Djibouti

Djibouti
1. Constitution et système institutionnel

La Constitution du 4 septembre 1992 définit Djibouti comme une « République unitaire ».

Le pouvoir exécutif est exercé par le Président de la République, ce dernier étant élu au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours. Depuis l’entrée en vigueur de la loi Constitutionnelle de 2010, le Président de la République est rééligible dans les conditions fixées à l’article 23 : « Tout candidat aux fonctions de président de la République doit être de nationalité djiboutienne, à l’exclusion de toute autre, jouir de ses droits civiques et politiques et être âgé de quarante ans au moins et de soixante quinze ans au plus à la date de dépôt de sa candidature ».

Le 8 avril 2016, le Président sortant, Ismaïl Omar Guelleh, a remporté les élections pour la quatrième fois consécutive.

Le pouvoir législatif est de type monocaméral. La Parlement de Djibouti est constitué par une Assemblée nationale, qui se compose de 65 députés élus au suffrage universel direct sur une des listes présentées aux électeurs par les partis sur l’ensemble du territoire.

L’article 97 de la loi Constitutionnelle n°92/AN//6ème L de 2010 portant révision de la Constitution prévoit la constitution future d’un Sénat : « Le Sénat sera institué lorsque toutes les conditions nécessaires à sa création seront réunies ». Il n’a pour l’heure pas encore été institué.

Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême « et les autres cours et tribunaux ». Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.

L’article 72 de la Constitution dispose que « le juge n’obéit qu’à la loi. Dans le cadre de sa mission, il est protégé contre toute forme de pression de nature à nuire à son libre arbitre ».

Selon l’article 75 de la Constitution, le Conseil Constitutionnel doit notamment veiller au respect des principes constitutionnels, contrôler la constitutionnalité des lois, garantir les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Il est l’« organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ».

Le Conseil Constitutionnel comprend six membres désignés respectivement par le Président de la République (2), le président de l’Assemblée nationale (2) et le Conseil supérieur de la Magistrature (2), pour une durée de huit ans non-renouvelable.

Le contrôle de constitutionalité s’exerce par la voie de l’exception d’inconstitutionnalité.

La Constitution dispose que :
– les lois ordinaires peuvent être déférées au Conseil constitutionnel avant leur promulgation, par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale ou dix députés  (article 79 de la Constitution) ;
– l’exception d’inconstitutionnalité peut également être soulevée par tout plaideur devant toute juridiction. La juridiction saisie doit alors surseoir à statuer et transmettre l’affaire à la Cour suprême (article 80 de la Constitution).

Le Conseil constitutionnel veille au bon fonctionnement des institutions. Il intervient comme autorité constitutionnelle, juge électoral et juge constitutionnel.

Créé par une loi du 21 août 1999 et institutionnalisé en 2010, le Médiateur de la République est une personnalité indépendante qui joue un rôle de médiation entre l’administration de l’Etat, les institutions décentralisées, les établissements publics, les organismes investis d’une mission de service public et les usagers. Il est nommé par le Président de la République pour une durée de cinq ans non renouvelable, est inamovible et jouit de l’immunité dans l’exercice de ses fonctions.

2. Système juridique

Le système juridique et judiciaire djiboutien est largement inspiré de la législation française. Les lois sont codifiées.

Une particularité réside dans la coexistence de la loi islamique, du droit coutumier et du droit civil hérité du code napoléon français.

L’article 70 de la Constitution prévoit que les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve de réciprocité et de conformité aux dispositions du droit des traités.

La République de Djibouti s’est dotée d’un Code pénal et d’un Code de procédure pénale en 1995. La loi du 31 janvier 2002 a créé un Code de la famille.

Par ailleurs, Djibouti s’est doté d’un Code du travail en 2006, d’un Code général des impôts à la suite d’une réforme fiscale conduite en 2008-2009 et d’un code du commerce en 2012.

3. Organisation judiciaire

L’organisation judiciaire comprend un ordre de juridictionnel unique avec un double degré de juridiction. Cette structure cohabite avec la justice de droit coutumier et la justice charienne.

> La justice coutumière

Elle traite des litiges mineurs en matière civile (litiges de voisinage ou relatifs aux loyers d’habitation). Les juridictions coutumières sont présidées par des administrateurs civils et sont implantées dans les chefs lieux des districts (quatre districts intérieurs) ainsi que dans les arrondissements de la capitale. L’influence de cette justice tend à décroître et seul le tribunal coutumier de la ville de Djibouti fonctionne.

