Sommaire
Le droit camerounais a été marqué par l’occupation du Cameroun par la France et le Royaume-Uni. Le système en vigueur date de l’indépendance du 1er Janvier 1960 (Cameroun Francophone : droit civil) et du 1er Octobre 1961 (Cameroun Anglophone qui comprend les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest uniquement : Common Law). Toutefois le droit coutumier persiste devant les tribunaux dits de droit traditionnel mais cette application est très minoritaire depuis l’indépendance.
1 – Constitution et système institutionnel
La loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 instaure au Cameroun un régime semi-présidentiel. La Constitution camerounaise a été révisée le 14 avril 2008. Elle renforce le pouvoir présidentiel (durée du pouvoir non bornée par le temps, attributions supplémentaires, immunité et irresponsabilité pour les actes de la fonction).
Le Président de la République du Cameroun est élu dès le premier tour à la majorité simple pour un mandat de sept ans renouvelable. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, il n’existe pas de limite à sa rééligibilité (de fait, l’actuel Président Paul Biya est au pouvoir depuis 1982, avant même la révision de la Constitution, qui a allongé la durée du mandat présidentiel que la Constitution de 1996 limitait à 1 mandat de 7 ans renouvelable une seule fois). Il dispose du pouvoir de dissoudre l’Assemblée Nationale.
Le Cameroun n’a connu que deux présidents de la République depuis son indépendance.
Le Premier ministre applique la politique de la nation telle que définie par le Président de la République, mais son gouvernement est responsable devant l’Assemblée Nationale. Cependant, la Constitution prévoit que le chef de l’Etat peut le reconduire dans ses fonctions.
Le Parlement est bicaméral et a l’initiative des lois avec le Président de la République. L’Assemblée nationale compte 180 députés élus pour 5 ans. Le Sénat compte 100 membres à raison de 10 sénateurs par région, dont 7 élus au suffrage universel indirect et 3 nommés par le Président de la République pour 5 ans. L’existence d’un Sénat camerounais est prévue par la constitution de 1996, mais les premières élections sénatoriales du Cameroun ont été organisées le 14 avril 2013.
Le pouvoir judiciaire est exercé au Cameroun par la Cour Suprême, les cours d’appel et les tribunaux.
Il existe également une Haute Cour de justice jugeant le Président de la République en cas de haute trahison ou les membres du gouvernement en cas de complot contre la sûreté de l’Etat, ainsi qu’un conseil économique et social aux compétences consultatives.
Le Conseil constitutionnel est, depuis la révision constitutionnelle de 2008, composé de 11 membres nommés pour un mandat de « 6 ans éventuellement renouvelable » (contre un mandat unique de 9 ans auparavant) ainsi que des anciens Présidents de la République qui y siègent à vie. Il statue sur la constitutionnalité des lois, traités internationaux, les règlements intérieurs et les conflits d’attribution entre les institutions de l’Etat, entre Etat et régions et entre régions. Il est aussi compétent en matière de contentieux électoral relatif aux présidentielles, aux législatives et au référendum. Ses décisions ne sont pas susceptibles de recours. Sa saisine, limitée au Président de la République, aux présidents des deux chambres du Parlement et au dixième des députés, n’est pas ouverte aux citoyens.
2 – Système juridique
Au sein du système juridique camerounais, coexistent le droit traditionnel ou coutumier et les systèmes juridiques d’origine anglaise et française.
En outre, le Cameroun est l’un des dix-sept États africains à avoir adhéré au traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) du 17 Octobre 1993 qui a pour objectif principal de moderniser et harmoniser le droit des affaires dans les différents Etats-parties grâce à l’élaboration de règles communes, simples, modernes, adaptées à la situation économique, la promotion de l’arbitrage comme instrument de règlement rapide et discret des litiges contractuels, l’amélioration de la formation des magistrats et des auxiliaires de justice.
