Cambodge

1 – Constitution et système institutionnel
La Constitution a été adoptée en 1993 et révisée en 2004. Elle instaure une monarchie parlementaire.
Le chef d’Etat est le Roi. Il règne mais n’exerce qu’un pouvoir formel. La monarchie cambodgienne est une monarchie élective. Le Roi ne désigne pas l’héritier, celui-ci est choisi au sein de la famille royale par le Conseil du Trône, composé du Premier ministre, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, des chefs des deux ordres religieux du Cambodge, des deux Vice-présidents du Sénat et des deux Vice-présidents de l’Assemblée nationale (art. 10, 13 et 14 Const.). Le Roi signe et promulgue les lois votées par l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement est composé du Conseil des ministres. Il est dirigé par le Premier ministre, assisté d’un Vice-premier ministre, et comprend des ministres d’Etat et des secrétaires d’Etat (art. 118 Const.). Le Premier-Ministre est membre de l’Assemblée Nationale. Il est désigné par le Roi, sur recommandation du Président et des deux Vice-présidents de l’Assemblée Nationale (article 119 Const). Tous les membres du Gouvernement royal sont collectivement responsables devant l’Assemblée nationale et individuellement responsables devant le Premier ministre (art. 121 Const.).
Le pouvoir législatif est bicaméral. L’Assemblée nationale est composée de 120 députés élus au suffrage universel direct et au scrutin secret pour un mandat de cinq ans. Outre le pouvoir général de légiférer, l’Assemblée a des pouvoirs spécifiques : elle vote le budget national, les impôts, les lois d’amnistie générale, les traités et conventions internationaux, les déclarations de guerre, et la formation du Gouvernement royal. Les députés et le premier ministre ont le droit d’initiative des lois. Les députés ont le droit de questionner le gouvernement royal. Par l’intermédiaire du président de l’Assemblée nationale.
Le Sénat a été créé par la révision constitutionnelle du 4 mars 1999. Il est composé de sénateurs dont le nombre ne doit pas dépasser la moitié du nombre des membres de l’Assemblée nationale, élus au suffrage universel « restreint » pour une durée de six ans. Deux sénateurs sont élus par le Roi, deux autres par l’Assemblée nationale à la majorité relative. Les autres sénateurs sont élus au suffrage restreint. Le Sénat a pour attribution de coordonner le travail entre l’Assemblée nationale et le gouvernement. Il donne son avis sur les projets et propositions de lois votés par l’Assemblée nationale en 1ère lecture. L’Assemblée nationale n’examine en 2ème lecture que les amendements proposés par le Sénat. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent se réunir en Congrès.
Le Conseil constitutionnel cambodgien a été institué par le Kram (édit royal) du 8 avril 1998. C’est une institution indépendante et neutre, qui a pour compétence de garantir la défense et le respect de la Constitution et d’interpréter la Constitution et les lois.
Il est composé de 9 membres dont trois sont nommés par le Roi, trois par le Conseil Supérieur de la Magistrature, et trois autres sont élus par l’Assemblée nationale. Leur mandat est de 9 ans.
Le Conseil Constitutionnel ne peut pas, en principe, se saisir lui-même. Seuls peuvent saisir le Conseil Constitutionnel le Roi, le Président du Sénat, le Président de l’Assemblée Nationale, le Premier Ministre, un quart des sénateurs, un dixième des députés de l’Assemblée Nationale, ou les tribunaux pour l’examen de la constitutionalité des lois. Les citoyens et les partis politiques dans les conditions définies par la loi peuvent également le saisir, notamment une partie à un procès peut soulever la question de l’inconstitutionnalité de la loi. La juridiction inférieure soumet la plainte à la Cour Suprême, qui la transmet au Conseil Constitutionnel, si elle la juge fondée. Cette question préjudicielle a un effet suspensif, jusqu’à la décision du Conseil Constitutionnel.
2 – Système juridique
Le système juridique du Cambodge dérive du droit civil français. Les lois sont codifiées.
Le Cambodge dispose d’une Constitution, qui intègre les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le pays est partie, mais elle est largement méconnue, ce qui en affaiblit les garanties.
