Sommaire
Le système juridique du Royaume-Uni n’est pas unifié. L’Angleterre et le pays de Galles, l’Écosse, l’Irlande du Nord ont chacun leur système. La nouvelle Cour Suprême chapeaute toutefois les trois systèmes.
1 – Système juridique
L’Angleterre applique la « Common Law » (droit coutumier et jurisprudence sont les sources essentielles du droit). C’est un droit de règles de procédure et non de règles de conduite : l’équité joue un grand rôle, ce d’autant que la grande majorité des décisions est rendue par des juges non professionnels. Il existe une tradition du compromis aussi bien dans les affaires civiles que pénales (avec notamment le plaider coupable).
La procédure pénale est de type accusatoire. La police, indépendante des services de poursuites pénales, mène l’enquête, depuis le Criminal Procedure and Investigations Act (1994). Elle transmet les éléments de l’enquête aux services de poursuites pénales qui sont le Crown Prosecution Service (infractions de droit commun), le Serious Fraud Office (infractions financières d’une certain gravité) et le Revenue Customs Prosecution Office (infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment, infractions douanières et fiscales). Ces services, qui assurent les poursuites devant les cours, choisissent les pièces utiles à l’accusation qui seront également remises à la défense. Les pouvoirs de ces services se sont encore accrus en avril 2006 dans la poursuite des affaires : ils décident des qualifications et surtout du renvoi à l’audience des affaires. Dès lors, s’ils ne peuvent en droit exiger de nouvelles investigations, ces services de poursuites ont le pouvoir de contraindre la police à effectuer des investigations complémentaires, sous peine de ne pas voir son enquête prospérer jusqu’à l’audience. Les personnes chargées des poursuites, qui sont solicitors ou barristers, requièrent devant toutes les juridictions. Les autres personnes, qui ont reçu une formation spéciale « caseworkers» peuvent soutenir l’accusation pour les infractions mineures (infractions routières par exemple).
2 – Organisation judiciaire
Il y a une distinction entre les juridictions civiles et les juridictions pénales à chaque niveau d’instance.
Les tribunaux de première instance
- Les Magistrates’ Courts
Ces juridictions s’occupent essentiellement de questions pénales mineures (les affaires les plus graves sont portées devant la Crown Court Cour de la Couronne). Elles peuvent infliger des peines d’amende et des peines de détention.
Elles ont des compétences très limitées en matière civile et traitent seulement d’affaires portant sur le droit de la famille et le recouvrement de certaines créances modestes.
Ces Tribunaux sont composés de plusieurs juges non professionnels (« Magistrates») ou d’un seul juge professionnel (« District Judge » anciennement « Stipendiary Magistrate »). Ils sont assistés de « Clerks », bien souvent des solicitors qui servent en quelque sorte d’assistants de justice et de procédure. Dans ces Tribunaux, en mars 2011, siégeaient 30 000 magistrates (50,8% sont des femmes et 49,2% des hommes), et seulement 300 juges professionnels.
- Les County Courts
Il y a 218 County Courts qui traitent la majorité des affaires civiles, à l’exception des affaires complexes. Les affaires traitées par ces tribunaux concernent souvent le recouvrement de créances mais aussi certaines actions relatives à la possession de biens et droit de la famille, de l’adoption et de faillite. A Londres, les affaires de divorce sont traitées par le greffe principal de la division des affaires familiales et non par les County Courts.
Les County Courts sont présidées par un juge de circuit (130 en 2011) ou un juge de district (600 en 2011), assistés de juges à temps partiel : les recorders (1420 en 2011).
Les cours de degré supérieur
Ces juridictions sont à la fois des juridictions de première instance pour certaines affaires et juridictions d’appel des décisions rendues par les Magistrates Courts ou par les County Courts.
La High Court
Le siège de la High Court est situé à Londres mais elle siège également dans plus de 100 greffes de district en dehors de Londres.
