Estonie

Estonie

1. Constitution et système institutionnel

La Répubique d’Estonie fêtera son centième anniversaire en 2018. L’Estonie est une démocratie parlementaire. L’entrée de l’Estonie dans l’Union européenne a été approuvée par referendum le 14 septembre 2003, l’adhésion a été effective le 1er mai 2004. Elle a intégré la zone euro le 1er janvier 2011. La Constitution en vigueur a été adoptée par référendum le 28 juin 1992. Elle a été modifiée en 2004, 2005 et 2007.

Le pouvoir législatif est monocaméral. La Chambre unique est le « Riigikogu ». Sa fonction principale est le vote des lois. Elle approuve également le budget annuel de l’Etat. Elle est composée de 101 membres, élus pour quatre ans.

Le pouvoir exécutif est exercé par le Gouvernement, à la tête duquel se trouve le Premier ministre. Il est le chef du Gouvernement, nommé et destitué par le Parlement. Il joue un rôle très important de médiation entre les différents membres de la coalition. Le Gouvernement coordonne et supervise les institutions étatiques. Il peut dissoudre le Parlement, avec l’accord du Président de la République, et convoquer de nouvelles élections si le Parlement refuse la confiance au Gouvernement.

Il existe enfin deux autorités indépendantes : le Bureau de l’audit d’Etat (l’équivalent de notre Cour des Comptes) et la Chancellerie du Droit (l’équivalent de notre Conseil d’Etat et du Défenseur des droits).

Le Président de la République est le chef de l’Etat. Il représente l’Estonie dans les relations internationales. Il proclame les lois votées et peut initier une révision de la Constitution. Toutefois, il a un pouvoir politique limité, ayant un rôle d’arbitre et d’équilibrage des pouvoirs. Il désigne le candidat au poste de Premier ministre. Il est élu pour cinq ans, par un collège électoral formé des 101 députés du « Riigikogu » et de 244 élus locaux. Kersti Kaljulaid a été élue le 3 octobre 2016 à la présidence de la République estonienne.

Les principales compétences du ministère de la Justice sont de mener à bien une politique juridique et pénale. A cette fin, il coordonne la lutte contre la criminalité, garantit des procédures rapides et efficaces mais aussi la sécurité juridique, et renforce les principes d’un Etat démocratique. Il coordonne aussi les projets législatifs ainsi que l’harmonisation du droit interne avec la législation européenne et gère les institutions administratives.

2. Système juridique

L’Estonie a un système de droit codifié inspiré du droit d’Europe continentale (essentiellement allemand). Elle s’est dotée d’un nouveau code civil en 1992, d’un code de commerce en 1995, d’un code des douanes en 2001, d’un nouveau code pénal en 2002 et d’un nouveau code de procédure pénale en 2004. Le 1er janvier 2006, le nouveau code de procédure civile est entré en vigueur et a remplacé celui de 1998.

3. Organisation judiciaire

Le système judiciaire estonien est régi par le Chapitre 13 de la Constitution, la loi sur les juridictions ainsi que le statut des juges. En vertu de la loi sur les pouvoirs de la République, le Ministre de la justice est seul responsable de la gestion et du financement des tribunaux de première et de deuxième instance. La Cour suprême est indépendante au double plan juridique et financier.

Le système juridictionnel ne connaît pas la dualité formelle des ordres de juridiction administrative et judiciaire. Il existe néanmoins une spécialisation en matière de contrôle de légalité des actes et actions de l’administration. La justice administrative apparaît aux trois niveaux soit en tant que juridiction séparée de la juridiction ordinaire (au premier degré) soit en tant que chambre spécialisée intervenant au sein de la juridiction ordinaire (deuxième et troisième degré).

L’organisation territoriale des tribunaux a fait l’objet d’une importante réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2006. L’objectif principal était une meilleure répartition de la charge de travail entre les juges du premier degré, ainsi qu’une spécialisation de leurs activités dans les zones professionnelles les plus importantes.

Le système judiciaire comporte trois degrés de juridictions: au premier degré, les tribunaux administratifs (Halduskohtud) et les tribunaux de région (Maakohtud). Au deuxième degré les Cours de district (Ringkonnakohtud) et au troisième degré la Cour d’Etat (Riigikohus).

¬ Les tribunaux de région sont compétents pour les litiges en matière civile et pénale. Il existe quatre tribunaux de région qui comptent au total 153 juges. Les tribunaux administratifs sont les tribunaux de première instance qui statuent sur des litiges en matière administrative. Il en existe deux qui comptent 27 juges.

