élus au suffrage universel direct pour quatre ans. La Constitution permet de déléguer le pouvoir législatif, excepté dans le cas où une loi est nécessaire (pour l’établissement des impôts par exemple, ou pour toutes les lois portant sur l’exercice et la protection des droits individuels). La délégation est un privilège généralement accordé au Président de la République qui prend alors des arrêtés présidentiels. Elle est soumise à des conditions de forme et est limitée dans son objet.

Le pouvoir judiciaire fait l’objet d’une section entière de la Constitution (articles 87 et suivants). Une des particularités du système grec est l’absence de Cour constitutionnelle. Toute juridiction a, en Grèce, le droit et le devoir de vérifier que les dispositions de la loi qu’elle doit appliquer dans l’affaire jugée ne sont pas contraires à la Constitution. La Constitution accorde ainsi au Juge le pouvoir d’annuler des actes administratifs inconstitutionnels et d’écarter l’application d’un texte de loi contraire à la Constitution.

 

 2 – Système juridique

Le droit grec est influencé par la tradition du droit civil. Il existe une distinction importante, dans l’ordre juridique grec, entre le droit civil (privé) et le droit public (administratif). Les principales codifications du droit grec sont les suivantes: le Code civil, le Code de commerce, le Code pénal, le Code de Procédure civile, le Code de procédure pénale, le Code du droit maritime privé et le Code pénal militaire.

Le Code civil grec de 1946 a été largement influencé par le droit byzantin, qui était appliqué en Grèce avant l’élaboration du Code civil. Le Code civil est fondé sur les principes de l’autonomie individuelle, de la propriété privée et de la liberté contractuelle. En outre, il protège l’institution de la famille, ainsi que l’égalité des sexes, reconnue par la Constitution. Il contient des clauses générales prévoyant une adaptation judiciaire aux changements de circonstances et la possibilité d’introduire des mesures d’équité.

La coutume est toujours considérée comme une source de droit, bien qu’elle soit aujourd’hui de moindre importance. Les décisions juridiques ne constituent pas des précédents contraignants qui doivent s’appliquer à des cas similaires, mais elles exercent néanmoins leur influence, marquant la nécessité d’une application uniforme du droit.

La Grèce a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale en 2004.

 

3 – Organisation judiciaire

La Constitution grecque consacre le principe de la dualité de juridictions, selon lequel les litiges privés relèvent des juridictions civiles tandis que les litiges administratifs dépendent des juridictions administratives. Des organes spéciaux ont, en outre, reçu des compétences particulières. Le système juridique grec est, dans l’Union européenne, le plus proche du système français.

L’ordre judiciaire

Tous les litiges privés, civils, commerciaux, ou relatifs au droit du travail, sont du ressort des juridictions civiles.

Trois tribunaux sont compétents en première instance:

– les 130 tribunaux de première instance présidés par un juge de paix, s’occupent des litiges pécuniaires inférieurs à un certain montant, des baux, de certaines affaires agricoles…

– les tribunaux d’instance à juge unique statuent sur les litiges financiers un peu plus importants, les accidents d’automobiles, les conflits du travail, les pensions alimentaires…

– les tribunaux de grande instance (composés de trois juges) jugent les affaires qui ne sont pas du ressort des autres juridictions de premier ressort.

Deux tribunaux peuvent connaître des litiges civils en deuxième instance:

– le tribunal de grande instance (sur les décisions des juges de paix)

– la Cour d’appel (au nombre de 12): les formations siègent à trois juges, voire à cinq dans certains cas.

Au pénal, il existe la même hiérarchie : tribunaux de police, tribunaux correctionnels à un et trois juges et Cour d’appel. Les affaires criminelles sont jugées par un tribunal constitué de trois juges et d’un jury de quatre membres et l’appel a lieu également devant une Cour d’appel à jury mixte.

Au sommet de la hiérarchie des juridictions de l’ordre judiciaire civil et pénal se trouve la Cour suprême ou Cour de Cassation (arios pagos). Devant elle sont formés les pourvois en cassation et les demandes en révision contre les décisions des tribunaux ou des cours qui ne sont plus susceptibles d’un recours ordinaire. Elle contrôle la bonne application de la loi par les juridictions inférieures.

L’ordre administratif (éléments aimablement transmis par le conseil d’Etat)

La juridiction administrative hellénique est constituée par le Conseil d’État et les tribunaux administratifs (tribunaux de première instance et cours d’appel administratives). Ils connaissent du contentieux administratif dans son ensemble à l’exception de certaines décisions concernant les magistrats, non susceptibles de recours, et de la fixation des indemnités d’expropriation, qui relèvent du juge judiciaire.

Les tribunaux administratifs ont une compétence de pleine juridiction en matière de contentieux subjectif, fiscal et social. Ils ont compétence aussi pour statuer sur des recours pour excès de pouvoir dirigés contre des actes administratifs individuels concernant la nomination et le statut des agents publics.