Le nouveau code de procédure pénale élaboré avec l’assistance technique de la France sur le modèle de notre CPP, est entré en vigueur en juin 2007. Le nouveau Code civil est entré en vigueur en décembre 2011. Les trois lois sur l’organisation des tribunaux, le statut des juges et des procureurs et le Code d’organisation et de fonctionnement du Conseil suprême de la magistrature ont été promulguées le 13 juillet 2014, renforçant ainsi le contrôle du gouvernement sur le Conseil suprême de la Magistrature.
3 – Organisation judiciaire
Le pouvoir judiciaire est un pouvoir indépendant, garant de l’impartialité. Il est compétent pour tous les litiges, y compris le contentieux administratif. Ce pouvoir est confié à la Cour suprême et aux juridictions.
Il n’existe donc qu’un ordre juridictionnel unique. L’organisation du système judiciaire est régie par la loi du 8 février 1993. Les tribunaux judiciaires sont les tribunaux provinciaux et municipaux, les tribunaux militaires, la Cour d’appel et la Cour Suprême. Le Cambodge applique le système du double degré de juridiction.
Les tribunaux municipaux et provinciaux (au nombre de 21) sont des tribunaux de première instance et ont compétence en matière pénale, civile, commerciale, administrative et de droit du travail.
Le tribunal militaire (situé à Phnom Penh) a compétence en première instance pour rendre des jugements sur les infractions commises par un membre de l’armée concernant le domaine militaire ou les biens des forces armées. Dans le cas où un militaire commet une infraction de droit commun, c’est le tribunal provincial qui est compétent.
La Cour d’appel (unique pour tout le pays) a compétence pour juger en appel les décisions rendues par les tribunaux de province et municipaux et par le tribunal militaire. La réforme législative de 2014 prévoit de mettre en place des cours d’appel provinciales.
La Cour suprême exerce un contrôle des arrêts de la Cour d’appel, en droit et non en fait.
Chaque cour et tribunal est organisé autour d’une formation de jugement et du ministère public. Les enquêtes préliminaires et de flagrance sont menées sous l’autorité du procureur du royaume. Ce dernier saisit le juge d’instruction d’un réquisitoire introductif pour toute ouverture d’information.
La Chambre Extraordinaire des Tribunaux du Cambodge (CETC) est un tribunal national cambodgien établi spécialement pour juger les membres dirigeants encore en vie de la Démocratie de Kampuchea et ceux qui figurent parmi les plus responsables des crimes et atrocités commis durant le régime des Khmers Rouges (du 17 avril 1975 au 6 janvier 1979). Instituée par la résolution 57/228 de l’Assemblée Générale des Nations Unies (février 2003) et un accord de coopération, cette juridiction spéciale bénéficie d’une assistance technique de la communauté internationale et de la participation de juges étrangers. Le tribunal a vu le jour en juillet 2006 et suite à l’adoption du règlement intérieur le 12 juin 2007, il est devenu complètement opérationnel.
Cette juridiction « hybride » présente les caractéristiques suivantes :
– Des 19 juges (y compris les juges de co-investigation), 11 sont de nationalité cambodgienne et 8 sont des juges internationaux nommés par le Secrétaire Général des Nations Unies. Il existe une condition de vote supra-majoritaire (majorité plus une voix) pour toute décision prise par les juges
– Il y a deux juges co-enquêteurs: l’un, cambodgien, est nommé par le gouvernement cambodgien, l’autre, international, est nommé par le Secrétaire Général des Nations Unies. Il en est de même pour les deux co-procureurs.
– La CETC a été conçu en conformité avec les critères internationaux de procédure judiciaire et du respect du droit de tout accusé à un procès équitable. L’ONU, qui joue le premier rôle en pourvoyant le personnel international pour la CETC et qui facilite les subventions volontaires des gouvernements étrangers, se réserve le droit de suspendre toute assistance, financière ou autre, à la CETC dans le cas où le gouvernement cambodgien procèderait à un quelconque changement structurel de la CETC ou modifierait le fonctionnement des chambres pré-établi par la convention signée avec l’ONU.