3 – Organisation judiciaire
► Les juridictions de droit commun :
La justice est rendue au Cameroun par les tribunaux de première instance, les tribunaux de grande instance, les cours d’appel et la Cour Suprême (ordonnance n° 72/4 du 26 août 1972).
- Tribunal de première instance
Il est créé en principe un tribunal de première instance par arrondissement. Toute affaire soumise au tribunal de première instance est jugée par un seul magistrat, sauf en matière sociale. Le tribunal de première instance est notamment compétent en matière pénale pour le jugement de toute infraction à l’exception des crimes, et en matière civile, commerciale et sociale lorsque le montant de la demande n’excède par cinq cent mille francs CFA (762.25€) ; pour statuer sur les procédures en référé et ordonnance sur requête ; pour le recouvrement des créances commerciales par des procédures simplifiées.
- Tribunal de grande instance
La compétence territoriale du tribunal de grande instance s’étend au département. Le tribunal de grande instance est compétent en matière pénale, pour le jugement des crimes et délits connexes et en matière civile, commerciale et sociale pour le jugement des différends lorsque le montant de la demande excède cinq cent milles francs CFA, en matière civile pour connaître des actions et procédures relatives à l’état des personnes, à l’état-civil, au mariage, au divorce, à la filiation sous réserve des compétences reconnues aux juridictions traditionnelles.
- Cour d’appel
Il est créé une cour d’appel par province. La cour d’appel est compétente pour statuer à l’encontre des décisions rendues par les juridictions autres que la cour suprême, la Haute Cour de Justice et la cour d’appel elle-même.
- La Cour Suprême
La Cour Suprême est la plus haute juridiction de l’État. Elle comprend ainsi une chambre judiciaire, une chambre administrative et une chambre des comptes.
La chambre judiciaire statue souverainement sur les recours en cassation contre les décisions rendues en dernier ressort par les cours et les tribunaux de l’ordre judiciaire ainsi que sur les décisions des juridictions inférieures de l’ordre judiciaire devenues définitives dans les cas où l’application du droit est en cause.
La chambre administrative connaît de l’ensemble du contentieux administratif de l’État et des autres collectivités publiques. Elle connaît en appel du contentieux des élections régionales et municipales.
La chambre des comptes est compétente pour contrôler et statuer sur les comptes publics et ceux des entreprises publiques et para-publiques.
Il n’existe pas de juridictions spécifiques pour le commerce. Ce sont les tribunaux de première instance et les tribunaux de grande instance qui statuent en matière commerciale, en fonction du montant de la demande.
- La Haute Cour de Justice
Créée par la constitution (article 53), la Haute Cour de Justice est compétente pour juger les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions par le Président de la République en cas de haute trahison, le Premier Ministre, les membres du Gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l’administration ayant reçu délégation de pouvoir, en cas de complot contre la sûreté de l’État.
► Les juridictions d’exception :
- Les Tribunaux militaires
Les tribunaux militaires ont été créés au Cameroun en 1972. Leur organisation est régie par la loi N° 2008/015 du 29 décembre 2008 portant organisation judiciaire militaire et fixant les règles de procédures applicables devant les tribunaux militaires.
L’article 3 de la loi de 2008 /015 du 29 décembre 2008 dispose qu’il existe un tribunal militaire par région, le Président de la République peut par décret et en cas de nécessité de service soit en créer un autre ou alors étendre le ressort d’un tribunal déjà en place à plusieurs régions.
Aux termes de l’article 7 de la loi de 2008, le tribunal militaire est notamment compétent pour connaitre des affaires purement militaires prévues par le code de justice militaire, des infractions de toutes natures commises par un militaire avec ou sans coauteurs ou complices civils, soit à l’intérieur d’un service militaire, soit dans l’exercice de leurs fonctions, des infractions impliquant l’usage des armes à feu telles que le vol avec port d’armes à feu, des infractions à la législation des armes de guerres et de défense, des infractions où se trouveraient impliqué un militaire en temps de guerre ou dans une région soumise à l’état d’urgence ou d’exception, des infractions commises dans un établissement, sur des équipements, des installations militaires par un civil, des infractions portant atteinte à l’intégrité physique d’un militaire.