Elle peut théoriquement connaître de la quasi totalité des actions au civil, bien que dans la pratique elle traite les affaires les plus importantes ou les plus complexes. Elle comprend trois divisions, issues de certains tribunaux anciens :
- La division du Banc de la Reine (Queen’s Bench Division, 60 juges en 2011)
Elle est compétente pour une large gamme de matières civiles, notamment les actions en dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle et délictuelle, les actions en diffamation, les litiges commerciaux et les affaires maritimes. Elle statue sur les appels dans les affaires de faillite. Elle statue également en matière administrative. Elle est présidée par le Lord Chief Justice appelé désormais le « President of the Queen’s Bench Division ».
- La division de la chancellerie (Chancery Division, 17 juges en 2011)
Elle s’occupe des questions concernant les biens, ainsi que des litiges concernant les entreprises et les sociétés de personnes.
- La division des affaires familiales (Family Division19 en 2011)
Elle s’occupe des divorces et des affaires matrimoniales, des affaires concernant les enfants, comme l’adoption, des testaments non litigieux et du partage des biens des personnes décédées sans avoir rédigé de testament. Elle statue sur les appels des décisions familiales rendues par les tribunaux d’instance.
La Crown Court
Elle existe depuis 1973. C’est une Cour qui siège dans plusieurs centres. Elle traite en 1ère instance des affaires criminelles les plus graves qui lui sont renvoyées par les Magistrates Courts. S’il y a controverse sur la culpabilité, les affaires sont jugées par un juge et un jury de douze citoyens.
La Crown Court joue également le rôle de Cour d’appel contre les décisions rendues par les magistrats non professionnels des Magistrates Courts. Dans ce cas le juge professionnel (Circuit judges and recorders) est assisté de deux et au maximum quatre juges non professionnels (« magistrates »).
La Cour d’appel (Court of Appeal)
Elle est compétente en appel pour les décisions rendues par la High Court et la Crown Court. Elle est divisée en deux branches, la division criminelle et la division civile. La formation de jugement de la division criminelle est composée généralement de trois juges qui ne rendent qu’une seule décision collégiale.
La division civile, est présidée par le maître des rôles (« Master of the Rolls »). La formation de jugement est composée de trois juges, dont chacun peut rendre son avis. La décision de la cour exprime l’opinion majoritaire.
La Cour Suprême (Supreme Court)
Il s’agit du dernier degré de juridiction en Angleterre et au Pays de Galles tant en matière civile qu’en matière pénale. Elle est entrée en fonction au mois d’octobre 2009 (cérémonie d’ouverture par la Reine le 16 octobre 2009).
Le Lord Chief Justice of England and Wales
Une partie des pouvoirs qui étaient dévolus au Lord Chancellor a été confiée au plus haut juge de la Cour Suprême : le Lord Chief Justice of England and Wales qui est désormais à la tête de l’institution judiciaire en Angleterre et au Pays de Galles.
Ses principales missions, outre de siéger, sont :
- – la représentation de l’autorité judiciaire devant le Parlement et le Gouvernement
- – la formation des Juges et la conception des lignes directrices de la Justice, il dirige notamment le Sentencing Guidelines Council, l’organe qui publie de véritables lignes directrices pour les tribunaux en proposant notamment des peines appropriées aux infractions,
- – la répartition des Judges dans les différentes juridictions
- – conjointement avec le Lord Chancellor l’engagement de la responsabilité des juges et la charge de l’Office for Judicial Complaints qui enregistre et traite les plaintes des particuliers contre les membres du corps judiciaire.
Les tribunaux spécialisés (Tribunals)
Il n’existe pas de juridictions administratives mais de nombreux tribunaux traitent de questions variées : l’immigration, la fiscalité, la santé mentale, la propriété foncière et immobilière, les prestations sociales, les transports et les conflits du travail (les « Employment Tribunals », juridictions paritaires composées d’un président (lawyer) et de deux assesseurs représentant respectivement les employeurs et les employés, ont compétence pour statuer sur les différends dans le domaine du droit du travail).
3 – La magistrature
Les Juges
L’indépendance de la justice, principe de valeur constitutionnelle, a été réaffirmée par la loi de réforme constitutionnelle de 2005. L’unification de la gestion des tribunaux et des personnels de justice a été réalisée le 1er avril 2005 par la création du HMCS (Her Majesty’s Courts Service). Les juges sont pour partie des juges professionnels, à temps plein ou à temps partiel et pour partie des juges non-professionnels, volontaires et non-rémunérés (les « magistrates »). Les membres du service des poursuites ne sont pas des juges professionnels, mais ils sont pour la plupart des solicitors ou des barristers.
