Sommaire
1 – Constitution et système institutionnel
L’Argentine est une République fédérale dont le régime est présidentiel.
La Constitution de l’Argentine est l’une des sources primaires du droit argentin. La version actuelle fut écrite en 1853, inspirée de la Constitution des États-Unis d’Amérique. Elle fut réformée à plusieurs reprises : 1860, 1866, 1898, 1949, 1957 avant de prendre sa forme actuelle en 1994. Fruit d’un accord entre le Parti justicialiste et l’Union civique radicale, la réforme de 1994 permet notamment au président de la République de briguer un second mandat, mais la durée du mandat est ramenée à quatre ans. Elle accorde une autonomie accrue à la Cour suprême et établit un Conseil de la magistrature. Elle met aussi en place la procédure de « l’amparo » le recours collectif et organise l’autonomie de la ville de Buenos Aires, qui dispose désormais d’un gouverneur-intendant spécifique ainsi que, depuis une loi de 2009, d’une police métropolitaine. La réforme inclut aussi un droit de résistance (art. 36).
La Constitution réserve au pouvoir central les compétences régaliennes : affaires extérieures, défense, monnaie, crédit et sécurité sociale.
Le pouvoir exécutif fédéral se compose d’un président, d’un vice président et d’un gouvernement composé de secrétaires d’Etat.
Le Président de la République est le chef de l’Etat et du gouvernement. Il est élu pour quatre ans au suffrage universel direct. Son mandat est renouvelable une fois. L’actuel Président est Mauricio Macri, qui a été élu le 22 novembre 2015, avec 51,34 % des voix ; il succède le 10 décembre 2015 à Cristina Fernández de Kirchner, qui, ayant déjà effectué deux mandats, ne pouvait se représenter.
Hormis la capitale qui a un statut spécial, l’Argentine est divisée en provinces autonomes, détenant tous les pouvoirs qui n’ont pas été délégués expressément au gouvernement fédéral. Il y a donc deux types de règles juridiques qui coexistent en Argentine : la législation fédérale et la législation locale.
Chaque province et de la ville de Buenos Aires dispose de son propre gouvernement avec un gouverneur élu. Les 23 provinces et le district fédéral de Buenos Aires sont dirigés par un exécutif élu au suffrage universel direct (le Gouverneur et les Secrétaires d’Etat que le Président de la République nomme) et des assemblées régionales.
Au niveau fédéral, le pouvoir législatif est exercé par un Congrès bicaméral («el Congreso ») composé d’une Chambre des députés (« la Cámara de Diputados ») de 257 membres élus pour quatre ans et d’un Sénat (« el Senado ») de 72 membres élus pour six ans dans chaque province (3 sièges dont un réservé au parti arrivé second à l’élection ; renouvellement par tiers).
Chaque province et la ville autonome de Buenos Aires disposent d’un pouvoir législatif, établi selon les termes de chaque constitution provinciale. Celui-ci est organisé soit de manière bicamérale soit de manière monocamérale, en fonction des provinces.
Le pouvoir judiciaire argentin est composé des institutions judiciaires fédérales ainsi que des institutions judiciaires des 23 provinces. Le système est donc différent pour chaque province en raison de l’autonomie conférée à ces dernières pour l’organisation de la justice. Une Cour suprême (« Corte Suprema de Justicia de la Nación ») coiffe l’ensemble du système judiciaire.
2 – Système juridique
L’Argentine est un pays de tradition civiliste. Le Code Napoléon a été la source du Code civil argentin adopté en 1869.
L’influence du droit anglo-américain se fait néanmoins de plus en plus sentir et donne un système juridique mixte qui comprend des éléments du droit continental et de la Common Law.
3 – Organisation judiciaire
Le pouvoir judiciaire de la Nation est exercé par la Cour suprême de justice et par les tribunaux inférieurs établis par le Congrès sur le territoire national. Il comprend les tribunaux de première instance, les cours d’appel, au niveau fédéral comme au niveau provincial, ainsi que la Cour Suprême.
· Le pouvoir judiciaire au niveau fédéral
La justice fédérale a compétence en matière de stupéfiants, contrebande, évasion fiscale et autres délits touchant à la sécurité de la Nation.
