Sommaire

1 – Constitution et système institutionnel
Chypre est toujours gouvernée selon la Constitution de 1960 qui partageait le pouvoir entre les chypriotes grecs et les chypriotes turcs. Toutefois, dès 1963, les chypriotes turcs se sont retirés du gouvernement et les institutions ont continué à fonctionner moyennant quelques changements, mais avec une administration le plus souvent limitée à la communauté chypriote grecque.
En 1974, après le renversement du président chypriote, la Turquie envahit l’île et prend le contrôle de la partie nord en créant un Etat que seule la Turquie reconnaît et que les Nations Unies refusent de reconnaître. Depuis le milieu des années soixante-dix, les chypriotes turcs ont donc leur propre président et leurs propres institutions législatives. La république de Chypre et la république turque de Chypre du nord possèdent des forces militaires séparées, soutenues respectivement par la Grèce et par la Turquie.
Chypre est une République à régime de type présidentiel. D’après la Constitution de 1960, le Président de la République, élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans, est investi du pouvoir exécutif. Le Président est assisté d’un Conseil des ministres nommés par lui. Les ministres peuvent être choisis à l’extérieur du Parlement.
Le pouvoir législatif est exercé par la Chambre des Représentants, composée de quatre-vingts membres élus au suffrage universel pour un mandat de cinq ans. Conformément à la Constitution de 1960, 56 membres de la Chambres sont des chypriotes grecs, élus par la communauté chypriote grecque de l’île et 24 membres sont des chypriotes turcs, élus par la communauté chypriote turque pour un mandat de cinq ans. Depuis le retrait des membres chypriotes turcs, la Chambre ne fonctionne qu’avec les chypriotes grecs.
Les minorités maronite, arménienne et latine élisent aussi un représentant qui assiste aux réunions de la Chambre à titre d’observateurs. Ils sont consultés dans le cas d’affaires particulières concernant ces groupes religieux.
2 – Système judiciaire
La domination britannique de 1878 à 1960 a entraîné l’introduction du système britannique, et de nombreuses lois furent votées dans le but d’implanter en Chypre les doctrines du droit de common law et de l’équité, dont la législation pénale, le droit contractuel et le droit sur les atteintes civiles (civil wrongs law) constituent les exemples manifestes. Pour des raisons pratiques notamment, on a estimé préférable de conserver le système judiciaire britannique après l’indépendance de 1960.
En vertu de la Constitution, la langue des tribunaux est : le grec si les parties sont grecques ; le turc si les parties sont turques ; le grec et le turc si l’une des parties est grecque et l’autre turque. Ceci dit, en raison de la séparation de l’Ile en deux communautés chypriotes, le grec est devenu la langue officielle de la république de Chypre (sud) et le turc la langue officielle de la république turque de Chypre du nord.
En vertu d’une loi de 2005, toute personne a le droit, aussitôt après son arrestation, de contacter personnellement par téléphone un avocat de son choix et de contacter un membre de sa famille ou une autre personne de son choix. La personne suspecte peut être entendue par les services de police hors la présence de son avocat.
Dans le domaine de la lutte contre le blanchiment, une loi de 1996 a créé une unité de renseignement financier (FIU), le MOKAS, chargée de la lutte contre le blanchiment d’argent sale. Cette unité comprend des avocats conseils de la république affiliés au bureau du procureur général, des officiers de police, des fonctionnaires des douanes et des analystes financiers. Le MOKAS dispose d’un accès total aux informations relatives aux actionnaires des sociétés enregistrées à Chypre. Le MOKAS peut ordonner aux banques de retarder ou empêcher l’exécution des transactions clients. Il n’existe pas de banque de données centralisant les informations relatives aux comptes bancaires et assimilés de type FICOBA. La partie nord de l’Ile n’offre aucune garantie de transparence, même si une politique de signalement de transactions suspectes est en vigueur. Plusieurs projets de lois anti-blanchiment sont en cours d’élaboration, avec notamment pour objectif de créer une unité de renseignement financier.
La Convention du conseil de l’Europe de 2005 sur le blanchiment et le financement du terrorisme a été ratifiée le 27 mars 2009.
La Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale est entrée en vigueur le 1er juin 1995.
3 – Organisation judiciaire
La justice est exercée par le pouvoir judiciaire, séparé et indépendant. La Constitution de 1960 et le législateur ont établi différentes institutions judiciaires :
La Cour suprême (Supreme Court) est la plus haute Cour de la République. Elle combine les pouvoirs du Conseil constitutionnel et de la Haute cour de justice et fait également office de Conseil supérieur de la magistrature. Elle exerce de façon exclusive le contrôle et l’évaluation du système judiciaire chypriote.
Elle se prononce sur tous les appels civils ou criminels en provenance des Cours d’assises, des Tribunaux de région, aussi bien que sur les appels provenant des décisions de ses propres juges lorsqu’ils siègent seuls.
Elle se prononce sur toutes les affaires de législation constitutionnelle qui lui sont soumises par le Président de la république. Elle tranche aussi sur les affaires de conflit d’interprétation de la Constitution.
En outre, elle exerce une compétence de première instance en tant que Cour maritime.