Les juges professionnels : « circuit judges », « district judges ». A ces juges viennent s’ajouter des juges à temps partiel.
Les juges britanniques ne sont pas recrutés au terme d’un concours ou d’une épreuve, mais ils sont nommés parmi les juristes expérimentés sur dossier de candidature. Les conditions requises des candidats (notamment quant à l’ancienneté) et la procédure de nomination varient d’un poste à l’autre. Pour les juges professionnels, la loi fixe une durée minimale d’expérience professionnelle de 7 ans pour un « stipendiary », 10 ans pour un « circuit judge » ou pour un juge de la High Court.
L’autorité centrale dans le processus de nomination était jusqu’à la réforme de mai 2005, le Lord Chancellor. La Loi constitutionnelle a créé une Judicial Appointments Commission (JAC), composée de 15 membres juristes (dont 9 juges et 6 juristes) qui doit dorénavant donner des avis motivés au Lord Chancellor; celui-ci doit motiver par écrit un refus de nomination d’un candidat. Cette « JAC » doit officiellement veiller à diversifier le recrutement du corps judiciaire (seulement 17% des Juges sont des femmes et 3% appartiennent à des minorités ethniques). Un Ombudsman est par ailleurs chargé d’examiner les recours portant sur la procédure de nomination des juges.
Les magistrates sont des juges non-professionnels à qui l’on demande seulement de faire preuve « de bon sens, d’intégrité, d’intelligence et d’une capacité à agir de manière juste ». Ils sont nommés pour 6 ans sur recommandation de comités locaux. Ils reçoivent une formation initiale en droit civil et droit pénal et bénéficient d’une formation continue. Ils prêtent serment d’agir « sans peur ni faveur, affection ou mauvaise volonté ». Ils sont bénévoles et sont tenus de siéger au moins 26 demi-journées par an. Ils sont assistés de clerks (généralement des solicitors) chargés de les conseiller sur les questions juridiques.
Depuis peu, le recrutement fait l’objet d’une publicité par voie de presse pour les cours inférieures.
La responsabilité de tous les Juges pour une faute professionnelle peut être engagée. Pour les magistrats de la High Court, seul le Parliament (c’est à dire les deux chambres et la Reine) peut les démettre de leurs fonctions. Pour les autres il a été créé l’Office for Judicial complaints organe qui instruit les plaintes déposés par les particuliers envers les membres du corps judiciaire. Dans les cas les plus graves, le Lord Chief Justice et le Lord Chancellor peuvent ordonner des investigations. Si le particulier ou le juge incriminé ne sont pas satisfaits de l’enquête menée, ils peuvent faire appel devant une instance d’appel (review body).
Le service des poursuites
Attorney General
L’Attorney General (Procureur Général) est le conseiller juridique du Gouvernement mais non du cabinet et est membre du Bar Council. Lors de sa nomination, il devient automatiquement la plus haute personnalité du Barreau : Head of the Bar. Il fait partie du Gouvernement et exerce des responsabilités ministérielles : il est ministre, participe aux débats parlementaires pour toutes les questions juridiques qui touchent les affaires publiques et constitutionnelles. Enfin, il représente le Gouvernement devant les cours d’appel, les cours européennes et les tribunaux internationaux. Il est aussi l’autorité de tutelle du Ministère public (Crown Prosecution Service- CPS-) lui-même indépendant.
Crown Prosecution Services
Les Crown Prosecution Services (CPS) sont au nombre de 43 en Angleterre-Pays de Galles. Les services du parquet sont divisés en 42 régions, en fonction des ressorts des services de police et il y a 2 CPS pour la région de Londres, l’un supervisant la Metropolitan Police of London, l’autre la City Police of London, spécialisée dans la criminalité financière.
Chaque région est dirigée par un Chief Crown Prosecutor (procureur de la couronne) et correspond à une zone de police. La police a seule la responsabilité de l’enquête. Le CPS travaille en étroite collaboration avec la police mais en demeure indépendant. Il introduit les poursuites devant les tribunaux. Les CPS donnent des conseils à la police sur des poursuites possibles, ils déterminent les chefs d’accusation, ils préparent les procès pour la Cour et les présentent devant la justice.