La Cour suprême de Justice de la Nation connaît de toutes les affaires ayant trait à des matières régies par la Constitution, les lois de la Nation ou les traités conclus avec des nations étrangères
En outre, la Cour Suprême statue en matière constitutionnelle et a une compétence exclusive dans les affaires qui impliquent les ministres et les membres du corps diplomatique et dans celles où une province est partie à la procédure. Ses membres sont nommés par le Président de la République et leur nomination est confirmée par le Sénat par un vote aux deux tiers.
Les autres juridictions au niveau fédéral sont les tribunaux de première instance (un par province) et les cours d’appel, où siègent trois juges au sein de chacune. Elles sont organisées selon le type de contentieux traité (juridictions civiles, commerciales, pénales, du travail, contentieux administratif fédéral, de sécurité sociale, etc.)
Les cours d’appel connaissent des recours formés contre les décisions de première instances et sont des instances collégiales.
Le pouvoir judiciaire au niveau provincial
Chaque Etat a sa propre organisation judiciaire. Chaque province d’Argentine est dotée d’une autonomie constitutionnelle pour l’administration et l’organisation de la « justice ordinaire » sur son territoire. Les provinces doivent établir leurs propres organes judiciaires et leurs propres législations processuelles et procédurales. Dans la majorité des Etats, il existe 4 degrés de juridictions: justices de paix, juridictions de première instance, cours d’appel et un Tribunal supérieur de justice.
- Les juges de paix (« juez de paz ») sont à la base de la pyramide judiciaire. Ils sont désignés par le Conseil Municipal pour 4 ans et nommés par le Tribunal Superior de Justicia. Ils ont surtout un rôle de médiation et de conciliation en matière civile et pénale. Ces juridictions statuent à juge unique.
- Les « tribunaux de première instance et d’instruction » (« juzgados de primera instancia ») ont une compétence générale en matière civile et pénale. Une ou plusieurs de ces juridictions sont instituées dans chaque circonscription territoriale à l’intérieur d’une province. Ils connaissent aussi des appels introduits à l’encontre des décisions des juges de paix. Ils statuent à juge unique.
- Les « Camaras Federales de Apelaciones » (chambres d’appel) sont approximativement l’équivalent des cours d’appels françaises et des tribunaux de grande instance. Elles ont compétence en matière civile et pénale dans les affaires relatives aux provinces.
- Le « Tribunal Superior de Justicia » est l’autorité judiciaire suprême au niveau de la province comprenant en général cinq chambres (civile, pénale, commerciale, administrative, électorale) statuant à 3 magistrats. En outre, il a une compétence exclusive comme juge de premier et dernier ressort sur certaines questions telles que les actions déclaratives d’inconstitutionnalité des lois, décrets, et règlements de la province.
En plus des juridictions de droit commun, on trouve des juridictions spécialisées, comme la Cour fédérale pour la sécurité sociale ou encore la Cour de cassation spécialisée dans le domaine du contentieux administratif fédéral.
Il est à noter également que la ville de Buenos Aires poss Le Ministère public
Le Ministère public est une entité distincte du pouvoir exécutif et judiciaire depuis la réforme constitutionnelle de 1994 et il comporte à la fois les services du Procureur général et ceux du Défenseur national. L’article 120 de la Constitution le définit comme un organe indépendant, avec une autonomie fonctionnelle et une autonomie financière.
Le Procureur général, nommé par le Président de la République avec l’approbation du Sénat, dirige l’action publique sur l’ensemble du territoire et représente l’accusation devant la Cour Suprême. Alors que la mission du Procureur général est centrée sur le respect de la légalité et de l’ordre public, celle du Défenseur national est axée sur la préservation des intérêts de la société, des intérêts des mineurs et des incapables, sur la défense pénale des personnes qui ne peuvent payer les services d’un avocat.
Le Défenseur national a aussi compétence en matière de droit des personnes et de droit de la nationalité, à l’instar de notre Parquet civil.
On assiste en Argentine à une véritable médiatisation du fait judiciaire : les magistrats sont interviewés, invités à commenter leur jugement, à en débattre le cas échéant. Le secret de l’instruction est lui-même, dans les faits, relatif.