¬ Les Cours de district examinent en appel les jugements des tribunaux de régions et des tribunaux administratifs de leur ressort. Il en existe trois qui comptent 43 juges.

¬ La Cour d’Etat est la Cour suprême en Estonie. Elle remplit les fonctions d’une Cour de cassation, mais elle fait également office de Cour constitutionnelle. Elle est compétente pour connaître des pourvois en cassation, des recours en rectification d’erreurs, pour statuer sur les demandes de contrôle de constitutionnalité et trancher les litiges concernant l’administration des tribunaux.

En matière constitutionnelle, la Cour d’Etat peut être saisie selon différentes voies :
– Le Président de la République peut demander que soit déclarée inconstitutionnelle une loi adoptée par le “Riigikogu”;

– Le Chancelier du droit peut demander que soit déclaré nul en tout ou partie un acte normatif en vigueur adopté par le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif ou un organe d’une collectivité locale. Il peut également saisir la Cour d’Etat afin de reconnaitre inconstitutionnel une loi promulguée ou un acte normatif qui n’est pas encore entré en vigueur ou un traité international signé par la République d’Estonie.

– Les conseillers municipaux peuvent saisir la Cour d’une demande visant à déclarer inconstitutionnel ou nul une loi ou un décret qui serait contraire aux garanties constitutionnelles accordées aux collectivités locales.

– Le Parlement peut, depuis 2005, présenter à la Cour d’Etat une demande tendant à recueillir l’avis de celle-ci sur la question de savoir comment interpréter la Constitution en appliquant le droit de l’Union européenne, si l’interprétation de la Constitution est d’une importance décisive au moment de l’adoption d’un projet de loi rendu nécessaire par l’exécution des obligations découlant de l’appartenance de l’Estonie à l’Union européenne.

– Elle peut être saisie sur renvoi des juridictions inférieures dans le cadre d’un contrôle concret. À l’occasion d’un procès, les tribunaux de première et deuxième instance peuvent saisir la Cour d’Etat d’une demande de contrôle de constitutionnalité après qu’ils aient reconnu un acte normatif, un traité international ou l’une de leurs dispositions comme étant contraire à la Constitution.

– Les individus peuvent saisir la Cour soit par voie d’action (saisine directe), soit par voie d’exception (saisine indirecte). Ils ne peuvent former un recours directement devant la Cour d’Etat que dans les cas limitativement énumérés dans la loi sur la procédure de contrôle de constitutionnalité et uniquement lorsque ce recours a pour objet la protection des droits fondamentaux des individus.

4. Formation et nomination des magistrats et des personnels de justice

Les tribunaux sont indépendants, les juges professionnels sont nommés à vie et ne peuvent pas avoir d’autres mandats électifs ou être nommés à d’autres fonctions publiques. La Commission des examens de la magistrature évalue les connaissances en matière juridique des candidats aux postes de juge et d’auditeur de justice et contrôle leurs qualités personnelles. La commission fait des propositions à l’Assemblée plénière de la Cour d’État pour la nomination des candidats au poste de juge. L’Assemblée plénière propose ensuite les candidats au “Riigikogu” qui nomme les juges de la Cour d’Etat et au Président de la République qui nomme ceux des juridictions inférieures.

La commission des examens de la magistrature est composée de 6 juges (deux de chacun des trois niveaux d’instance), d’un représentant du barreau, du ministère public, du ministère de la Justice et de l’Université de Tartu. La formation des juges relève du Conseil de formation des juges, composé de 6 juges (deux de chacun des trois niveaux d’instance), d’un représentant du ministère public, du ministère de la Justice et de l’Université de Tartu.
Le Conseil de formation adopte la stratégie de formation des juges, les programmes de formation annuels et le programme des examens de la magistrature. La Fondation du centre juridique estonien, auprès de laquelle sont accomplies les missions du conseil de formation des juges, est compétente pour déterminer les besoins en formation des juges, établir la stratégie de formation, le programme de formation annuel et celui relatif aux examens de la magistrature. La Fondation est également chargée d’analyser les résultats de la formation, d’assurer la préparation des outils pédagogiques nécessaires, de contribuer à la préparation et à la sélection des instructeurs.
– Les juges non professionnels sont nommés par un comité de nomination des candidats aux fonctions de juges non professionnels. Ils doivent préalablement être proposés comme candidats, après avoir été élus par les conseils municipaux . Ils participent au fonctionnement des juridictions de premières instances au mêmes titre que les juges professionnels.
– Le parquet est hiérarchisé et ses membres sont désignés après une sélection effectuée par un comité de sélection et d’évaluation. Peut être nommé tout citoyen estonien qui a poursuivi un cycle d’études juridique et qui satisfait aux conditions de moralités requises. Le Procureur général est nommé à ses fonctions par le gouvernement. Les autres parquetiers (procureurs de comté, de ville et substituts) sont nommés par le ministre de la justice.
Le parquet est indépendant dans l’exercice de ses fonctions et poursuit les infractions à la loi pénale. Ses membres sont soumis à des obligations professionnelles strictes et notamment au secret professionnel. En cas de faute professionnelle, des poursuites peuvent être entreprises par le ministre de la justice, après avis du conseil de discipline.