Les membres du service des poursuites ne sont pas en Grande-Bretagne des juges professionnels. Il n’y a pas de passerelle du service des poursuites vers le siège, le siège (« judiciary ») étant totalement distinct du service des poursuites.
Pour leur recrutement, il convient de distinguer suivant que le candidat est déjà solicitor, barrister. Pour les solicitors ou les barristers, le recrutement s’effectue à la suite d’un entretien qui, s’il s’avère concluant, permet l’intégration directe dans le corpus du Crown Prosecution Service. Les autres juristes qui pourraient devenir « caseworks » sont soumis à un examen, comprenant un cas pratique et un entretien avec un jury composé de 2 juristes et un fonctionnaire. A l’exception des juristes qui intègrent les services de poursuites, il n’existe pas de formation distincte de celle des solicitors et barristers. Les barristers se voient accorder un contrat d’une année au cours de laquelle ils doivent faire preuve de leur aptitude à ces fonctions. Les solicitors disposent d’un contrat similaire mais porté à une durée de 2 ans.
A côté du CPS se trouve le nouveau Ministère de la Justice qui est responsable du processus judiciaires pour les magistrates courts, les Crown courts, les courts of appeal, la legal services commission and prisons/probation (National Offender Management Service). Le Ministère de la justice doit être garant de la justice, en assurant sa responsabilité et sa transparence.
Ainsi le CPS est en charge du procès contre l’accusé, au nom de l’Etat et le Ministère de la Justice veille au bon fonctionnement du processus de justice dans son ensemble. Le Ministère ne peut s’ingérer dans les fonctions du CPS qui est un organe non ministériel.
4 – Justice des mineurs
Depuis le «Children act 1989» complété par le « Children Act 2004 », deux institutions judiciaires ont été créées : les «family proceeding courts» qui ont en charge les procédures pour la protection des enfants en danger et les «Youth Courts» (qui ont remplacé en 1992 les «juveniles courts») qui ont exclusivement en charge la délinquance juvénile des mineurs de 11 à 18 ans. Ces tribunaux sont constitués de magistrates (juges non professionnels) qui suivent une formation spéciale.
Cependant, le mineur de plus de 14 ans peut être jugé par une Crown Court (juridiction pénale ordinaire mais avec une composition légèrement différente) si, soit l’infraction pourrait conduire un adulte à une peine d’emprisonnement de plus de 14 ans ou correspond à un «sexual assault on women» ou à une conduite dangereuse sous l’influence de drogues ou de l’alcool, soit s’il est poursuivi conjointement avec une personne de plus de 18 ans et que le tribunal considère qu’il est dans l’intérêt de la Justice de les juger ensemble.
Le mineur est pénalement responsable dès l’âge de 10 ans : La loi sur la prévention de la criminalité et des troubles à l’ordre public (Crime and Disorder Act), adoptée le 31 juillet 1998, a supprimé la présomption d’irresponsabilité des mineurs ayant entre 10 et 14 ans. Avant cette date, la présomption d’irresponsabilité pouvait déjà être combattue par tout moyen de preuve, il convenait de démontrer que le jeune pouvait faire la différence entre le bien et le mal.
L’incarcération est possible, pour les infractions graves (meurtres,…) dès l’âge de 10 ans. Les délinquants âgés de 10 à 17 ans peuvent faire l’objet d’une «detention and training», sa durée oscille entre 4 et 24 mois. Les mineurs de plus de 15 ans sont détenus dans des établissements pour mineurs ou dans des unités séparées des prisons pour adultes. Ceux de moins de 15 ans sont placés dans des établissements spécialisés: foyers, ou maison de redressement.
Dans le cas d’un premier délit ou d’une récidive considérée comme non grave, et dans la mesure où l’individu reconnaît sa culpabilité, la police peut adresser une réprimande ou une mise en garde au jeune délinquant. A la seconde récidive, le jeune devra comparaître devant le tribunal.