En parallèle de la justice coutumière instituée par les textes, une justice coutumière est rendue par les okal (notables tribaux), chefs de clans et de quartiers, pour le règlement de conflits en matière civile et pénale.

> La justice charienne

Elle applique la loi islamique et est rendue par les cadis  (sages), répartis dans les chefs-lieux des districts et dans les arrondissements de la capitale.
Le grand cadi de Djibouti est, en outre, juge d’appel.

La justice charienne avait une compétence exclusive pour les seules personnes de confession musulmane, en matière de succession, de célébration de mariage, de divorce, de pension alimentaire et de garde d’enfants.

La loi du 30 Juin 2003 en matière familiale a remplacé les tribunaux de la Charia par un Tribunal de statut personnel de première instance, dont le siège se trouve à Djibouti-ville et dont le ressort s’étend à l’ensemble du territoire national. De plus, la loi a créé une chambre d’appel de statut personnel au sein de la Cour d’appel de Djibouti.

L’article 6 de la loi de 2003 dispose que « Le tribunal du statut personnel de première instance est compétent pour statuer en premier ressort sur tous les litiges relatifs au mariage, à la filiation, au divorce, à la garde des enfants, à la pension alimentaire ainsi que toutes les autres affaires relatives au statut personnel. » Le tribunal est également compétent s’agissant des affaires de succession, de dettes, de baux d’habitation, et en matière d’affaires civiles et commerciales lorsque le montant du litige n’excède pas 5 000 000 Francs de Djibouti.

> La justice étatique

Compétente pour tous les contentieux, elle est rendue par un Tribunal de première instance, une Cour d’appel et une Cour Suprême.

Le tribunal de première instance est juge de droit commun. Il est compétent sur tout le territoire de la République de Djibouti. Il est composé de chambres spécialisées qui statuent à juge unique : chambre civile et commerciale, chambre sociale, chambre correctionnelle.

La Cour d’appel, juridiction de second degré, connaît des recours exercés contre les jugements du tribunal de première instance. Elle est organisée en chambres spécialisées. Une chambre d’accusation est chargée du contrôle des juges d’instruction, une cour criminelle est compétente en matière pénale.

Un tribunal administratif a été créé par la loi du 19 juillet 2009 et institué dans le même ressort judiciaire que celui de la Cour d’appel. Les appels contre ses décisions sont interjetés devant la chambre administrative de la Cour suprême.

La Cour Suprême est la cour de cassation, chargée de veiller au respect des règles de droit. Son président est désigné par le président de la République.

La Haute Cour de Justice est une juridiction spéciale instituée par la Constitution du 15 septembre 1992. Elle est composée de membres désignés par l’Assemblée nationale. La Haute Cour de Justice est compétente pour juger le Président de la République et les ministres mis en accusation par l’Assemblée nationale, à raison de faits qualifiés de haute trahison ou d’atteinte à l’honneur et d’infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions.

4. Formation des magistrats et des personnels de justice

Le Conseil Supérieur de la Magistrature, institué par la loi organique du 7 avril 1993, modifiée en 2001, est présidé par le président de la République, garant de l’indépendance de la magistrature.

Il veille sur la gestion de la carrière des magistrats et donne son avis sur toute question concernant l’indépendance de la magistrature. Il est composé de quatre magistrats élus par leurs pairs, trois personnalités (ni parlementaires, ni magistrats) désignées par le Président de la république, et trois désignées par le Président de l’Assemblée Nationale.

Le statut de la magistrature est défini par une loi organique du 18 février 2001. L’article 1er de cette loi dispose que « Le corps judiciaire comprend les magistrats du siège et du parquet » des différentes cours et tribunaux.

Les magistrats du siège sont inamovibles sauf exceptions relatives aux nécessités du service.
Les magistrats du parquet sont placés sous l’autorité du ministère de la Justice.

Les magistrats du siège et les magistrats du parquet sont nommés par décret du Président de la République, après avis du Conseil supérieur de la magistrature.
Les candidats à la magistrature doivent remplir les conditions suivantes (article 12 de la loi portant Statut de la magistrature) :

  1. Être de nationalité djiboutienne sauf dispositions dérogatoires,
  2. Être âgé(e) d’au moins 25 ans et de 40 ans au plus,
  3. Jouir de ses droits civiques et être de bonne moralité,
  4. Être titulaire de la maîtrise en droit,
  5. Se trouver en position régulière au regard des lois sur le recrutement de l’armée,
  6. Remplir les conditions d’aptitude physique nécessaires pour l’exercice des fonctions et être reconnu(e) indemnes ou définitivement guéris de toute affectation donnant droit à un congé de longue durée.