Les Cours administratives d’appel statuent sur les appels formés contre les jugements rendus par les tribunaux administratifs.

À la Cour des Comptes est confié le contentieux : des comptes publics, des pensions de retraite des agents publics et de la responsabilité des fonctionnaires à l’égard de l’Administration.

Le Conseil d’État est compétent pour statuer :

a) comme juge de droit commun en premier et dernier ressort sur les recours pour excès de pouvoir dirigés contre les actes exécutoires des autorités administratives, qu’il s’agisse d’actes individuels ou réglementaires ;

b) comme juge d’attribution en premier et dernier ressort sur des recours de plein contentieux formés, notamment, contre des mesures disciplinaires, prises par les autorités administratives à l’encontre des agents publics ;

c) comme juge d’attribution sur les recours en appel interjetés contre des jugements des cours administratives d’appel, rendus sur des recours pour excès de pouvoir, dont il a été question ci-dessus ;

d) comme juge de cassation exclusif sur les pourvois en cassation intentés contre les jugements des tribunaux administratifs, rendus soit en premier et dernier ressort, soit en appel.
En vertu de la Constitution la loi peut confier aux tribunaux administratifs le jugement de certains catégories d’affaires relevant du contentieux d’annulation sous réserve toutefois de la compétence du Conseil d’Etat de statuer en appel.

De plus, le Conseil d’État rend des avis sur la constitutionnalité et la légalité des projets de décrets réglementaires, à l’exception de ceux qui ne fixent que la date d’entrée en vigueur d’une loi. Les avis n’ont pas de valeur obligatoire pour l’administration, mais un décret est illégal s’il n’a pas été soumis au Conseil d’État. Ils ne lient pas le Conseil statuant au contentieux.[ref] Site de l’AIHJA : http://www.aihja.org/?view=maps_member&id=46&p=114[/ref]

Organes juridictionnels «spéciaux»

– La Cour des Comptes est composée de juges titulaires. Cette juridiction est divisée en sections, dont les décisions sont susceptibles d’appel et de pourvoi en cassation devant la Cour réunie en session plénière. Ses décisions ne subissent pas de contrôle de la part du Conseil d’Etat car la Cour des comptes est considérée par la Constitution comme la Cour suprême en matière de finances publiques.

– La Cour spéciale supérieure: cette Cour s’occupe notamment des recours concernant les élections législatives, le contrôle des référendums, ainsi que des questions relatives aux conflits entre les autorités et les juridictions administratives d’une part, et les juridictions civiles et pénales d’autre part. Elle connaît également des contestations portant sur l’inconstitutionnalité de fond ou l’interprétation des dispositions d’une loi formelle quand le Conseil d’Etat, la Cour de cassation ou la Cour des comptes ont rendu des décisions contradictoires.

 

4 – Formation des magistrats et des personnels de justice

Les juges professionnels sont recrutés sur concours et l’Ecole nationale de la magistrature accueille les candidats ayant été admis au concours d’entrée. La formation essentiellement théorique dure 18 mois. Cette école est ouverte également aux avocats qui souhaitent devenir juges.

Le paragraphe 1 de l’article 88 de la Constitution dispose que les juges sont nommés par un décret présidentiel. La permanence de l’emploi, prévue au paragraphe 1 de l’article 88, est une garantie essentielle de l’indépendance personnelle des juges. Cet article étend la permanence de l’emploi aux procureurs de district, aux procureurs de district adjoints, aux juges de paix et aux juges des tribunaux de simple police. Ainsi, les juges non seulement ont un emploi permanent, mais demeurent en fonction même lorsque le poste est supprimé. L’institution de la permanence de l’emploi protège les juges et contribue de façon décisive à lever les obstacles à l’administration de la justice.

Lorsqu’ils ont atteint la limite d’âge, qui est fixée par la Constitution (67 ans pour les juges de rang supérieur et 65 ans pour les autres), les juges doivent obligatoirement prendre leur retraite.

Les organes de contrôle des tribunaux et des juges sont les conseils d’inspection. Les inspecteurs sont chargés d’émettre des rapports généraux concernant le fonctionnement des tribunaux et des parquets de leurs circonscriptions, et de proposer les mesures nécessaires au bon fonctionnement du service. Ils émettent également un rapport détaillé et motivé relatif à chaque magistrat de leur circonscription, évaluant entre autre le comportement du magistrat, son éthique, sa représentation sociale, sa capacité de jugement et de conception, son efficacité ainsi que sa formation scientifique. L’intéressé peut, dans les trente jours à compter de la réception du rapport, saisir des organes compétents selon les cas et demander une correction du rapport ou une reconduction de l’inspection.

