Sommaire
Le système juridique du Royaume-Uni n’est pas unifié. L’Angleterre et le pays de Galles, l’Écosse, l’Irlande du Nord ont chacun leur système. La nouvelle Cour Suprême chapeaute toutefois les trois systèmes.
1 – Système institutionnel
Membre du Royaume-Uni, l’Ecosse a cependant toujours eu ses propres structures juridiques, éducatives et religieuses et bénéficie d’une très large autonomie. Outre l’existence d’un exécutif écossais, l’Ecosse s’est également dotée d’un parlement en 1999, suite au référendum de 1997. Le Scotland Act de 1998 définit la répartition des compétences entre le parlement de Westminster et le parlement écossais. Les domaines suivants sont exclusivement dévolus à ce dernier :
– gouvernement local, police et transports
– éducation et formation, arts, sports
– services sanitaires et sociaux, logement
– agriculture, pêche, forêt
– environnement, paysage, patrimoine
– expansion économique et promotion de l’investissement.
– pouvoir de faire varier le taux de l’impôt sur le revenu (fixé à Londres) de plus ou moins 3 pence.
Le Parlement écossais, qui est monocaméral, légifère donc dans tous ces domaines. Ses 129 membres (Members of the Scottish Parliament) sont élus tous les 4 ans au suffrage universel direct, sur la base d’un scrutin proportionnel plurinominal. Le Parlement désigne le Premier ministre et les membres de l’exécutif.
Le pouvoir exécutif écossais est exercé par le Premier ministre (First Minister) et par son équipe de ministres. Malgré la compétence législative du parlement écossais, un ministre pour l’Ecosse représente les intérêts de l’Ecosse au gouvernement central du Royaume-Uni, aux côtés d’autres députés écossais qui siègent à Westminster.
En cas d’un éventuel conflit de compétence entre le Parlement écossais et celui de Westminster, le premier peut transmettre les lois écossaises, pour avis et avant leur promulgation, à la Commission judiciaire du Conseil privé. Cette commission peut également se prononcer sur la validité d’une loi écossaise dans le cadre d’un recours en légalité.
2 – Système juridique
L’écosse a un système juridique propre, fondé sur le droit écrit et la jurisprudence (Common Law). En matière de responsabilité contractuelle et délictuelle, notamment, le droit applicable est largement défini par le droit écrit.
3 – Organisation judiciaire
En première instance, les tribunaux de sheriff (Sheriff Courts) sont des tribunaux locaux compétents aussi bien en matière pénale que civile. Il y a 39 tribunaux de Sheriffs répartis dans les six circonscriptions judiciaires (Sheriffdoms). Les « sheriffs » itinérants se déplacent dans plusieurs tribunaux selon les besoins. La compétence de l’ancien office du sheriff étant très large, les « sheriffs » doivent comprendre tous les aspects de la loi.
Hormis ces tribunaux, la matière civile et la matière pénale connaissent ensuite des degrés de juridiction différents.
En matière civile :
- Le tribunal de sheriff connait exclusivement des réclamations dont la valeur est inférieure à £5.000. Pour les demandes d’une valeur inférieure à £5.000, l’affaire est entendue suivant une procédure simple ou suivant une procédure sommaire. Le tribunal de sheriff est également compétent pour les affaires dont la valeur est supérieure à £5.000 en procédure ordinaire. Il partage cette compétence avec la Cour de Session (Court of Session).
- La Cour d’appel du Sheriff, en matière civile a été crée le 1er janvier 2016. Elle siège au Parliament House, à Edimbourg. Les appels civils sont entendus par une cour de trois juges d’appel, excepté pour certains type d’affaires (notamment les appels sur les questions de procédure et les affaires dont la valeur est inférieure à £3.000), jugées en appel par un seul juge.