La loi sur la justice criminelle de 1999 a introduit la voie réparatrice en créant une mesure de renvoi, le «referral order», qui entraîne le renvoi automatique immédiat des mineurs délinquants primaires qui reconnaissent les faits devant une commission pour jeunes délinquants appelée «youth offender team » (YOT) à moins que le délit soit suffisamment sérieux pour justifier une incarcération ou que le tribunal ne prononce l’acquittement. La « YOT » conclut avec le mineur un contrat de réinsertion et de réparation de l’infraction. Quand le contrat est rempli avec succès, le jeune retrouve un casier judiciaire vierge.
Les enfants et les jeunes adultes sont généralement traduits devant une Youth Court, selon une procédure qualifiée de «sommaire». Si le mineur plaide non coupable, une date sera fixée pour son procès de façon à ce que les juges disposent de toutes les preuves et décident de la culpabilité du mineur. Si le mineur est reconnu coupable, il sera jugé rapidement et la peine la plus appropriée lui sera imposée.
Par un mémorandum adressé au Royaume-Uni le 17 octobre 2008, le Commissaire aux droits de l’homme du conseil de l’Europe, Monsieur Hammarberg, a indiqué que le système de justice pour mineurs était trop répressif et trop peu axé sur la réhabilitation. Il a recommandé que l’âge de la responsabilité pénale soit aligné sur l’âge moyen appliqué dans le reste de l’Europe et s’est montré préoccupé par le recours excessif à la détention des enfants, dont les conditions sont également critiquées (châtiment corporel, méthodes d’attachement et autres techniques d’immobilisation violentes).
5 – Les victimes d’infractions
La victime a la faculté de porter plainte mais elle n’est considérée que comme un témoin lors de toutes les étapes de la procédure. Elle n’est donc pas une partie à la procédure et elle ne pourra pas avoir accès au dossier. Elle peut avoir un avocat mais il devra rester silencieux ; elle ne pourra par ailleurs bénéficier de l’aide juridictionnelle que dans des affaires de violences familiales (depuis 2007).
Si les autorités de poursuite ont classé l’affaire, la victime d’une infraction dispose du droit de lancer une poursuite privée ou de faire appel de la décision officielle de non-poursuite en utilisant la procédure de « judicial review ». La victime ne pourra pas interjeter appel des décisions rendues par les Tribunaux en matière pénale. Seule la personne condamnée a la faculté d’entamer une procédure en appel.
Une fois la juridiction pénale saisie, la victime peut obtenir un simple ordre de compensation (« compensation order ») qui n’est pas une décision civile mais une modalité de la sanction pénale. Cette compensation ne réparera cependant jamais le préjudice dans son intégralité.
En conséquence, la victime dispose d’une action civile lui permettant de demander des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l’infraction.
Différentes critiques se sont manifestées au sujet des droits des victimes, au nombre desquelles l’absence de possibilité de se constituer partie civile. Différents essais ont tentés d’associer les victimes au processus judicaires : à titre d’essai, depuis avril 2006, cinq Crown Courts permettent aux familles des victimes de meurtres ou d’homicides involontaires, de s’exprimer devant la juridiction. Pour les infractions les plus graves, les victimes peuvent aussi bénéficier de l’assistance de la police, sous forme de tuteurs, au cours de la procédure de police
6 – Application des peines et système pénitentiaire
Le nombre des détenus en Angleterre et au Pays de Galles était, d’environ 86.526 fin juillet 2012, un taux élevé au regard des chiffres moyens pour les pays européens. Il convient de noter que la population carcérale a augmenté de façon significative, suite aux émeutes d’août 2011. (La population carcérale était en effet de 85.543 détenus en juillet 2011).
En ce qui concerne l’exécution des peines, les règles ont été fixées par le « Criminal Justice Act 1991 » qui précise que tous les prisonniers doivent accomplir une partie de leur peine en détention, tout en leur donnant l’opportunité de bénéficier d’une libération anticipée (à mi-peine) ou conditionnelle (pour les peines supérieures à 4 ans). Au Royaume-Uni, une personne condamnée à une peine de prison par un juge lors d’une audience, part en principe directement en prison, contrairement à d’autres systèmes, comme par exemple le système français, où plusieurs mois peuvent s’écouler avant que la peine ne soit exécutée.