Les candidats retenus sont nommés par décret du Président de la République comme juge ou substitut après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Ils doivent alors effectuer un stage d’une durée d’un an.

La fonction de magistrat est incompatible avec l’exercice de tout mandat électoral, avec l’exercice de toutes fonctions publiques et de toute autre activité lucrative, professionnelle ou salariée. La fonction est compatible avec les fonctions de membre du Conseil Constitutionnel. Des dérogations individuelles peuvent être accordées aux magistrats, par décision du ministre de la Justice.

5. Justice des mineurs

Djibouti a ratifié la Convention sur les droits de l’enfant le 6 décembre 1990 et s’est doté d’un Code de protection juridique des mineurs en 2015.

L’article 4 de la loi portant création de ce code prévoit que « tout enfant accusé ou déclaré coupable d’avoir enfreint la loi pénale a droit à un traitement spécial compatible avec le sens qu’a l’enfant de sa dignité et de sa valeur, et propre à renforcer le respect de l’enfant pour les droits de l’Homme et les liberté fondamentales. »

Les mineurs se voient appliquer un régime de responsabilité différent selon leur âge :

– Les mineurs de moins de 13 ans ne sont pas pénalement punissables puisqu’ils sont présumés irréfragablement n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale.

– Les mineurs âgés de 13 à 18 ans bénéficient de l’excuse de minorité et peuvent faire l’objet des mesures de protection ou de rééducation prévues par le Code de procédure pénale.

Le mineur auquel est imputée une infraction n’est justiciable que devant les juridictions pour mineurs. La détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible.

S’agissant des juridictions pour mineurs, depuis 2010, un juge des enfants est présent dans chaque tribunal de première instance. Les crimes commis par les mineurs sont jugés par la cour criminelle, juridiction non permanente. Par ailleurs, toutes les affaires dans lesquelles un mineur est accusé d’avoir commis une infraction sont jugées, au sein de la Cour d’appel, par une chambre spéciale des mineurs.

La détention ou l’emprisonnement d’un mineur doit être une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible.

L’article 32 du Code pénal dispose par ailleurs que la durée des peines privatives de liberté applicables aux mineurs ne peut excéder la moitié de la durée des peines encourues par les majeurs.

En 2016, les mineurs représentaient 5 % de la population carcérale (selon l’International Center for Prison Studies).

6. Application des peines et système pénitentiaire

Le ministère de la Justice est notamment chargé de la mise en œuvre de la politique judiciaire et pénitentiaire.

Les établissements pénitentiaires sont gérés par la Direction de l’administration pénitentiaire. Il existe notamment une prison centrale « Gabode », et une prison régionale « Obock ».

S’agissant de la sécurité pénitentiaire, elle est constituée d’un corps de surveillants placés sous l’autorité du ministre.

Selon l’article 3 de la Loi portant statut du personnel de la sécurité pénitentiaire, « la sécurité pénitentiaire, compétente sur l’ensemble du territoire, a pour mission la surveillance, la gestion et le fonctionnement des établissements pénitentiaires. Elle participe à l’exécution des décisions et sentences pénales. Elle contribue à la mise en œuvre de la politique de réinsertion de la population carcérale. »

Les conditions de détention demeurent difficiles et sont affectées par la surpopulation carcérale.

Le taux d’incarcération était de 66 détenus pour 100.000 habitants en 2016 (selon une étude de l’International Center for Prison Studies). 20% des détenus se trouvaient en détention provisoire.

7. Actualité juridique

La loi créant le Code de protection juridique des mineurs a été promulguée le 18 mai 2015. Elle a pour objet la protection et la promotion des droits de l’enfant.

La loi portant sur la lutte contre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants a été promulguée le 24 mars 2016. Cette loi a pour objet de réprimer et de punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

La Commission Nationale de la Communication (CNC) a été instituée en 2016. La CNC est en charge de la régulation du paysage médiatique à Djibouti, notamment s’agissant de la répartition du temps d’antenne lors des campagnes électorale et de la liberté d’expression.

Le 20 novembre 2017, une division nationale antiterroriste rattachée au directeur de la Police Nationale a été créée par décret.

Le 11 janvier 2018, le Parlement de Djibouti a adopté une loi augmentant le quota minimum de femmes devant être présentes sur les listes des partis pour les élections législatives. Ce quota, initialement fixé à 10%, est passé à 25%.