- La Cour de Session, située à Edimbourg, est la juridiction civile principale d’Ecosse. Elle est composée d’une chambre extérieure (Outer House of the Court of Sessions) et d’une chambre intérieure (Inner House of the Court of Sessions) :
– La chambre extérieure est une juridiction de première instance qui compte 22 juges (Lords Ordinary) qui siègent seuls ou, dans certaines affaires, avec un jury composé de 12 personnes. Elle est compétente pour tous les litiges civils, tant que la loi ne dispose pas du contraire. Ses décisions peuvent être contestées devant la chambre intérieure.
– La chambre intérieure est une juridiction d’appel composée de deux divisions de 6 juges qui sont présidées par le Lord President et le Lord Justice Clerk. Cette chambre reçoit les appels formés contre les décisions des tribunaux de Sheriff et de la chambre extérieure, mais aussi de certains tribunaux spécialisés. En principe, la Cour statue en formation de trois juges, mais certaines affaires complexes et importantes peuvent être entendues par cinq juges ou plus.
- En 2009, la nouvelle Cour suprême du Royaume-Uni est devenue l’ultime degré de juridiction en matière civile. Jusqu’à 2015, le recours devant la Cour Suprême était de droit, dès lors que deux avocats le considéraient comme raisonnable. Pour les jugements prononcés après le 22 septembre 2015, le demandeur doit obtenir une autorisation de la Cour de Session pour porter un recours devant la Cour Suprême, ou dans certains cas, à la suite d’un refus de la Court of Session, une autorisation de la Cour Suprême.
La Cour suprême du Royaume-Uni conserve également, en matière pénale comme en matière civile, une compétence pour connaitre en dernier recours des litiges touchant aux droits de l’Homme sous l’égide de la Convention européenne des droits de l’Homme, ainsi que des litiges impliquant la répartition des compétences entre l’Ecosse et le Royaume-Uni. Hormis ces deux exceptions, elle ne peut connaitre de recours contre les décisions en matière pénale de la Haute Cour de Justice.
En matière pénale :
- Les tribunaux de paix (Justice of the Peace courts) connaissent des affaires les moins graves en première instance. Ces tribunaux sont situés dans les mêmes villes que les tribunaux de Sheriff, mais il en existe également d’autres situés dans plusieurs villes d’Ecosse. De 2008 à 2010, les tribunaux de paix ont progressivement remplacé les District courts qui relevaient des autorités locales.
- Les tribunaux de sheriff connaissent de la plupart des affaires qui ne sont pas suffisamment graves pour être portées devant la Haute Cour en première instance. Les audiences peuvent avoir lieu devant un juge et un jury en procédure solennelle ou seulement devant un juge en procédure sommaire.
- La Cour d’appel de sheriff a été créée le 22 septembre 2015 pour connaitre des appels d’une procédure pénale sommaire jugée par les tribunaux de sheriff ou les tribunaux de la paix. La Cour est composée généralement deux ou trois juges d’appel, selon le type d’appel. Les audiences de contestation du contrôle judiciaire sont présidées par un seul juge d’appel. La cour pénale siège au palais de justice à Lawnmarket, à Édimbourg.
- La Haute Cour de Justice (High Court of Justiciary), présidée par le Lord Justice General, est la juridiction pénale suprême d’Écosse. La Haute Cour est compétente pour connaitre des infractions les plus graves, tels que le viol et le meurtre. En première instance, la Cour, itinérante, est composée d’un juge et d’un jury de 15 membres. En appel, la Haute Cour siège à Édimbourg et est composée de 3 juges s’il s’agit de contester une condamnation, et de 2 juges s’il s’agit de l’examen d’une peine. La Cour reçoit les appels formés contre les décisions de sa propre division de première instance, des tribunaux de Sherrif et des tribunaux de district. Elle constitue le recours ultime en matière pénale.
Les juridictions d’exception (Courts of Special Jurisdiction) connaissent des contentieux spécifiques :
- Court of the Lord Lyon, compétente pour les questions concernant les armoiries
- Court of Teinds, questions relatives aux biens de l’Église
- Lands Valuation Appeal Court, compétente poru les litiges concernant l’évaluation des propriétés foncières
- Court of Exchequer, compétente pour les litiges en matière fiscale
- Scottish Land Court, compétente pour les litiges concernant les exploitations agricoles.