Des expériences pilotes sont menées de prison par intermittence, moitié en prison, moitié sous surveillance. La loi de 1952 sur les prisons, texte assez court et très général sur le système pénitentiaire, évoque le travail des détenus, mais ne définit pas les règles qui lui sont applicables
Depuis 1992, le secteur privé intervient directement dans la gestion de certains établissements pénitentiaires : 11 sur 139 en Angleterre-Pays de Galle et une sur 15 en Ecosse, ce qui représente environ 10% de l’ensemble de la population pénale. Sur ces 10 prisons, 8 ont été construites également par le secteur privé. L’Etat via un controller s’occupe des problèmes de discipline et vérifie que les clauses du contrat sont respectées.
Des projets de construction de nouvelles prisons sont en cours de discussion. La préoccupation du ministère de la justice est d’abaisser la population carcérale à 82000 détenus pour réduire les coûts liés aux incarcérations.
7 – Actualités et État du droit
Budget de la Justice
Des coupes de plus de 23% pour les 4 ans qui viennent, -soit – 6% par an-, vont affecter son budget qui va passer progressivement de 9.9 milliards de livres pour l’année 2010 à 7 milliards en 2015. Les restrictions budgétaires affecteront plus particulièrement les prisons et l’aide juridictionnelle. Le budget de la justice pour 2012 est de 9 milliards de livres.
Une réforme de l’aide judiciaire est en cours de réflexion. Le système est généreux et concerne prés de 3 millions de Britanniques. Il coûte globalement 2 milliards de livres par an au budget de la justice, un milliard pour l’aide en matière civile et un milliard en matière pénale. En raison des obligations du Royaume-Uni découlant des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, aux termes desquelles tout accusé doit pouvoir se défendre, le budget d’aide juridictionnelle pénale, le « criminal Defense Service fund » n’a pas de plafond.
Il est question, notamment en matière civile, de valoriser la médiation, plus rapide et moins coûteuse. En matière de divorce par exemple, la médiation sera obligatoire. Les études économiques en matière d’aide légale ont démontré que le prix de la médiation lors des séparations s’établissait à 535 livres au lieu de 2823 livres lors d’un passage en contentieux. Seule, l’aide légale aux seuls cas de divorce pour violence ou de divorce consécutif à un mariage forcé sera maintenue. Le ministre espère ainsi réaliser une économie de l’ordre de 350 millions de livres par an.
Le Crown Prosecution Services (CPS)
Le CPS, autorité poursuivante, depuis 2010, inclue aussi les services des poursuites de l’administration de la Répression des fraudes (Serious Fraud Office), ainsi que des douanes et des impôts indirects Revenue and Customs Prosecutions Offic). Pour les années 2009-2010 le CPS a poursuivi près de 983,000 personnes devant les cours d’Angleterre et du Pays de Galle : plus de 110,000 devant la Crown Court et prés de 872,000 dans les magistrates’ courts. 14,270 appels ont été enregistrés et 19,376 affaires ont été transférées (committal for sentence) devant la Crown Court par les magistrate’s courts pour fixation de la peine qui dépasse leur compétence. Le nombre de personnes poursuivies en 2011 était de 910.000 personnes soit 70.000 de moins par rapport à 2009/2010, dont 110.294 devant la Crown Court et 798.237 devant les Magistrates courts. Le coût moyen d’une affaire dans laquelle l’accusé plaide coupable avant la date du procès, est de 60£. En revanche, pour une affaire jugée devant les magistrates’ courts il est de 479£.
L’influence des décisions judiciaires
La question du droit de vote des prisonniers
Une loi de 1870 privait le condamné du droit de vote, -la mort civique de l’époque du roi Edouard III-. Cette loi amendée en 1969, le principe a été reformulé par la loi de 1983 (Representation of the People Act) dont l’article 3 précise que : « toute personne condamnée est, pendant son incarcération dans un établissement pénitentiaire en exécution de sa peine, légalement incapable de voter aux élections parlementaires ou locales quelles qu’elles soient. »
Le Royaume-Uni avait été condamné en 2004 dans l’arrêt Hirst v UK par la Cour de Strasbourg. Selon la Cour, si le législateur pouvait décider d’éventuelles restrictions au droit de vote en raison d’infractions spécifiques ou d’une gravité particulière, il ne saurait y avoir d’interdiction totale ou absolue de voter pour tout détenu purgeant sa peine. Les députés conservateurs ont mené campagne contre cette décision. Cette situation présente une difficulté financière. Comme il est écrit dans l’arrêt de la cour européenne, les frais de justice pour la procédure diligentée au Royaume Uni se sont élevés à plus de 40 000 livres, payés par les contribuables anglais puisque les frais d’avocats du seul détenu plaideur ont été assumés en intégralité par l’aide juridictionnelle.