Les personnes pouvant être traduites devant un tribunal militaire sont les militaires, les civils qui auraient agi en tant que coauteurs, ou encore qui auraient commis des infractions telles que prévues par la loi de 2008, mais également les étrangers auteurs ou complices des faits visés par l’article 7 sous réserve des conventions internationales renvoyant à un privilège de juridiction ou des règles relatives aux immunités diplomatiques. Il en est de même des mineurs de 14 à 18 ans auteurs ou complices des faits visés par l’article 7 qui ne peuvent être jugés que devant les tribunaux de droit commun.
- La Cour de Sûreté de l’Etat :
Créée par la loi n°90/060 du 19 décembre 1990, la Cour de Sûreté de l’Etat est une juridiction permanente et unique pour tout le Cameroun. Selon l’article 1er al.1 de cette loi, son ressort s’étend sur l’ensemble du territoire de la République. Son siège est à Yaoundé. Toutefois, elle peut tenir des audiences dans toute autre localité, sur décision du président de la République ou, par délégation, du Ministre chargé de la Justice.
A la Cour de Sûreté, la loi n°90/060 attribue, à l’article 4, au détriment du tribunal militaire, la connaissance des atteintes à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, ainsi que celle des infractions connexes. Les infractions contre la sûreté extérieure de l’Etat sont : l’espionnage et la trahison; les actes autres que l’espionnage et la trahison accomplis en temps de paix, de nature à nuire à la défense nationale et à la nation; l’enrôlement ou le recrutement, sans autorisation, des individus sur le territoire national, pour le compte des forces armées étrangères ; l’imprudence, la négligence et l’inobservation des règlements préjudiciables à la défense nationale, la non dénonciation ; le commerce et la correspondance, en temps de guerre, avec les sujets ou agents d’une puissance ennemie ; la participation, en temps de guerre, à une entreprise de démoralisation de l’armée ou de la nation.
Les atteintes à la sûreté intérieure de l’Etat sont : la sécession ; la guerre civile ; la révolution ; l’insurrection ; la bande armée.
Toutefois, les mineurs de 14 ans ne sont pas justiciables de la Cour de Sûreté de l’Etat. Le Président de la République au cas où il commet des atteintes à la sûreté de l’Etat dans l’exercice de ses fonctions, les membres du gouvernement en cas de complot ourdi contre la sûreté de l’Etat dans l’exercice de leurs fonctions et certains étrangers ne sont pas non plus justiciables de la Cour de Sûreté de l’Etat.
- Le Tribunal Criminel Spécial (TCS):
Promulguée le 14 décembre 2011 par le Président de la République, la loi N°2011/028 du 14 décembre 2011 institue une nouvelle forme de juridiction au sein du paysage juridique camerounais. Il s’agit d’un tribunal criminel spécial, siégeant à Yaoundé et ayant une compétence nationale. Son domaine de compétence couvre, selon l’article 2 de ladite loi, les « infractions de détournements de deniers publics et des infractions connexes prévues par le Code Pénal et les Conventions Internationales ratifiées par le Cameroun », lorsque le préjudice subit est supérieur à 50 millions de francs CFA. Parmi les infractions connexes, on trouve la corruption et les infractions apparentées ainsi que d’autres infractions telles que le blanchiment des capitaux réprimé au niveau international. Il faut signaler ici qu’il s’agit d’infractions portant essentiellement atteinte aux intérêts de l’Etat, et non à des intérêts particuliers. Par conséquent, cette loi ne saurait s’appliquer à la répression de tous types d’infractions financières, car certaines infractions, comme celles rentrant dans le cadre de la criminalité d’affaires, en sont exclues.