L’Estonie ne dispose pas d’un organe spécifique en charge du contrôle et de l’évaluation des services de justice. Ces deux fonctions sont réparties entre le ministère de la Justice et le bureau du procureur général pour les procureurs et entre le ministère de la Justice et le président de la chambre disciplinaire de la Cour suprême pour les juges. La supervision et le contrôle sont exercés par les pairs. Pour les juges, la chambre disciplinaire est composée de cinq juges de la Cour suprême et de cinq juges de tribunaux de première instance. Pour les procureurs, le comité disciplinaire est composé de deux procureurs adjoints, de deux substituts du procureur et d’un juge. Ces structures de contrôle sont indépendantes. Les procureurs et les juges dépendent ainsi d’autorités distinctes.

5. Justice des mineurs

L’âge de la responsabilité pénale est de 14 ans. Il n’existe pas de tribunaux spéciaux pour mineurs, ni de juges ayant une formation spécifique, ni de procureurs chargés des poursuites pénales à l’encontre des mineurs. Les mineurs délinquants (ou non) peuvent être placés dans des établissements d’éducation ou des centres de réadaptation spéciaux.

Dans son dernier rapport 2017, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies s’est félicité de l’adoption de la nouvelle loi sur la protection de l’enfance, en vigueur depuis le 1er janvier 2016, qui constitue une étape importante dans le renforcement des politiques et stratégies en faveur des droits de l’enfant.
Sont réprimés le trafic et la prostitution des enfants, la production, la possession et la distribution de pornographie enfantine, le fait de persuader une personne de se livrer à la prostitution et l’utilisation de mineurs à des fins de publications érotiques et pornographiques.

6. Application des peines et système pénitentiaire

L’Estonie compte quatre prisons qui relèvent du ministère de la Justice (Murru et Harku, Tallinn, Tartu, Viru). A la fin de l’année 2017, le système pénitentiaire estonien comptait 2707 détenus et 4347 personnes en probation, soit un taux de détention de 205 pour 100 000 habitants, pour une population estimée de 1, 32 millions à la fin de janvier 2017.

Au 1er septembre 2015, le taux d’occupation des prisons était de 83.3% (3322 places).

Les centres de détention et bureaux de probation répartis sur l’ensemble du territoire accueillent aussi bien des condamnés que des prévenus.

Au 8 janvier 2018, les femmes représentaient 4.89 % de la population carcérale. On dénombrait 18 mineurs détenus.

Le département des prisons employait, fin 2017, 1497 personnes, chiffre en augmentation par rapport à l’année précédente.

La majorité du personnel pénitentiaire est diplômée du secondaire et a suivi une formation spécialisée en matière pénitentiaire à l’académie de sécurité estonienne ou au sein du collège « justice ».

Depuis 2007 la législation prévoit et règlemente le port du bracelet électronique pour les courtes peines ainsi que pour les détenus en fin de détention. Depuis 2013, le nombre de personnes sous surveillance électronique est passé de 83 à 129. Début 2018, 1211 personnes en probation étaient affectées aux travaux d’intérêt général.

7. Appréciation sur la réalité de l’État de droit et actualité

Discriminations :

La lutte contre les discriminations a été renforcée et le Bureau du Chancelier de la justice (ou Chancelier du droit) traite des faits de discrimination commis par les instances et institutions publiques pour quelque motif que ce soit. Depuis le 1er janvier 2004, cet organe est devenu une institution chargée de régler les conflits liés à des faits de discrimination commis par des personnes physiques et des personnes morales des secteurs public et privé fondés sur les motifs du sexe, de la race, de l’origine ethnique, de la couleur, de la langue, de l’origine, des convictions religieuses, politiques ou d’autre nature, de la propriété ou de la situation sociale, de l’âge, du handicap, de l’orientation sexuelle ou d’autres motifs de discrimination prévus par la loi.