Le registre des délinquants sexuels
Le registre des délinquants sexuels, ViSOR (Violent and Sex Offenders Register), est un fichier contenant les noms de toute personne ayant été déclarée coupable, réprimandée ou récemment mise en liberté pour avoir commis un crime sexuel contre des enfants ou des adultes depuis septembre 1997. Ce fichier est contrôlé par la police du Royaume-Uni et contient près de 29 000 noms, soit, d’après le Home Office, 97% des délinquants sexuels.
Selon la loi de 1997 Sex Offenders Act (amendé en 2003), les délinquants sexuels sont obligés d’être inscrits sur ce fichier dans les 3 jours suivants leur jugement ou leur mise en liberté.
La Cour Suprême a jugé en 2010 que les 24,000 personnes enregistrées dans le fichier ViSOR devaient bénéficier d’un droit de recours pour pouvoir faire retirer leurs noms de ces registres et n’être pas automatiquement répertoriées comme délinquants sexuels à vie.
La cour a justifié sa décision à partir des statistiques du Home Office selon lesquelles 75% des personnes condamnées pour des infractions sexuelles ne connaissaient pas de récidive, en tous cas dans les 21 ans qui suivaient leur condamnation. Elle s’est appuyée juridiquement sur le principe de la proportionnalité de la sanction et sur les normes européennes en matière de droits de l’homme.
Cette décision a été très critiquée par les conservateurs et notamment par Theresa May, ministre de l’intérieur qui a déclaré que les juges n’avaient pas à s’ériger en législateur.
Conséquences judiciaires des émeutes de 2011
Sur 3.051 personnes interpellées, 1.968 ont été condamnées à des peines de prison. Une majorité d’entre elles (1252) ont été jugées par les plus hautes juridictions pénales, les « Crown Courts » au sein desquelles siègent des magistrats professionnels pouvant infliger des peines de prison significatives. Les peines moyennes prononcées ont été de 19.4 mois, alors que la moyenne des peines infligées pour des faits de même nature ne dépasse pas habituellement les 11.3 mois, ce qui a traduit une certaine volonté de répression.
Personnes de même sexe
Le Royaume-Uni n’a pas encore adopté de loi autorisant le mariage des personnes de même sexe, celles-ci pouvant voir reconnaître leur union par un pacte civil accordé par une loi de 2004. Le gouvernement a lancé une consultation sur le sujet dans un contexte qui semble favorable à une évolution législative. Le Royaume-Uni a en effet déjà adopté des dispositions accordant aux couples de même sexe la possibilité d’adopter un enfant, d’avoir recours à l’insémination artificielle ou encore à une mère porteuse.
La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme
Le débat au Royaume-Uni est intense sur le sujet. En effet, le Human Rights Act de 1998 a repris les dispositions de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme pour les intégrer dans le droit anglais. Le Human Rights Act de 1998 a également prévu que les juges anglais devaient respecter les décisions les plus importantes de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Les eurosceptiques contestent à la fois l’adhésion à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et le fait que celle-ci puisse avoir des effets obligatoires sur la Common Law. Même si le Royaume-Uni est très peu condamné par la Cour Européenne, les affaires pénales ayant entrainé sa condamnation, qu’il s’agisse de la censure de la Cour sur l’interdiction faite par le droit anglais aux prisonniers de voter, ou encore sur l’interdiction de renvoyer une personne suspectée de terrorisme en Jordanie, ont provoqué de violents débats. Certains députés conservateurs ont clairement envisagé un retrait de la Convention. S’il apparait improbable que le gouvernement conservateur puisse se retirer de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, Chris Grayling a dans le passé affirmé qu’il fallait se débarrasser du Human Rights Act de 1998.