La loi du 14 décembre 2011 établit aussi les conditions de saisine de cette juridiction et fixe les délais accordés aux juridictions saisies des affaires devant relever de la compétence de ce nouveau tribunal, pour vider leur saisine. La création de ce tribunal découle d’une volonté est manifeste de pouvoir régler dans les meilleurs délais les affaires de criminalité financière qui pourraient survenir au Cameroun. Les délais pour l’instruction et le jugement des affaires sont ainsi ramenés à 6 mois, l’enquête préliminaire quant à elle doit se clore dans un délai de 90 jours.
Elle institue en outre une forme de transaction en matière pénale. Cette transaction est prévue à l’article 18 de la loi, qui prévoit qu’en cas de restitution du corps du délit, et sur autorisation écrite du Ministre de la Justice, le procureur général puisse procéder à l’arrêt des poursuites engagées avant la saisine de la juridiction de jugement. Lorsque cette restitution intervient après la saisine des juges, les poursuites pourront être arrêtées avant toute décision au fond et les juges saisis procèderont au prononcé des déchéances prévues à l’article 30 du Code pénal, avec mention au casier judiciaire.
Les jugements rendus par le tribunal criminel spécial ne sont susceptibles que de pourvoi devant la Cour suprême du Cameroun.
En octobre 2015, au TCS, au total depuis sa création, 115 dossiers avaient été instruits ou étaient en cours d’instruction, 223 inculpations, 40 non-lieux et 41 décisions d’arrêt des poursuites avaient été prononcés. Ont également été prononcés 146 condamnations à des peines d’emprisonnement assorties d’amendes et de frais de justice, 78 acquittements, 30 milliards de francs CFA de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l’Etat camerounais.
Les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif
Les juridictions inférieures des comptes
Les juridictions de droit traditionnel :
Elles sont au nombre de quatre : les tribunaux du premier degré ; les tribunaux coutumiers ; les alkali courts et les customary court.
Le système juridictionnel Camerounais est donc dual à la base (tribunaux administratifs prévus et tribunaux de l’ordre judiciaire) mais unitaire au sommet avec un pourvoi devant la seule institution qu’est la Cour suprême de la République du Cameroun.
4 – Formation des magistrats et des personnels de justice
La Division Judiciaire de l’Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature a pour mission la formation initiale des magistrats et des greffiers. La scolarité est d’une durée de 20 mois, dont 10 à l’école et 10 dans les juridictions.
En outre, en tant qu’Etat membre de l’OHADA, les magistrats camerounais peuvent avoir accès à l’École Régionale de la Magistrature qui assure la formation initiale et/ou continue des magistrats et auxiliaires de justice des Etats-parties.
Garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire, le Président de la République du Cameroun nomme les magistrats. Dans cette mission, il est assisté par le Conseil Supérieur de la Magistrature qui donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du siège. Le Ministre de la Justice est le Vice-Président du Conseil Supérieur de la Magistrature tandis qu’un magistrat de haut rang en est le secrétaire.
Le Conseil Supérieur de la Magistrature est composé de trois personnalités désignées par l’Assemblée nationale et trois personnalités désignées par le Président de la République. La durée du mandat des membres est de cinq ans.
5 – Justice des mineurs
Il n’y a pas de tribunaux pour mineurs mais la juridiction de droit commun, lorsqu’elle traite des mineurs, respecte une forme spéciale.
L’article 80 du Code pénal camerounais dispose que : « Le mineur de 10 ans n’est pas pénalement responsable. Le mineur de 10 à 14 ans pénalement responsable ne peut faire l’objet que de l’une des mesures spéciales prévues par la loi. Le mineur âgé de plus de 14 ans et de moins de 18 ans pénalement responsable bénéficie de l’excuse atténuante. Le majeur de 18 ans est pleinement responsable. »
L’article 29 du même code dispose que : « Les mineurs de 18 ans subissent leur peine privative de liberté dans les établissements spéciaux. A défaut ils sont séparés des détenus majeurs ». L’état du système carcéral camerounais rend toutefois impossible le respect de cette disposition.