4 – Formation des magistrats et des personnels de justice
Les 4000 juges argentins, auparavant nommés par le Président de la République, sur proposition du Conseil de la magistrature, sont désormais sélectionnés par concours pour les postes de niveau élevé et tirés au sort pour l’exécution de tâches plus mineures. Ils sont formés à l’Ecole Judiciaire.
Le Conseil de la magistrature est composé de trois juges, six parlementaires (trois députés et trois sénateurs), deux représentants du Conseil des avocats, un représentant du Pouvoir exécutif et un représentant des facultés de droit.
Le Conseil est en charge du recrutement, du contrôle de la conduite des magistrats, de la gestion du budget de la justice et de l’administration du système judiciaire national. Il prend également l’initiative de traduire un juge devant le Jury des poursuites composé de législateurs, de magistrats et d’avocats inscrits au barreau, pour cause de mauvais exercice de leurs fonctions, de délit commis dans l’exercice de leurs fonctions ou de crime de droit commun. Il existe un Conseil de la magistrature au niveau national et des conseils de la magistrature provinciaux.
5 – Justice des mineurs
En Argentine, les jeunes de 18 à 21 ans sont qualifiés de «mineurs adultes» et bénéficient d’un régime spécial selon lequel ils sont séparés des adultes. Un régime spécial est également accordé aux mineurs de 16 à 18 ans, pour lesquels les juges décident au cas par cas s’ils doivent être placés dans un établissement spécial. Les enfants de moins de 16 ans ne sont soumis à des sanctions d’aucune sorte et peuvent, le cas échéant, être placés en institution par le juge des mineurs.
Dans l’ensemble, l’Argentine ne dispose pas d’une réglementation très détaillée en matière de droit pénal des mineurs.
S’agissant des mesures de protection (volet civil), l’Argentine s’est dotée en 2005 d’une loi sur la protection des mineurs, laquelle s’inspire d’instruments internationaux, notamment de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Les mineurs délinquants sont souvent issus de milieux défavorisés et décrits comme consommateurs de drogues dures. Les réponses pénales prévues par les textes sont présentées comme globalement insuffisantes en ce qu’elles ne prennent pas suffisamment en compte la spécificité de la délinquance des mineurs.
Le Ministère de la sécurité de la province de Buenos Aires a adopté deux résolutions prévoyant l’interdiction de détenir des mineurs dans les commissariats de police et l’obligation de transférer ceux qui s’y trouvent dans des établissements spéciaux, d’une part, et l’interdiction de détenir des mineurs à des fins de protection sociale, d’autre part, ces cas étant désormais uniquement du ressort des autorités judiciaires.
6 – Application des peines et système pénitentiaire
Le pays compte davantage de personnes détenues inculpées que condamnées. Plus de 50% des détenus sont en détention provisoire. La population carcérale totale était en 2015 de plus de 69.000 détenus pour une capacité de 66.000 places. Dans la province de Buenos Aires, la surpopulation est de 26%.
Le gouvernement argentin a cependant ouvert de nouveaux centres de détention et a fait un certain nombre de choix budgétaires et politiques qui vont dans le sens d’une amélioration des prisons fédérales.
7 – Actualité juridique
– Adoption d’un nouveau code de procédure pénale en 2014
Ce nouveau code inscrit un certain nombre de grands principes dans les textes : célérité, oralité, publicité, protection renforcée des victimes (accent mis sur la réparation du dommage). Il introduit le système accusatoire et confère au ministère public des pouvoirs importants dans la direction des enquêtes. Les délais d’enquête sont raccourcis. Un projet de nouveau code pénal est toujours en cours.
– Adoption d’un nouveau code civil et de commerce en 2015
Dans le même code sont réunies les dispositions du code civil et celles du code de commerce.
Ce code réforme de façon importante le droit des contrats, le droit de la famille (adoption, mariage, successions), le droit de l’arbitrage, le droit des franchises et le droit bancaire (durée minimale des prêts de 2 ans, max de 50 ans). Le code encourage le recours à la monnaie nationale (pesos) dans les contrats. Le droit du divorce est simplifié.
La protection des consommateurs est renforcée.
De nouvelles règles de limitation de responsabilité dans les sociétés sont introduites.