Si la CETC a connu des difficultés, à ses débuts, dans son fonctionnement, l’arrestation de Nuon Chea, plus haut responsable encore en vie du régime des Khmers rouges en septembre 2007 et son inculpation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité par les juges d’instruction, a redonné une certaine crédibilité au tribunal. Son inculpation vient s’ajouter à celle de Kaing Guek Eav, alias « Douch », ancien commandant d’un centre de torture, qui vient d’être condamné en juillet 2010, à une peine d’emprisonnement de 30 ans. Le 7 août 2014, les anciens dirigeants des khmers rouges Nuon Chea et Khieu Samphan ont été jugés coupables de crimes contre l’humanité, y compris d’extermination et de persécutions politiques.
4 – Formation et nomination des magistrats et des personnels de justice
Les magistrats sont recrutés à l’issue d’un concours. Ce mode de désignation a été institué notamment en vue d’éviter toute nomination politique permettant ainsi une meilleure garantie de l’indépendance des magistrats. Il existe deux concours, l’un réservé aux étudiants et l’autre ouvert aux fonctionnaires. En outre le gouvernement dispose de la faculté de nommer directement 5 magistrats. Les futurs magistrats suivent une scolarité de deux années à l’Ecole Royale de la Magistrature (ERM) qui a été créée avec le soutien de la France en février 2002.
L’organe de contrôle du corps de la magistrature est le Conseil Supérieur de la Magistrature, institué par la loi du 22 décembre 1994. Il assiste le Roi dans son rôle de garant de l’indépendance judiciaire. Il est présidé par le Roi, et comprend huit autres membres : le ministre de la Justice, le président de la Cour suprême, le procureur général près la Cour suprême, le Président de la Cour d’appel, le procureur général près la Cour d’appel et trois magistrats élus par leurs pairs. Leur mandat est de cinq ans, renouvelable. La réforme de 2014 est critiquée par les organisations de défense des droits de l’homme car elle ne garantit pas l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Selon l’article 10 de la loi du 22 décembre 1994, le CSM est obligatoirement consulté sur toute proposition ou tout projet de loi concernant l’organisation et le fonctionnement judiciaire. Par ailleurs, l’article 11 de cette même loi prévoit que le CSM décide et propose au Roi la nomination, la mutation, le détachement, la mise en disponibilité, la mise hors cadre, la révocation des juges et des procureurs et donne un avis sur leur avancement.
Les juges ne peuvent être démis de leurs fonctions. Cependant le Conseil supérieur de la magistrature prononce des sanctions disciplinaires à l’encontre des juges qui ont commis des fautes (art. 133 Const.) Pour décider des sanctions disciplinaires à l’encontre des juges et des procureurs, le Conseil supérieur de la magistrature se réunit sous la présidence du président de la Cour suprême ou du procureur général auprès de la Cour suprême, selon qu’il s’agit de juges ou de procureurs. (art. 134 Const.) Dans la pratique le CSM se réunit peu et c’est le Ministre de la Justice qui nomme et mute les magistrats.
Les magistrats du parquet bénéficient du même statut que leurs homologues du siège. Ils sont indépendants mais pas inamovibles.
5 – Justice des mineurs
Il n’existe pas de juridiction pour mineurs. Il en est de même pour le système carcéral. Ainsi enfants et adultes se voient attribuer les mêmes conditions de détention, de jugement et de peine. Or le système carcéral cambodgien, d’une capacité théorique de 8.500 places, accueille plus de 15.000 détenus, pour une population de près de 15 millions d’habitants (chiffres National prison administration 2015).
Cependant dans les textes, l’article 114 du Code pénal cambodgien dispose que les mineurs âgés de moins de 13 ans ne peuvent être détenus même temporairement. Les mineurs âgés de 13 à 18 ans ne peuvent l’être pour une durée supérieure à un mois sauf en cas de crime ou de délit pour lesquels la peine peut être doublée. Dans les faits pourtant, un grand nombre de mineurs est emprisonné, de façon préventive, pour une durée beaucoup plus longue et est condamné à des peines de prison importantes.
Le Youth Rehabilitation Center à Phnom Penh est le seul centre d’éducation fermé du pays. Financé par le gouvernement, il accueille 122 jeunes, âgés de 7 à 18 ans, exclusivement des garçons pour des séjours de 3 à 6 mois. Par manque de moyens, les conditions de vie sont rudes, les problèmes d’hygiène sont nombreux, un seul repas pris en charge par le gouvernement est servi par jour.