4 – Recrutement et nomination des magistrats
Les juges professionnels sont indépendants et, comme en Angleterre et au Pays de Galles, ce sont d’anciens avocats.
Les deux juges qui sont au rang hiérarchique le plus élevé, le Lord Président de la Cour de Session (Lord President of the Court of Sessions) et le Lord Juge Greffier (Lord Justice Clerk), sont nommés par la Reine, sur proposition du Premier ministre britannique.
Le Lord Président est à la tête de l’organisation judiciaire écossaise. Il préside les cours suprêmes civile et pénale et occupe à la fois la fonction de Président de la Cour de Session et la fonction de Lord Justice General de la Haute Cour de Justice. Le Lord Justice Clerck est son adjoint.
Le Lord Président est assisté dans ses fonctions par le bureau judiciaire d’Ecosse, pour ce qui concerne la formation, la sécurité sociale, le déploiement des ressources humaines, la discipline des juges et l’organisation des juridictions.
Tous les autres juges sont également nommés par la Reine, mais sur proposition du Premier ministre écossais, après consultation de la Commission des nominations judiciaires de l’Ecosse (Judicial Appointments Board for Scotland), créée en 2002.
Les juges qui siègent à la Cour de Session et la Haute Cour de Justice (appelés sénateurs du collège de justice) doivent avoir au moins 5 ans d’expérience en tant qu’avocat, juge (sheriff principal ou sheriff) ou en tant qu’avocat plaidant devant les cours suprêmes.
Les juges des tribunaux de sheriff et les sheriffs principaux, qui se trouvent à la tête des circonscriptions judiciaires (sheriffdoms) doivent avoir au moins 10 ans d’expérience en tant qu’avocat (solicitor ou advocate).
Afin de faire face à la charge de travail grandissante des juges et de remplacer les juges des tribunaux de sheriff absents, des avocats (solicitors et advocates), et plus rarement des juges retraités, peuvent être nommés juges à temps partiel par les ministres écossais, après avis de la Commission des nominations judiciaires de l’Ecosse, pour une durée de 5 ans, renouvelable.
Il existe également des juges non professionnels appelés juges de paix (Justices of the Peace) qui siègent uniquement dans les tribunaux de district, seuls ou au sein d’un collège de trois personnes. Ils exercent leur compétence en matière pénale pour les infractions mineures (principalement les infractions routières, ainsi que les vols et les violences les moins graves). Ils peuvent prononcer des peines allant jusqu’à 60 jours d’emprisonnement, £2500 d’amende ou le retrait du permis de conduire.
Ces juges, qui ne sont pas des professionnels du droit, sont nommés pour 5 ans par les ministres écossais, après consultation des comités consultatifs locaux des juges de paix (Justice of the Peace Advisory Committees). Ils reçoivent une formation en droit pénal et procédure pénale.
Pour devenir avocats, c’est-à-dire solicitors ou advocates, les candidats doivent obtenir un diplôme universitaire en droit (ou pour les personnes exerçant déjà dans un cabinet, passer des examens professionnels) ainsi qu’un diplôme de pratique du droit (Diploma in Legal Practice) dans une université écossaise. Ils doivent ensuite effectuer un stage auprès d’un solicitor en exercice et, pour devenir advocate, effectuer enfin un stage auprès d’un advocate expérimenté puis passer un examen.
Tous les solicitors doivent être membres de l’organisation professionnelle du pays : la Law Society of Scotland, fondée en 1949. Cette organisation règlemente la profession, sur la base du Solicitors (Scotland) Act de 1980.
Les advocates sont spécialistes de la représentation devant les juridictions et produisent également des conseils juridiques. Ils sont tous membres de la faculté des avocats (Faculty of Advocates), instance qui fixe les critères d’accès à la profession et en gère la régulation et la discipline.