Des modifications apportées à la loi relative à la citoyenneté sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016. Elles permettent aux enfants nés de parents apatrides d’obtenir la nationalité estonienne à la naissance de façon automatique, sans qu’un de leur parent ait à en faire la demande comme c’était le cas auparavant. Elles prévoient aussi que les enfants nés en Estonie peuvent garder la nationalité d’un autre pays jusqu’à l’âge de 18 ans. Les enfants apatrides de moins de 15 ans résidant en Estonie au 1er janvier 2016 et dont les parents vivent dans le pays depuis au moins cinq ans devraient aussi recevoir la nationalité estonienne. Ces modifications ne s’appliquent pas aux mineurs de 16 à 18 ans ni à ceux nés en dehors du pays de parents apatrides résidant en Estonie.

Lutte contre la corruption :

L’Estonie a ratifié le 6 décembre 2001, la Convention pénale sur la corruption qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2002. Le Code pénal estonien, entré en vigueur en 2002, comporte des dispositions entièrement révisées pour les infractions de corruption, qui ont été modifiées pour la dernière fois en 2007.

C’est dans ce cadre qu’a été formée en 2010 « la Commission pour la lutte contre la corruption » auprès du parlement estonien (composée de 6 députés et de 2 fonctionnaires de la chancellerie du parlement), chargée de la mise en œuvre des dispositions de la loi contre la corruption. D’après cette loi, l’obligation de déclaration du patrimoine échoit au président de la République, aux membres du gouvernement, aux députés, au président et aux membres de la Cour suprême, au président et aux membres d’administration de la banque centrale, au chef des armées, à l’auditeur d’Etat et aux contrôleurs séniors de l’audit d’Etat, aux chanceliers du droit, aux ambassadeurs, au procureur d’Etat, aux procureurs, aux présidents de cours et de tribunaux (cours administratives comprises) ainsi qu’à tous les autres hauts fonctionnaires. Les personnes assujetties à la déclaration de patrimoine sont tenues de procéder annuellement à ces déclarations, ainsi que dans les mois suivant un changement important de leur situation patrimoniale (notamment si leurs revenus augmentent d’au moins 30%).

Cette Commission a lancé en mai 2016 une proposition d’amendement des bonnes pratiques entre les lobbys et les membres du parlement. Cette proposition vise à encourager un meilleur travail législatif, de meilleur qualité et plus transparent. La Commission fait également un rapport annuel de l’activité du parlement.

Réforme Fiscale

La réforme sur la loi fiscale initiée par le gouvernement, introduit plusieurs modifications visant à améliorer le comportement fiscal des personnes et à renforcer l’efficacité de la collecte des impôts. Elle a été adoptée par le Parlement estonien le 5 mars 2017. Cette réforme s’inscrit dans un plan de modernisation de la politique pénale 2016-2018. La réforme augmente la flexibilité du paiement des arriérés d’impôts en versements échelonnés.

La réforme prévoit également la transposition de deux amendements de la directive de coopération administrative dans le domaine fiscal ainsi que la transposition du modèle de l’OCDE sur l’échange d’informations entre les Etats, notamment en matière de décision anticipée. Par ailleurs, l’échange d’informations déjà mis en place au sein de l’Union européenne sera étendu de manière plus globale, par exemple avec les Etats-Unis.

Réforme numérique

L’Estonie a mis en place depuis 2015 une plateforme informatique permettant de saisir en ligne les juridictions. L’Estonie se place deuxième au classement des délais de procédure au sein de l’Union Européenne.

La saisine peut être déposée via un portail public. L’accès au portail est soumis à l’identification par le numéro de carte d’identité électronique estonienne. Toutes les données saisies sont immédiatement transmises aux greffiers. Un greffier confirme ensuite la réception de l’introduction du dossier et peut fixer une première audience.

Le système informatique permet également au juge et aux parties de soumettre des éléments de preuve en ligne, avoir accès à des documents et échanger, notamment avec les avocats. Des documents peuvent également être envoyés par mail avec une signature électronique.

Certaines actions sont soumises au paiement d’une taxe qui peut être réglée sur le portail internet. Si l’affaire est simple, elle peut être traitée en ligne, sans audience au tribunal.