La responsabilité disciplinaire des magistrats est régie par les dispositions du code de l’organisation judiciaire. Le pouvoir de la poursuite disciplinaire est exercé par le ministre de la justice qui est compétent en la matière pour toutes les affaires concernant des magistrats ou des organes disciplinaires. Les sanctions disciplinaires sont prononcées par les assemblées plénières (ou à 7 et 9 membres) du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes et par les conseils disciplinaires des Cours d’appel. Les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats sont : le blâme, l’amende sur le revenu net, l’exclusion temporaire de fonctions et la révocation. Il peut être fait appel à l’encontre d’une décision prononçant une sanction disciplinaire.

 

5 – Justice des mineurs

En matière civile, il n’existe pas de réelle justice des mineurs. Ce sont les services sociaux présents dans régions qui assurent l’assistance aux mineurs en danger.

En matière pénale, la justice est rendue par des tribunaux spécialisés. Cependant, les juges qui composent ces tribunaux ne bénéficient que d’une courte formation et ne sont pas spécialisés à 100% dans ce type de contentieux. En effet, ils rendent aussi la justice dans les affaires civiles et pénales pour les majeurs.

La justice pénale des mineurs est essentiellement réglementée par une loi de 1955. Les procès se déroulent à huis clos, et la présence de l’avocat n’est obligatoire que lorsque le mineur est poursuivi pour crime. Il existe 63 tribunaux pour mineurs, lesquels sont accolés aux 63 tribunaux de première instance. Au sein de ces tribunaux pour mineurs il existe des « services d’assistance pénale pour mineurs » composés d’éducateurs et psychologues chargés d’établir des rapports sur la situation des mineurs délinquants et de proposer au tribunal la mesure la plus adaptée à la rééducation du mineur.

S’agissant du traitement pénal du mineur délinquant, il convient de distinguer plusieurs tranches d’âge :

– les mineurs de moins de 8 ans ne peuvent être poursuivis pénalement.

– les mineurs entre 8 et 13 ans ne peuvent être responsables pénalement, mais font toujours l’objet d’une comparution devant le juge.

– s’agissant des mineurs de plus de 13 ans, il convient de distinguer :

. ceux de 13 à 15 ans qui ne peuvent faire l’objet que de mesures essentiellement éducatives ou thérapeutiques. Ces mesures peuvent toutefois comprendre des mesures privatives de liberté.

. ceux de 15 à 18 ans (majorité pénale) qui peuvent se voir infliger une des mesures précédentes, ainsi que des peines d’emprisonnement (pour les infractions les plus graves).

Il existe 3 centres de détention pour mineurs.

La formation de jugement peut être celle d’un juge unique (délits peu graves commis par le mineur) ou celle de la collégialité (3 juges).

 

6 – Application des peines et système pénitentiaire

En 2004, le nouveau Code pénitentiaire, dont certaines dispositions visent à améliorer les conditions de détention et à prévenir les traitements inhumains des prisonniers, est entré en vigueur..

Selon International center for prison studies, on dénombre 9 611 détenus grecs en 2016, pour une capacité de 9 886 prisonniers, élevant le taux de surpopulation carcérale à 96.8%. Le nombre de détenus est en baisse depuis 2014.

 

7 – Actualité judiciaire

En septembre 2014, la loi sur les crimes de haine a été modifiée afin d’élargir cette notion : les peines pour violences racistes et incitations à ces violences ont été alourdies, le négationnisme est dorénavant une infraction pénale et de nouveaux motifs de discrimination ont été interdits (l’orientation sexuelle, l’identité de genre et le handicap).

Un nouveau Code de procédure civile :

Exigé depuis plusieurs années par les créanciers de la Grèce, la Grèce a accepté de travailler sur un nouveau Code de procédure civile. Ce code a été adopté en juillet 2015. La réforme vise principalement à réduire la durée moyenne des procès civils et leur coût. En effet, à la veille de la réforme il était assez courant qu’une affaire ne puisse être portée devant le juge avant un délai de 2 ans…

L’ambition du nouveau code consiste à réduire tant les délais de jugement des affaires que les délais de procédure de conciliation.

Une des grandes nouveautés de la réforme consiste à remplacer la procédure qui était orale par une procédure essentiellement écrite, qui limite le nombre de témoins admis à l’audience.

S’agissant des délais, selon les affaires, des délais butoirs sont fixés. Sous 100 (ou 130) jours doivent être réunis par les parties les propositions, les preuves et les documents nécessaires au procès. Le délai pour faire appel ou pour demander l’annulation est de deux ans à partir du jugement clôturant l’affaire.

Un nombre important d’affaires sera jugé par un tribunal de première instance à un seul juge. Cette mesure concerne notamment les contentieux relatifs aux baux, aux relations de travail, ainsi que les contentieux familiaux etc.