Dans sa compétence de première instance, la Cour suprême se prononce aussi en matière de poursuites, d’habeas corpus. Dans son rôle de Cour électorale, elle peut entendre et trancher les pétitions concernant l’interprétation et l’application du droit électoral.
En dehors de la Cour suprême, le pouvoir judiciaire est exercé par les juridictions inférieures. La république de Chypre est divisée en six districts.
En première instance, la justice est rendue par:
• des tribunaux de district (District Courts) compétents en matière civile (compétence de droit commun) et pénale ;
• des Cours d’assises (Assize Courts) qui statuent sur les affaires graves en matière pénale;
• des Tribunaux familiaux (Family Courts) qui connaissent des affaires relatives à la famille et à l’état des personnes,
• une juridiction du travail (Industrial Disputes Court) qui connaît des affaires en matière d’emploi, y compris de licenciements;
• des tribunaux de contrôle des loyers (Rent Control Courts) qui statuent sur les contestations relevant du droit applicable en matière de contrôle des loyers;
• un tribunal militaire (Military Court) qui se prononce sur les affaires relevant du Code pénal militaire.
Toutes les décisions rendues par ces juridictions sont susceptibles d’appel devant la Cour suprême.
4 – Formation des magistrats et des personnels de justice
Le président et les 12 magistrats de la Cour suprême sont nommés par le Président de la République et restent en fonction jusqu’à l’âge de 68 ans. Un magistrat de la Cour suprême peut être mis à la retraite en raison d’une infirmité physique ou mentale le rendant incapable d’exercer ses fonctions, ou peut être révoqué pour faute. La coutume veut qu’avant de nommer un magistrat à la Cour suprême, le Président de la République demande son avis à cette dernière.
Les juges ont toujours joui d’une réputation d’impartialité sur l’ile de Chypre. Leur indépendance est assurée par la constitution. Tous les magistrats – à l’exception de ceux de la cour suprême – sont nommés par le Supreme Council of Judicature (composé de membres de la Cour suprême). Le SCJ assure aussi la promotion et la discipline des magistrats.
A Chypre il y a 85 juges de première instances et 13 juges à la Cour suprême.
Après leur nomination, les juges jouissent d’une garantie totale d’inamovibilité jusqu’à l’âge de 63 ans. Ils peuvent néanmoins être révoqués pour faute à l’issue d’une procédure juridictionnelle devant la Cour suprême. Ils peuvent également être mis à la retraite par cette même cour en cas d’incapacité ou d’infirmité mentale ou physique les rendant inaptes à s’acquitter des devoirs de leur charge, soit de manière permanente, soit pour une durée telle qu’il leur serait impossible de rester en fonction.
Le procureur général de la République (Attorney-General of the Republic) est un fonctionnaire indépendant nommé par le président. Il exerce ses fonctions jusqu’à l’âge de 68 ans, dans les mêmes conditions que les juges de la Cour suprême de Chypre. Ses fonctions sont définies par la Constitution elle-même. En vertu de l’article 113, paragraphe 2, de la Constitution, il a le pouvoir, dans l’intérêt général, d’engager, de diriger, de reprendre, de maintenir ou d’abandonner toutes poursuites relatives à une infraction commise contre toute personne sur le territoire de la république. Le procureur général est également le représentant de la République dans toutes les affaires judiciaires; tous les procès intentés par ou contre la République le sont par ou contre le procureur général.
5 – Justice des mineurs
L’âge minimum de la responsabilité pénale a été relevé à 14 ans. Les mesures applicables aux mineurs peuvent être prononcées jusqu’à l’âge de 21 ans (voir même 25 ans).
La loi sur les mineurs a été réformée en 2013. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU déplore qu’aucune mesure n’ait encore été prise pour mettre en place des tribunaux spécialisés pour mineurs et pour protéger les mineurs des adultes dans les lieux de détention.
Le régime de probation est la mesure la plus fréquemment appliquée aux jeunes délinquants
6 – Application des peines et système pénitentiaire
Chypre a aboli la peine de mort pour les crimes ordinaires en 1983, et retiré en 2003 une réserve qui lui permettait d’appliquer la peine de mort en temps de guerre. Désormais la peine de mort ne peut donc plus être prononcée.
Chypre connaît une situation de surpopulation carcérale avec un taux d’occupation de 137% (811 détenus pour 589 places au 1er janvier 2013). Il existe un seul établissement carcéral établi à Nicosie.
7 – Actualité juridique
Réforme fiscale :
En avril 2015 a été adoptée une réforme du droit de l’insolvabilité (laquelle était exigée par la Troika).
Cette réforme prévoit de nouveaux mécanismes de restructuration des dettes des entreprises et une nouvelle régulation des professions de l’insolvabilité.
Droit pénal et droit pénitentiaire
– Adoption en 2014 de lignes directrices pour la prévention du suicide dans les prisons.
– loi pénale relative aux enfants entrée en vigueur le 20 juin 2013.
Arrêt de la CEDH du 12 mai 2014
La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Turquie à verser 90 millions d’euros, au titre de dédommagement moral, aux proches de chypriotes grecs disparus lors de l’intervention militaire turque de 1974 et à des familles enclavées au nord de l’Ile.