5 – Justice des mineurs
Le droit des mineurs en Ecosse résulte de plusieurs lois : Children Hearings (Scotland) Act de 2011 (la loi relative aux tribunaux pour enfants), le Children (Scotland) Act de 1995 (loi relative aux enfants), le Children and young people Scotland Act de 2014 (loi relative aux enfants et aux jeunes) et le Criminal Procedure (Scotland) Act de 1995 (loi relative à la procédure pénale).
En vertu du Criminal Procedure (Scotland) Act de 1995 (section 41), l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 8 ans. Cependant, la même loi (section 42) prévoit qu’un enfant de moins de 12 ans ne peut être poursuivi pénalement et qu’un mineur âgé de 12 à 16 ans ne peut être poursuivi que sur instructions du Lord Advocate ou sous son autorité et ne peut être jugé que devant la Haute Cour de Justice ou le tribunal de sheriff.
La législation écossaise prévoit un régime complexe pour les mineurs délinquants de plus de 16 ans, qui peuvent être traités comme des mineurs ou poursuivis selon la procédure applicable aux majeurs, selon les hypothèses, selon le texte appliqué et selon s’ils sont déjà placés sous mesure de surveillance (compulsory supervision order).
Le tribunal pour enfants (Children’s Hearings) est compétent en matière de prise en charge des mineurs en danger et des mineurs qui commettent des infractions (lorsqu’il n’est pas décidé par le ministère public de poursuivre le mineur devant la Haute Cour ou le tribunal de sheriff). La plupart des saisines émanent de la police, des services sociaux et de l’éducation nationale.
En fonction de l’évaluation de la situation effectuée par l’enquêteur pour mineurs (children’s reporter), il peut être décidé de tenir une audience en présence du mineur, de ses parents ou de ses représentants et de l’enquêteur avec trois juges non professionnels et bénévoles. Ces derniers peuvent décider de la mise en place de mesures contraignantes de supervision de l’enfant, incluant un placement ou une interdiction d’entrer en contact avec des tiers.
Un appel peut être interjeté devant le tribunal de sheriff.
Dans le cadre de la procédure pénale, la loi prévoit que les parents ou tuteurs assistent au procès du mineur et rend leur présence obligatoire dans certains cas.
Des règles particulières s’appliquent en cas d’arrestation d’un mineur : celui-ci doit être libéré (sauf en cas d’infraction grave, en vue de le soustraire à l’influence de tiers ou si la libération risque de mettre le procès en péril) sur la base d’un engagement écrit signé par le mineur, les parents ou le tuteur attestant que l’enfant se présentera lorsqu’il sera convoqué.
Si le mineur est placé en garde à vue, il doit être détenu, sauf impossibilité telle que définie par la loi, dans un lieu autre qu’un commissariat de police jusqu’à ce qu’il comparaisse devant la justice.
Si le mineur est poursuivi et déclaré coupable, il peut être condamné à une peine de détention dans un établissement spécifique (residential accomodation) pour une période maximale d’un an. Jusqu’à l’âge de 21 ans, un condamné ne peut pas être détenu dans les prisons pour adultes. Il sera alors détenu au sein d’une institution pour mineurs (young offenders institutions)
6 – Application des peines et système pénitentiaire
Le système pénitentiaire écossais est géré par le Service écossais des prisons « Scottish prison service » (SPS), créé en 1993. Le SPS est une agence du gouvernement écossais, responsable devant le ministre de la Justice. Le SPS dirige 15 établissements, dont deux sont gérés par des opérateurs privés sous contrat avec le SPS. Deux des établissements dirigés par le SPS sont réservés aux jeunes détenus (Young Offenders Institutions).
Au 15 septembre 2017, on dénombrait 7 490 détenus, dont 81% sont condamnés (6 076). Les femmes représentent 5% de la population carcérale (376). Les moins de 21 ans représentent 4.7% de la population carcérale (353). De plus, 341 personnes effectuent leur peine privative de liberté à leur domicile. Le taux d’occupation carcérale est actuellement de 96.9%.
Certains détenus peuvent aussi être envoyés dans un hôpital psychiatrique sécurisé, administré par le Service national de santé « Scottish National Health Service ».